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Course à l'OIF: l'économie au cœur des préoccupations des États membres

À trois mois du sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Dakar, les prétendants à la succession d'Abdou Diouf commencent à détailler leurs plans d'action.
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À trois mois du sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Dakar, les prétendants à la succession d'Abdou Diouf commencent à détailler leurs plans d'action : les problèmes primordiaux auxquels ils veulent s'attaquer en premier, le choix des actions prioritaires, les personnes avec qui et les moyens auxquels ils ont besoin pour atteindre leurs objectifs.

En effet, deux tendances semblent se dessiner clairement dans les priorités de candidats. Il y a d'une part ceux qui estiment qu'il serait nécessaire d'insister sur le volet économique ; et d'autre part, ceux qui font prévaloir, en premier, le volet politique et diplomatique.

Les candidats qui privilégient le volet politique et diplomatique mettent de l'avant leurs expériences antérieures et présentes dans la perspective de résolutions des conflits armés qui secouent certains pays membres de l'OIF.

C'est le cas notamment des anciens présidents du Burundi, Pierre Buyoya, actuellement haut-représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel et de celui du Mali, Dioncounda Traoré, ancien président de la transition, qui font prévaloir leurs atouts dans les négociations de paix et les compromis politiques qu'ils ont faits dans leurs pays respectifs.

Importance du volet économique

Parmi les partisans du volet économique de la Francophonie, il y a Michaëlle Jean qui avait annoncé dès le début de sa campagne officielle que : «La Francophonie doit maintenant se donner un ordre du jour économique, de façon à permettre à ses membres plus pauvres de bénéficier de différents partenariats avec les plus riches».

Lors de la tournée africaine qu'il a effectuée du 10 au 19 août, Jean Claude de l'Estrac a accordé une interview au journal Financial Afrik à Dakar, première étape de sa tournée. Dans ses propos, le candidat de l'île Maurice partage entièrement l'idée, déjà annoncée précédemment par Mme Jean, selon laquelle : «il serait temps que la Francophonie ajoute un pilier économique à ses piliers culturel et politique».

En lisant l'intégralité de son interview, on a la nette impression que le possible ticket «Michaëlle Jean et Jean Claude de l'Estrac» dont avait fait mention Jeune Afrique autrefois dans son édition du 17 juillet dernier, n'était pas une vue de l'esprit, mais pouvait bien s'expliquer par la convergence de vues des deux candidats, tant sur l'importance du volet économique de la Francophonie que sur la nécessité et l'urgence de sa mise en œuvre.

Les deux candidats conviennent que sous la direction d'Abdou Diouf, la Francophonie a gagné ses lettres de noblesse sur le volet politique et diplomatique. Maintenant les chefs d'État et de gouvernement en appellent à une Francophonie plus tournée vers l'économie.

Tous deux sont également d'avis que plusieurs conflits armés que l'on observe actuellement dans certains pays membres de l'OIF, notamment en Afrique, sont en partie dus aux problèmes économiques dans ces pays. Et que, le volet économique de l'OIF peut être la solution à certains problèmes qui minent la paix, le développement économique et social et la démocratie dans plusieurs pays, avec des conséquences néfastes sur les droits de la personne, notamment les droits économiques, sociaux et culturels.

En effet, non seulement les situations de conflit et guerres civiles compromettent sérieusement la performance économique des États en question, mais encore elles entravent les progrès démocratiques et les progrès en matière des droits de la personne. L'extrême pauvreté qu'elles créent pousse notamment les jeunes à rejoindre les groupes armés dans les zones de conflits.

Par conséquent, il serait nécessaire de trouver des solutions en amont et de donner une perspective rassurante à cette jeunesse pour éviter qu'elle n'aille pas gonfler les rangs des groupes rebelles. Ainsi, les solutions économiques pourraient indirectement contribuer à la résolution de conflits et certains problèmes d'ordre politiques.

Comment sortir du piège de conflits? La réponse de la Banque mondiale

Bien que vieux de dix ans, l'étude de la Banque mondiale, intitulée «Breaking the Conflict Trap : Civil War and Development Policy» (Briser le piège des conflits : guerre civile et politique de développement), est très édifiante pour comprendre l'importance de l'économie pour sortir du piège des conflits armés. Cette étude est encore d'actualité, notamment dans de nombreux pays membres de la Francophonie.

En effet, les chercheurs de la Banque mondiale avaient mené une étude de cas d'une cinquantaine de conflits dans le monde de 1960 à 1999 et sont arrivés à la conclusion qu' «au-delà de situations particulières à chacun des pays étudiés, il y avait des caractéristiques communes à tous, qui les ont exposés à une guerre civile».

Les chercheurs ont identifié trois facteurs économiques prépondérants : le niveau de revenu par habitant du pays, le taux de croissance économique et la dépendance à l'égard des ressources naturelles.

Les chercheurs ont noté que chaque point de croissance économique gagné réduisait d'autant la probabilité de conflit. Cela dit, un pays qui réussissait à doubler son Produit intérieur brut (PIB) par habitant diminuait de moitié sa probabilité de connaître une guerre civile.

Dans les pays où les ressources naturelles constituaient le pilier de leur économie nationale, ces ressources faisaient augmenter le risque d'éclatement d'une rébellion armée.

L'étude de la Banque mondiale avait illustré le cas de la République Démocratique du Congo, dans la fin des années quatre-vingt. Un État en déliquescence, avec d'immenses ressources naturelles, dont les tissus économiques et sociaux étaient dans un état de délabrement total, pour ne pas dire complètement en ruine, et une population vivant dans une extrême pauvreté.

Sur base de calculs statistiques, l'étude avait conclu que : « la probabilité d'une guerre civile y était de près de 80 % ». En effet, non seulement les projections de risque de conflits armés s'étaient concrétisées quelques années après, aujourd'hui ce pays est tombé dans un piège infernal des conflits armés sans fin, depuis le génocide rwandais de 1994. Il sombre dans le chaos indescriptible jusqu'à ce jour, en dépit de la présence d'une mission de maintien de la paix des Nations Unies, la plus importante au monde, en ce qui concerne le nombre de troupes.

Ces conflits armés ont déjà fait plus de 5 millions de morts, des milliers des femmes et enfants violées et violentées chaque jour sans aucune protection.

L'étude a également conclu que : «la stabilité des institutions politiques en démocratie dépend du niveau de revenu du pays... les démocraties deviennent plus stables que les autocraties quand le revenu annuel par habitant du pays dépasse 750 dollars... les institutions politiques dans les démocraties à faible revenu sont caractérisées par une forte instabilité et cela augmente la probabilité de risque de guerre civile».

Possible tandem Michaëlle Jean - Jean Claude de l'Estrac ?

L'économie a toujours été un enjeu d'influence et de pouvoir au sein et entre les États. Elle influence, voire dicte la conduite de la politique et de l'action politique.

Il serait donc nécessaire que le choix du prochain secrétaire général tienne compte de cette dimension et que l'on choisisse une personnalité qui a à cœur la volonté de mettre en place des instruments et mécanismes favorables à la promotion des échanges économiques et commerciaux, industriels et technologiques, scientifiques et techniques afin de faciliter une franche collaboration entre les acteurs du secteur privé, de la société civile, du monde universitaire, etc. créateurs de richesses.

Au regard des évidences scientifiques mentionnées ci-haut par les experts de la Banque mondiale, il y a au moins deux candidats à la course de l'OIF, à savoir Mme Jean et M. De l'Estrac, qui ont certainement compris que la dimension économique peut s'avérer être la solution nécessaire aux multiples problèmes des États et gouvernements membres de l'OIF.

En effet, puisque leurs plans d'action ont beaucoup de similitudes et de points de convergence ; et que tous deux sont animés d'une volonté commune de donner à la Francophonie ses lettres de noblesse sur le volet économique, pourquoi ne peuvent-ils pas former un tandem pour administrer un traitement de choc à cette organisation qui en a bien besoin?

Les deux pourraient bien se compléter et former un tandem très motivé et engagé à proposer des solutions efficaces pour une Francophonie économique viable. D'autant plus que le choix du secrétaire général de la Francophonie n'est pas forcément une élection au sens propre du terme, ce sont des négociations, des conciliabules, des compromis et un consensus qui se dégage pour un candidat.

Mme Jean, avec son aura qui dépasse largement les frontières nationales, pourrait bien servir comme secrétaire général afin promouvoir les intérêts économiques de la Francophonie auprès les États et institutions influentes de la gouvernance mondiale.

M. De l'Estrac, fort de ses expériences ministérielles, ferait un bon administrateur et son choix respecterait à la fois les équilibres continentaux et régionaux. Au final, c'est la Francophonie qui en sortirait gagnante.

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