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Que sait-on de la sexualité masculine?

SEXOLOGIE - Tout le problème est que la liberté sexuelle conquise par les femmes ne crée pas symétriquement des hommes d'autant plus libres. Ce que la sexualité masculine a perdu en triomphe (avec ou sans gloire), elle l'a gagné en incertitude et en questions... Elle est par là même devenue, ou redevenue intéressante !
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SEXOLOGIE - "Ce serait quand même plus facile si, de temps en temps, elles disaient : 'Oh non ! Oh non...' Mais au lieu de dire 'non', elles disent 'oui' ". Cette phrase d'un jeune homme (pas encore trentenaire) en psychanalyse fait partie des quelques propos qui m'ont le plus fortement motivé à écrire ce livre sur la sexualité masculine. Les femmes ne sont plus ce qu'elles étaient. Le temps où elles découvraient l'érection masculine lors de la nuit de noces a aujourd'hui des airs de préhistoire.

Tout le problème est que la liberté sexuelle conquise par les femmes ne crée pas symétriquement des hommes d'autant plus libres. Ce que la sexualité masculine a perdu en triomphe (avec ou sans gloire), elle l'a gagné en incertitude et en questions... Elle est par là même devenue, ou redevenue, intéressante ! À l'heure de la parité entre les sexes, la domination masculine a perdu de sa tranquillité, le machisme est en berne.

Ce même jeune homme ajoute que non seulement les femmes disent "oui", mais qu'il leur arrive aussi de prendre les devants et de formuler le premier mot. Dans ces cas-là, précise-t-il, "on se dit qu'il va falloir assurer sur l'érection." Cette inquiétude-là est aussi vieille que la virilité. Les temps sexuels ont changé, les discours sur les divans aussi. Sauf que... la rémanence, l'insistance de quelques mots de toujours, comme "fiasco", "éjaculation précoce" ou "bander mou", viennent sérieusement nuancer l'hédonisme de rigueur. La "libération sexuelle" a bouleversé le comportement et les pratiques des hommes et des femmes, elle a laissé intact le conflit psychique et sa cohorte de symptômes et d'inhibitions. La sexualité ne serait que pratique et technique, il suffirait d'apprendre par cœur le Kâma Sûtra. Mais elle est aussi, et d'abord, psychique. Et là tout se complique.

La "libération sexuelle" est la confirmation paradoxale du constat psychanalytique qu'il n'y a pas de traitement social ou politique de la question sexuelle, en tout cas de la part toujours inacceptable de celle-ci. La liberté sociale est réjouissante, la liberté psychique est angoissante. Le "tout est permis, tout est possible" qui "régule" les vies sexuelles d'aujourd'hui n'a diminué en rien la fréquence des symptômes d'une virilité défaillante; pas plus, d'ailleurs, que n'est en baisse la frigidité des femmes. Ces symptômes en eux-mêmes n'expliquent rien, ils ont en revanche le mérite de dire "le toujours" derrière "le maintenant". L'exemple de la "domination masculine" est à cet égard remarquable. À l'heure où la parité écrit la loi, elle est devenue politiquement incorrecte, en attendant de devenir socialement obsolète (?). Elle est aussi condamnable, c'est d'abord elle que vise la loi sur le harcèlement sexuel. La libido des hommes aurait-elle emboîté le pas pour enfin cesser d'être dominandi? Il importe ici de ne pas confondre le niveau conscient des représentations sociales et celui, inconscient, des désirs et des conflits psychiques. La phrase de Sade: "Il n'est d'homme qui ne veuille être un despote quand il bande", n'a pas pris une ride. On peut être un homme fervent défenseur et militant des droits de la femme et ne parvenir à éjaculer que si sa femme est en "levrette". L'inconscient fait de la résistance, il est politiquement incorrect.

Freud consacre plusieurs articles à la "sexualité féminine", aucun qui ne porte le titre: "Sexualité masculine", même si les considérations sur le sujet sont nombreuses dans son œuvre. Comme si l'expression "sexualité masculine" frisait le pléonasme, dans la mesure où les hommes, dans presque toutes les cultures et quelles que soient les époques, se sont toujours approprié le pouvoir sur la vie sexuelle. Les temps ont d'autant plus changé que la "libération" ne s'est pas contentée de libérer la féminité des femmes, la féminité des hommes en a aussi profité.

La vague émancipatrice la plus récente a concerné le choix sexuel, la liberté de s'orienter selon le désir pour l'autre sexe ou le même (homos). Là aussi, les choses sont allées très vite, à l'image de ces homosexuels hommes ou femmes de Madrid qui s'embrassent goulûment à la Puerta del sol, à l'endroit même où régnait hier encore l'étroitesse de l'ordre franquiste et catholique, version Opus Dei.

La psychanalyse navigue entre deux écueils, le premier d'élever l'inconscient au niveau d'une transcendance ignorante des variations sociales; le second de ramener la réalité psychique au simple enregistrement du monde environnant. D'un côté, un universalisme abstrait qui se condamne à dénier les différences culturelles et les remaniements historiques; de l'autre, un empirisme éparpillé, devenu aveugle aux constantes. Le bouleversement de nos vies sexuelles depuis quelques décennies est une occasion privilégiée pour prendre la mesure de ce qui fait le fonds de l'humaine sexualité, notamment masculine, et de ce qui revient aux choix et interdits d'une culture et d'une époque.

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La sexualité masculine, Que sais-Je ?, PUF, à paraître en février 2013

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