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Migrations interprovinciales: qui se prête à des jeux politiques?

Le Québec continue d'enregistrer de fortes pertes nettes sous le gouvernement libéral. Même si nous savons que c'est encore trop tôt pour tirer des conclusions, ce sujet doit nous préoccuper.
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Les analystes ne devraient pas être jugés par ce que nous « pensons qu'ils pensent »

Le nombre de Québécois qui ont quitté la province au cours des dernières décennies et les raisons ayant motivé ce départ sont des sujets au cœur de nombreux débats d'actualité. Pendant les années 1970, plusieurs observateurs ont soutenu que l'incertitude politique pouvait expliquer les lourdes pertes de la province due à la migration interprovinciale. Depuis les années 1980, la perte nette causée par la migration entre le Québec et les autres provinces est le plus souvent attribuée à des circonstances économiques. Pourtant, certains soutiennent que la politique (et notamment les politiques linguistiques) a toujours été le facteur déterminant ayant poussé nombreux Québécois à quitter la province, bien que c'est souvent aux non-francophones que ces analystes se réfèrent lorsqu'ils tentent d'émettre des hypothèses quant aux prétendues raisons les poussant à quitter.

Peu importe leur idéologique, les chercheurs ne sont pas à l'abri de la possibilité que leurs préférences politiques puissent façonner leurs perceptions à propos des questions identitaire. Ils peuvent faire de leur mieux pour séparer ces préférences de leurs analyses, mais en réalité ceci ne fonctionne pas toujours. Je ne fais pas exception et ce n'est aucunement un secret que je ne suis pas souverainiste.

En tant que fédéraliste non-francophone - qui soulève parfois certaines inquiétudes par rapport aux pertes dues à la migration interprovinciale -, ça m'arrive d'être accusé de faire de la politique partisane. Toutefois, il demeure nécessaire de surveiller de près le phénomène de la migration interprovinciale dans un État qui est légitimement préoccupé par son avenir démographique.

Idéalement, les analystes devraient être jugés sur ce qu'ils disent ou ce qu'ils écrivent et nous ne devrions pas supposer que chaque observation qu'ils font est colorée par leur préférence politique. Un essai publié dans Le Devoir (24 janvier 2015) par un ancien analyste en chef de la division démographique de Statistique Canada, Alain Belanger, illustre bien mes propos. Enseignant à l'Institut national de recherche scientifique et maintenant libre des contraintes sur les déclarations publiques de Statistique Canada, Belanger prétendre révèle mes véritables intentions dans le cadre d'une analyse que j'ai publié les données sur les pertes nettes du Québec dues à la migration interprovinciale telle que signalée par les estimations démographiques trimestrielles du mois de décembre 2013 par Statistique Canada.

En janvier 2014, The Montréal Gazette (6 janvier) et CTV (8 janvier) ont signalé que le nombre de Québécois ayant quitté le Québec pour une autre province entre janvier et septembre 2013 était à son plus haut niveau pour une période de neuf mois consécutifs depuis 2000. Bélanger souligne que « ma » conclusion à cet égard était erronée puisque les chiffres préliminaires de Statistique Canada ont été comparés avec les chiffres finals (qui paraissent 18 mois plus tard). Il allègue que j'ai délibérément gonflé les pertes dues à l'émigration dans le but d'attaquer le gouvernement du Parti Québécois et son projet de Charte des valeurs.

Alain Bélanger note qu'en comparant les chiffres préliminaires d'émigration pour la période de janvier-septembre 2013 avec des trimestres qui remonte à l'année 2000, nous arrivons aux plus faibles résultats pour cette même période durant les treize dernières années (je vais revenir sur ce point plus tard). Pourtant, je n'ai jamais parlé des pertes cumulatives des trois trimestres comme représentant un record pour l'émigration de la province. En contactant Statistique Canada, eux-mêmes, les grands garçons et les grandes filles des médias anglophones ont fait leur propre évaluation. Il est à noter que dans les estimations démographiques publiées pour les résultats du premier trimestre de 2013, les analystes de Statistique Canada ont contrasté les résultats entre les données préliminaires et définitives sur la migration interprovinciale.

Dans mon analyse des données, j'ai porté mon attention sur les périodes d'avril-juin 2013 et de juillet-septembre 2013; nous pouvons constater un nombre exceptionnellement élevé de départs de la province durant cette première période et un nombre exceptionnellement faible d'entrés au Québec du reste du Canada. Considéré ensemble, j'étais convaincu que ces deux mouvements provoqueraient une perte nette importante due à la migration interprovinciale.

Alain Belanger suggère que, dans des entrevues que j'ai accordées à The Montréal Gazette et à CTV, je n'ai pas été sincère lorsque j'ai tiré la conclusion que les pertes nettes dues à la migration ne pouvaient pas être associées avec le débat autour de la Charte des valeurs (il suggère que le simple fait que je mentionne la Charte établit une telle association). Pourtant, j'ai catégoriquement résisté aux tentatives des médias de me faire avancer ce lien. (Il faut cependant reconnaitre que, à la défense des journalistes, chez les anglophones et notamment auprès les minorités religieuses, le débat sur la charte a provoqué des remous importants).

On ne fait qu'énoncer une évidence en affirmant que les pertes en matière de migration interprovinciale se sont produites lorsque le PQ était au pouvoir. Mais ce n'était pas suffisant pour Bélanger que je déclare que : « La hausse de l'émigration n'est pas liée au débat diviseur autour de la Charte des valeurs proposée par le gouvernement péquiste. » Dans la même entrevue avec CTV, j'ai également averti «que l'on ne doit pas lier l'exode se produisant au Québec aux politiques du Parti Québécois. » C'est vrai que je n'ai pas écarté le fait que si ce fort exode persiste, cela pourrait signifier que certains facteurs non économiques ont une influence. Dans la mesure où Belanger considère cette observation comme une attaque astucieuse contre la Charte des valeurs, je réponds que rejeter catégoriquement cette possibilité pour le futur revient à défendre implicitement la Charte, quelque chose que Bélanger est tout à fait en son droit de faire, mais c'est préférable qu'il l'annonce clairement.

Mon observation générale qu'une forte migration est généralement associée à de sévères problèmes économiques semble beaucoup déranger Bélanger et il me rappelle que le Québec n'est pas en récession. Je ne peux pas être plus en accord avec lui et c'est pourquoi j'ai dit à CTV News que « ces chiffres semblent indiquer que nous vivons une récession bien que cela ne soit pas le cas. »

Bélanger a raison de souligner que ce n'est pas raisonnable de comparer des données préliminaires à des données définitives. Avec du recul, je dirais que la comparaison entre des séries de données préliminaires comporte également des risques.

Dix-huit mois se sont écoulés depuis que Statistique Canada a publié les données préliminaires de la migration pour le deuxième trimestre de 2013. Statistique Canada a publié les données définitives le 18 mars 2015. Or, la perte nette due à la migration interprovinciale pour le trimestre d'avril-juin 2013 est la plus forte pour cette même période de trois mois depuis l'année 2000. Lorsque les résultats définitifs pour le troisième trimestre de 2013 vont être rendus publics, je parie qu'ils vont être encore pires (je ne suis pas sûr si le professeur Bélanger est prêt à faire un pari là-dessus).

Le Québec continue à enregistrer de fortes pertes nettes sous le gouvernement libéral à cause de la migration interprovinciale tel que cela a été suggéré dans les données préliminaires pour le troisième trimestre de 2014. Même si nous savons que c'est encore trop tôt pour tirer des conclusions, ce sujet doit nous préoccuper, peu importe leurs alliances politiques.

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