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Moise Katumbi : l'homme qui veut succéder à Joseph Kabila en RDC

Une bonne équipe est le premier élément essentiel sur lequel repose toute victoire électorale. Moïse Katumbi devrait à tout prix éviter de tomber dans les divisions tribales et s'entourer d'une équipe outillée et professionnelle en communication politique pour polir son image.
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Le richissime homme d'affaires, Moïse Katumbi Chapwe, 50 ans révolus, qui a fait fortune dans le secteur privé avant de s'engager en politique, est possiblement celui qui pourrait succéder à Joseph Kabila au pouvoir depuis 15 ans en République démocratique du Congo (RDC).

C'est désormais officiel, celui qui était depuis 2007 jusqu'à hier gouverneur de la riche province du Katanga et membre du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), parti cher à Joseph Kabila, vient de démissionner de son poste de gouverneur. Moïse Katumbi a immédiatement pris ses distances avec Joseph Kabila, en claquant également la porte du parti présidentiel dont il était représentant provincial.

Dans sa lettre de démission, Moïse Katumbi dit :

Au moment où nous, peuple congolais, entrons dans la dernière ligne droite du dernier mandat constitutionnel du président de la République, les faits indiquent que depuis maintenant un an, tout est mis en œuvre pour ne pas respecter la Constitution [...] Je m'oppose fermement à tout prétexte pour retarder les élections [...] Ces derniers temps, trop d'exemples doivent nous alerter : arrestations arbitraires de militants pro-démocratie, interdictions de sorties de films, intimidations de toutes sortes, répressions policières de plus en plus violentes, coupures des connexions Internet [...] Il est de mon devoir, en tant qu'homme politique d'interpeller nos dirigeants sur ces dérives inacceptables.

En effet, quand bien même il ne se serait pas encore prononcé officiellement sur son avenir politique, il s'agit à mon avis d'un secret de polichinelle. Cette double démission ne laisse aucun doute sur ses intentions de briguer la présidence de la république. Depuis très longtemps, on le voyait venir avec cette annonce qui marque définitivement la rupture avec le régime Kabila.

Il y a quelques mois passés, il avait déjà annoncé qu'il quitterait son poste de gouverneur de province du Katanga, même si son électorat ne voulait pas l'entendre de cette oreille.

Maintenant qu'il vient de franchir le Rubicon, il n'y a plus de doute possible, c'est désormais une question de quelques jours. Moïse Katumbi va annoncer sa candidature aux élections présidentielles de novembre 2016 pour succéder à Joseph Kabila.

Katumbi peut-il réellement gagner et succéder à Kabila?

Il est important de rappeler que Joseph Kabila a hérité accidentellement du pouvoir de l'État en RDC à la suite de l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001, qui, lui-même a, avec sa rébellion armée, chassé l'ancien président Mobutu en 1997. Il n'est donc pas arrivé au pouvoir par la voie démocratique.

En 2006, Joseph Kabila a, avec le soutien de la communauté internationale, organisé des élections présidentielles et législatives à l'issue desquelles il a été proclamé gagnant. Mais selon l'église catholique qui avait déployé le plus grand nombre d'observateurs électoraux sur toute l'étendue du pays, c'est Jean-Pierre Bemba qui aurait gagné.

En 2011, Joseph Kabila a organisé des nouvelles élections. Cette fois-là encore, le même scénario, nombreux observateurs déployés aussi bien par l'Église catholique que par des ONG internationales disaient que c'est Étienne Tshisekedi qui avait gagné massivement. Et malgré toutes les protestations qu'elles ont soulevées à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, Joseph Kabila est resté au pouvoir avec le soutien de l'armée, de la police et de services secrets, et doit finir son deuxième et dernier mandat dans une année.

Si les élections présidentielles et législatives ont lieu effectivement en novembre 2016 avec Joseph Kabila comme candidat, qui peut le battre et obtenir l'imperium?

À cette question, quatre éléments de réponse doivent être considérés (le soutien populaire, l'argent, le soutien des forces de l'ordre et ultimement le soutien international). Considérant ces quatre éléments, il nous semble que M. Katumbi pourrait bien les réunir pour succéder à Joseph Kabila.

Dans le contexte africain où la grande majorité de la population est analphabète, paupérisée, très fragile face à la corruption et au clientélisme, et surtout n'ayant pas suffisamment d'informations pour faire un choix judicieux d'un candidat qui a un projet de société capable de sortir le pays de la misère et la pauvreté, il faut reconnaitre que la période électorale consiste essentiellement à distribuer des petits cadeaux aux électeurs pour obtenir leurs voix.

Sur ce point, Moïse Katumbi présente un avantage comparatif. Il a ses propres moyens financiers pour faire campagne sur toute l'étendue du pays. Comme on l'a vue en 2006 et en 2011, la plupart des candidats ne disposaient pas des moyens conséquents pour faire campagne sur toute l'étendue de la RDC, un pays sans infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires.

C'est évident, qu'avec le capital de sympathie dont il jouit notamment auprès de ses amis de la Majorité présidentielle (MP) et de l'Opposition politique, auprès de la population congolaise en général et particulièrement celle du Katanga, Moïse Katumbi peut assurément obtenir les appuis nécessaires dans toutes les provinces de la RDC pour succéder à Joseph Kabila.

Patron d'un grand club de football congolais « TP Mazembe », qui a déjà remporté à deux reprises la Ligue des champions africaine et atteint la finale de la Coupe du Monde des Clubs, Moïse Katumbi est populaire à l'intérieur du pays, surtout auprès de la jeunesse, le groupe d'électeurs le plus nombreux dans ce pays.

Dans le contexte d'un pays grand comme un continent, sans armée nationale et républicaine, gagner une élection présidentielle est évidemment une très bonne une chose, mais avoir l'effectivité du pouvoir c'en est une autre. Les dernières élections ont démontré que sans le soutien de l'armée, de la police et de service secret, il est pratiquement difficile d'avoir l'imperium.

Sur ce point également, Moïse Katumbi peut être le mieux placer pour, non seulement battre Joseph Kabila très impopulaire à cause de ses intentions de briguer un mandat de plus, mais également obtenir le soutien de l'armée, de la police et de services secrets dont trois quarts des hauts gradés sont essentiellement issus de la province du Katanga.

La RDC n'étant pas n'importe quel pays d'Afrique, plusieurs groupes d'intérêts se bataillent pour avoir le contrôle et l'exploitation des minéraux congolais. Ces groupes d'intérêts ont des relais avec les puissants de ce monde qui, malgré votre choix démocratique, décident en dernier ressort qui peut ou non diriger tel ou tel pays.

Sur ce point aussi, Moïse Katumbi peut bien compter sur le soutien au niveau extérieur. Né d'un parent juif qui avait fui la Deuxième Guerre mondiale pour s'établir au Katanga, Moïse Katumbi bénéficierait de solides soutiens de milieux financiers occidentaux, notamment juifs (Washington, Londres, Tel-Aviv, Paris, Bruxelles, Ottawa), très influents dans leurs pays respectifs.

Tout ça réuni, il y a donc peu de chances pour quiconque veut se faire élire, s'il ne dispose pas suffisamment des soutiens énumérés ci-haut.

Certes, il y a d'autres outsiders qui ont une feuille de route impressionnante et des programmes ambitieux pour le Congo, notamment Noël Tshiani et Freddy Matungulu qui ont fait leur carrière internationale auprès des institutions de Bretton Woods et qui comprennent mieux le système de la gouvernance mondiale. Mais l'entrée en scène de Moïse Katumbi va certainement refroidir bien des ardeurs de ceux qui ambitionnaient également de briguer la magistrature suprême.

Mais une chose est vraie, dans le contexte actuel de la RDC, un pays fragile qui sort lentement d'une longue guerre, avec une armée, une police et des services secrets tribalisés, il nous semble que Moïse Katumbi serait probablement celui qui pourrait jongler avec toutes ces évidences pour déboulonner Joseph Kabila et obtenir l'appui des forces de l'ordre pour stabiliser le pays.

Il ne faut surtout pas perdre de vue qu'à quelques mois des élections présidentielles, Joseph Kabila n'a démontré aucun signe qui laisse présager de sa volonté de quitter le pouvoir à la fin de son mandat en 2016. Par contre, sa dernière décision de révoquer les membres de son gouvernement qui se sont opposés à la modification de la constitution conforte les pressentiments de ceux qui le soupçonnent de vouloir s'accrocher absolument au pouvoir au-delà du délai constitutionnel.

Face à cette réalité implacable, les prétendants candidats à la magistrature suprême devraient comprendre qu'il est nécessaire de fédérer leurs forces autour d'un d'entre eux qui réunit suffisamment d'atouts pour sauver la démocratie en RDC et redonner de l'espoir au peuple congolais.

Si Moïse Katumbi a un destin national, il doit d'abord gagner le paru d'approcher les potentiels candidats pour former une force politique qui fera face à Joseph Kabila. En effet, depuis les premières élections après l'accession du pays à l'indépendance, suivie de celles de 2006 et 2011, l'histoire nous apprend qu'aucun candidat n'a gagné sans avoir fait une coalition avec d'autres forces politiques.

Une bonne équipe est le premier élément essentiel sur lequel repose toute victoire électorale. Moïse Katumbi devrait à tout prix éviter de tomber dans les divisions tribales et s'entourer d'une équipe outillée et professionnelle en communication politique pour polir son image et le faire connaître auprès du public congolais et international. Il doit avoir derrière lui de la matière grise pour analyser, formuler et proposer de supports de communication efficace pour convaincre tous ceux qui sont méfiants et croient à tort ou à raison qu'il serait le candidat de la MP fidèle à Kabila et qui tient à conserver le pouvoir.

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Mai 2017

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