Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Portrait de médecin: le neurochirurgien Claude Bertrand

Nommé Compagnon de l'Ordre du Canada en raison des services rendus particulièrement aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson, le Dr Claude Bertrand, a connu une vie bien remplie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Nommé Compagnon de l'Ordre du Canada en 1971 en raison des services rendus particulièrement aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson, le Dr Claude Bertrand, a connu une vie bien remplie. Neurochirurgien de renommée internationale, marié depuis plus de 60 ans, père de 4 enfants et grand-père de 11 petits-enfants, il est celui qui a instauré la neurochirurgie à l'Hôpital Notre-Dame à Montréal en 1947. Il convient certes de jeter un œil sur l'illustre carrière de ce grand médecin.

Claude Bertrand est né à Sherbrooke en 1917. Son père et son frère aîné étaient tous deux chirurgiens. Étonnamment, la médecine n'avait pas été son premier choix. Vers l'âge de 17 ans, il décide d'entreprendre des études en ingénierie. Il s'inscrit donc à l'Université McGill. Mais, fortement influencé par son père et son frère, il décide de changer de carrière et s'inscrit en pré-médical à l'Université de Montréal. Son premier exploit sera de terminer avec brio ces études en seulement trois mois.

Il y obtient son diplôme de médecine en 1940 et entreprend une spécialisation en chirurgie dans une université américaine. Attiré par la neurochirurgie, il revient à Montréal où il fait sa résidence à l'Institut de neurologie de Montréal avec nul autre que le Dr Wilder Graves Penfield, fondateur de cet Institut et, comme nous l'avons déjà vu, pionnier dans ce domaine.

Mais le pays est en guerre, Très tôt, il doit interrompre sa résidence car il est enrôlé dans l'armée canadienne afin de participer à l'effort de guerre et aider à soigner les soldats. Il est nommé capitaine du corps médical à l'Hôpital de Sainte-Anne-de-Bellevue. Il faut souligner que cet hôpital avait été désigné pour recevoir les grands blessés de guerre (hémiplégiques, quadraplégiques, etc.) d'outre-mer pour désengorger les hôpitaux d'Angleterre. Le Dr Bertrand y pratique déjà la neurochirurgie, puis il reprend sa résidence. Récipiendaire de la prestigieuse bourse de Rhodes, comme l'avait été le Dr Penfield, il entreprend une année de recherche à l'Université d'Oxford en Angleterre. La passion du Dr Bertrand pour la neurochirurgie s'y confirme.

Dès son retour à Montréal, l'Hôpital Notre-Dame lui ouvre ses portes. Le succès ne se fait pas attendre. De concert avec le neuroradiologiste, le Dr Jean-Louis Léger, il met au point une technique particulièrement efficace pour les victimes de traumatismes crâniens : l'artériographie carotidienne. Probablement que sa grande expérience dans un hôpital militaire a contribué à cette percée importante. Ses travaux l'amènent à être appelé à contribuer à la création du Comité canadien des accidents de la route.

L'innovation semble s'imposer dans la carrière du Docteur Bertrand. La recherche clinique est devenue son véritable cheval de bataille. À l'Hôpital Notre-Dame, il s'entoure d'une équipe ultraspécialisée composée, entre autres, des docteurs Françoise Robert, neuro-pathologiste, et Normand Giard, neurologue. À l'université de Montréal, il travaillera particulièrement avec les docteurs Normand L. Poirier, neuroanatomiste, et Pierre Cordeau, neurophysiologiste. Il étudie plus spécifiquement les mécanismes des mouvements anormaux (spasmes, épilepsies, Parkinson). Avec la collaboration de ses coéquipiers, il met au point un cadre stéréotaxique. Cet instrument qui permet des chirurgies fines au cerveau connaîtra un succès international. Il permet aussi d'aider grandement les chirurgiens qui traitent la maladie de Parkinson.

Toujours dans l'étude des mouvements anormaux, le Dr Bertrand s'intéresse au torticolis spasmodique. Autre innovation : c'est en traitant cette affection qu'il élabore une technique chirurgicale connue maintenant sous le nom de dénervation sélective. Grâce à cette technique, il devient possible de ne traiter que les seuls muscles responsables des spasmes plutôt que d'avoir à intervenir au niveau du cerveau. Il s'agit d'une intervention qui a depuis été utilisée sur plus de 500 patients avec succès.

Dès le début des années 1950, le Dr Bertrand est encore dans la trentaine, il pense à la relève et souhaite pouvoir offrir un enseignement en français de la neurochirurgie. Il s'adjoint alors les services de trois jeunes neurochirurgiens les docteurs Jacques Cartier-Giroux, Jules Hardy et Napoléon Martinez, qui avaient effectué leur résidence sous sa direction. Grâce à leurs efforts, de nombreux résidents en neurochirurgie, tant d'ici que d'Europe et d'Amérique, ont pu bénéficier d'un enseignement en français. Mais il n'oublie pas pour autant les collègues anglophones. Ainsi en 1953, avec quinze confrères américains, il fonde le Neurosurgical Travel Club. Cette nouvelle association avait pour but de favoriser les échanges entre les neurochirurgiens d'Amérique du Nord, en particulier en organisant une rencontre par année.

Docteur Bertrand me confia qu'il s'agissait là d'une des réalisations dont il est resté le plus fier : «Les membres arrivaient le mercredi et il y avait une première rencontre dès le début de la soirée. Les jeudi et vendredi matin, nous assistions en salle d'opération à une chirurgie conduite par le membre hôte. Les après-midis de ces jours étaient consacrées à visiter les installations de recherche. Finalement, le samedi était consacré au divertissement soit dans un club de golf ou dans un "resort'' quelconque. Chaque rencontre engendrait des échanges extrêmement productifs et me permettait d'être au courant des toutes dernières innovations chirurgicales ou technologiques.»

Une autre réalisation dont il fut particulièrement fier fut sa nomination en 1969 comme Traveler pour la James IVth Association. Le docteur Claude Bertrand avait alors été choisi pour faire en somme le pont entre les chirurgiens anglophones d'Amérique et d'Europe. Encore ici, il s'agissait pour lui d'une occasion unique d'apprendre. Ainsi fut-il étonné de voir en Irlande des cas de patients atteints de tétanos intubés en attendant que la toxine tétanique ait terminé son effet.

Malgré toutes ses réalisations, le docteur Bertrand est resté bien humble par rapport au savoir humain. Ainsi le rapporte-t-on dans le Journal de l'Association médicale canadienne :

«Le Dr Claude Bertrand a pour sa part proposé aux congressistes de faire avec lui un "Voyage autour du cerveau". (...) Il a souligné l'importance du langage : "Dans cette société de l'image, on oublie facilement qu'il est essentiel d'apprendre à préciser et à formuler verbalement nos concepts. On pourrait même assister à une atrophie de la fonction : l'hémisphère mineur pourrait devenir dominant, prompt à résoudre des problèmes mais incapable d'en exprimer la solution." Il a terminé en comparant les hommes à un groupe d'aveugles qui prétendent décrire un éléphant après avoir palpé chacun une partie seulement du corps de cet animal. "Avec notre tendance à généraliser, chaque fois que nous faisons une découverte dans un domaine, alors que nous levons un coin du voile de l'immense univers, nous croyons avoir découvert le secret de l'ensemble... En somme, il n'est pas logique de penser que l'homme est rationnel." (référence : Journal de l'Association médicale canadienne, vol. 115, p. 914, 6 novembre 1976).

En 2006, l'Université de Montréal inaugure en grandes pompes, la chaire Claude-Bertrand en neurochirurgie à l'UdeM dont le premier titulaire est le docteur Richard Béliveau. Avec des dons de départ d'un million et demi de dollars, la chaire «vise à promouvoir la recherche clinique et fondamentale dans un milieu de formation en neurochirurgie ; à permettre à chacun des neurochirurgiens cliniciens de participer activement, dans un contexte clinique, à la production de connaissances et à la découverte de thérapies dans leurs domaines d'expertise (neurochirurgie, neurochirurgie fonctionnelle, neurochirurgie vasculaire, neuro-oncologie, neuropédiatrie, etc.) ; à offrir aux futurs neurochirurgiens une formation scientifique dont ils pourront faire bénéficier leurs patients tout au long de leur carrière ; à attirer des étudiants et des chercheurs étrangers», tel que relaté dans la Revue recherche en santé du Fonds de recherche en santé du Québec (référence : Recherche en santé, No 36, mars 2006, p.20).

Le docteur Bertrand a reçu plusieurs autres honneurs lors de sa grande carrière. Ainsi il obtint le prix Lawrence Poole de la faculté de médecine de l'Université d'Édimbourg (1970-71) ; la médaille de la Société européenne de neurochirurgie stéréotaxique et fonctionnelle, ainsi que la médaille d'argent de Sa Majesté la reine Elizabeth II (1977). Le docteur Bertrand est décédé le 7 août 2014. Il était âgé de 97 ans.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Arthrite

Quelques statistiques sur la santé des Canadiens

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.