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Il était une fois la maladie: acouphène, maladie d'un grand musicien, inspiration d'un grand inventeur

«», telle était la première mention écrite de l'acouphène dans l'histoire humaine.
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«Un bruit qui ressemble à une tempête et qui touche l'une ou l'autre des oreilles », telle était la première mention écrite de l'acouphène dans l'histoire humaine. On la retrouve dans le livre de médecine du Fayyun paru en Égypte plus de 300 ans avant Jésus-Christ. On y suggérait aussi comme remède une décoction à base de roseau, de lotus, d'herbe et d'huile. Du côté des Grecs, Aristote, à peu près à la même époque, notait que ce son perçu dans l'oreille disparaissait lorsque le sujet était exposé à un bruit extérieur fort.

Les préoccupations en regard à l'acouphène ne datent donc pas d'hier et tout au long du Moyen-Âge et de l'ère moderne, elles continueront d'interpeler médecins et chercheurs. Ainsi au VIe siècle après J.C., Alexandre de Tralles, un médecin grec installé à Rome, écrivit plus d'une douzaine de livres de médecine.

Dans l'un de ceux-ci, il souligne que la situation du patient s'améliore lorsqu'il est placé dans un environnement plus bruyant. La même thèse sera reprise par un chirurgien français, Gui de Chauliac, auteur de « La grande chirurgie » en 1363, guide qui fera école jusqu'au milieu du XVIIIe et qui lui conféra le titre de père de la chirurgie moderne. Le masquage a donc fait tôt son entrée dans le traitement de l'acouphène.

Quant aux causes, Paracelse, dès le début du XVIe siècle, souligna l'importance d'un environnement trop bruyant dans l'apparition de l'acouphène. Puis longtemps, on croira que la source du mal provient de mouvements d'air inappropriés dans le conduit auditif.

L'anatomie à la rescousse

À la fin du XVIIe siècle, un grand anatomiste français publie Traité de l'organe de l'ouïe. Joseph-Guichard Du Vernay, ce fils d'une grande lignée de médecins, fut le premier à décrire aussi précisément l'oreille et ses différentes constituantes. Mais comme plusieurs à l'époque, il croyait que les labyrinthes étaient emplis d'air. Ce n'est qu'un siècle plus tard qu'un anatomiste italien du nom de Cocugno put constater que ceux-ci renfermaient plutôt du liquide, ce qui modifia grandement l'approche du problème des acouphènes.

Un autre grand nom français marquera l'oto-rhino-laryngologie au début du XIXe siècle. Jean Marc Gaspard Itard publia en 1821 le Traité des maladies de l'Oreille et de l'audition. Ce médecin classa les acouphènes en trois groupes: les acouphènes vrais avec cause acoustique telle une artère pulsatile ou une obstruction dans le conduit auditif, les acouphènes faux avec atteinte de l'oreille interne desquels il distingua ceux d'origine idiopathique (apparus par exemple suite à un bruit fort comme une explosion) et ceux d'origine symptomatique (en relation avec une maladie comme l'hystérie et autres) et finalement les acouphènes fantastiques d'origine psychique. Itard utilisa aussi la technique du masquage en prescrivant par exemple à une femme dont l'acouphène était intolérable de passer quelques mois dans un moulin, ce qui la guérit totalement.

Puis un appareil arrive à la rescousse

Son grand-père avait été un comédien célèbre et un grand orateur à Londres. Son père avait inventé un appareil pour aider les sourds: le Visible Speech qui utilise une série de symboles pour illustrer comment placer les lèvres, la langue et la gorge pour produire certains sons. Il est donc dans l'ordre des choses que l'on retrouve en 1868 le jeune Alexander enseigner aux sourds à l'école Susanna Hull à Londres.

En 1870, il immigre avec sa famille en Ontario où il assiste son père comme thérapeute auprès des personnes sourdes. Nommé professeur de physiologie vocale à l'Université de Boston, Alexander Graham Bell y enseigne et débute ses recherches qui le conduiront à sa découverte la plus célèbre: le téléphone.

Plus tôt dans sa carrière, comme nous l'avons vu, Bell avait travaillé auprès des sourds. Les pères de deux d'entre eux: George Sanders et Mabel Hubbard, décidèrent en signe de reconnaissance d'appuyer financièrement les recherches d'Alexander.

Cette collaboration entre Alexander Graham Bell et les malentendants conduira à une autre de ses inventions: l'audiomètre. On doit à Bell plusieurs autres inventions, mais sa relation avec l'univers des malentendants demeurera une constante tout au long de sa vie. Ainsi en 1877, il épouse son ancienne élève malentendante et fille de son associé: Mabel Hubbard. De plus, il partagera ses profits pour promouvoir l'enseignement de la parole aux sourds-muets.

Le début du vingtième siècle apporta un nouvel éclairage sur les acouphènes et la tendance était de chercher une explication unique aux diverses manifestations de la maladie. Les docteurs Jean Causse et L. Rüedi avancent l'hypothèse que tous les bourdonnements pourraient résulter de lésions communes au niveau central.

Vers les années 1950, l'audiométrie gagne en popularité et une dizaine d'années plus tard, elle sera complétée de ce qui fut d'abord appelé tintométrie puis acouphénométrie. Il s'agit alors de mesurer directement et par masquage sonore le niveau d'intensité de l'acouphène. Le rêve du début du siècle se concrétise alors puisqu'on revient aux débuts des années 1970 à une classification beaucoup plus simple: les acouphènes liés à une surdité de transmission et ceux attribuables à une lésion de l'oreille interne. Un autre grand nom s'y est signalé: Portmann.

Quatre générations à l'écoute

En 1880, un jeune médecin de Bordeaux revient de plusieurs séjours en Allemagne, en Autriche, en Russie et en Grande-Bretagne avec un but bien précis: fonder la première grande école d'oto-rhino-laryngologie en France.

Le docteur Émile-Jules Moure est un conférencier mondialement reconnu et ses enseignements sont religieusement suivis. Il fonde le journal Revue de laryngologie. Prévoyant, le docteur Moure tient à assurer une succession compétente pour que son école lui survive. Un de ses étudiants lui semble des plus prometteurs et de plus ce dernier fréquente assidûment l'une de ses filles qu'il épousera. Ainsi le Dr Georges Portmann mena une carrière médicale éblouissante et ses travaux de recherche sur le traitement des vertiges et les cancers de la tête et du cou ont connu de grands succès.

Le docteur Portmann poursuivit aussi une carrière politique non moins notable ayant participé à la résistance sous le pseudonyme de Perreault et ayant servi par la suite comme sénateur. Il décéda en 1985.

L'un de ses fils, Michel assurera la relève en oto-rhino-laryngologie et continuera l'œuvre de son père et de son grand-père tant au niveau de l'enseignement que de la recherche et la communication. En 1948, il épousa Claudine Barrau alors étudiante en pédiatrie qui, sous son influence, changea de spécialité pour celle de l'ORL. Le couple Portmann aura une carrière fulgurante. En 1952, Michel Portmann crée le Centre de phono-audiologie régional de l'université de Bordeaux, en 1955, il fonde le Laboratoire d'audiologie expérimental. Il signera une quinzaine d'ouvrages et près de 500 articles scientifiques. En 1954, avec son épouse, il institue le Centre d'audition et du langage. Il est universellement reconnu comme un pionnier de la microchirurgie de l'oreille, dextérité qu'il partage avec sa passion pour la peinture. Au Québec, il est considéré comme l'inspirateur de l'École d'ORL de l'Hôtel-Dieu de Québec. Il détient sept doctorats honorifiques, dont un de l'Université Laval.

Aujourd'hui, c'est l'un de ses fils, Didier Portmann, qui perpétue la tradition en ORL enseignant l'ORL et dirigeant la Revue de laryngologie fondée 127 ans avant par son arrière-grand-père...

Ludwig van Beethoven disait: «Ne serait-ce qu'à cause de mes oreilles qui sifflent et bourdonnent jour et nuit, je puis dire que ma vie est un calvaire», ce qui illustre bien ce que pensent encore de nos jours bien des personnes aux prises avec des acouphènes.

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Mai 2017

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