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Meurtre de Khashoggi: vers la création d'un bureau sur la liberté d'expression à l'ONU?

Les États devraient voir dans la mort atroce du journaliste, une occasion pour instituer un bureau des Nations Unies entièrement dédié à la protection de la liberté d'expression.
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En cette Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes, le meurtre de Jamal Khashoggi nous rappelle l'importance et la nécessité d'appeler les violations des droits de la personne par leur nom.
Phil Roeder via Getty Images
En cette Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes, le meurtre de Jamal Khashoggi nous rappelle l'importance et la nécessité d'appeler les violations des droits de la personne par leur nom.

Le 2 novembre, en cette Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes, le meurtre de Jamal Khashoggi nous rappelle l'importance et la nécessité d'appeler les violations des droits de la personne par leur nom. Le meurtrede ce journaliste saoudien a soulevé un tollé général sans précédent dans la communauté internationale, qui s'est pourtant toujours interdit de critiquer l'Arabie saoudite pour ses violations flagrantes des droits de la personne.

Et, surtout de dénoncer les menaces, les détentions arbitraires, les arrestations, les tortures et surtout les assassinats dont sont régulièrement victimes les journalistes dans le cadre de leur travail, notamment ceux qui enquêtent sur les cas de corruption impliquant des autorités publiques et sur des violations des droits de la personne commises par les forces de l'ordre public.

À cette occasion, le secrétaire général de l'ONU a adressé le message suivant:

«Je rends hommage aux femmes et aux hommes qui, chaque jour, font leur travail de journaliste malgré les intimidations et les menaces. Leur œuvre – et celle de leurs collègues qui ont perdu la vie – nous rappelle que la vérité ne meurt jamais et que nous ne devons pas non plus laisser mourir notre ferme attachement au droit fondamental qu'est la liberté d'expression».António Guterres

Quelques semaines auparavant, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression, David Kaye, avait demandé l'ouverture d'une enquête internationale indépendante sur l'assassinat de Khashoggi, dans le but de fournir à la communauté internationale un rapport crédible sur ce qui s'est réellement passé. Il a réitéré sa demande en exhortant, cette fois-ci, les États à réagir pour persuader le secrétaire général de la nécessité d'une telle enquête. Quelle n'a donc pas été sa déception de s'apercevoir que les États sont restés sourds, se contentant de condamner le meurtre du bout des lèvres.

Cela n'a rien d'étonnant quand on sait bien que les intérêts économiques, financiers, commerciaux et militaires prennent souvent le dessus sur les droits fondamentaux de la personne. Toutefois, le meurtre de Khashoggi, bien qu'il ait ému le monde entier, a dévoilé au grand jour la face cachée de l'iceberg du cynisme de la gouvernance mondiale.

Cela dit, la communauté internationale ne doit pas se contenter de dénoncer verbalement les assassinats ignobles dont sont victimes les journalistes. Elle doit aussi œuvrer à l'instauration d'un climat sans crainte dans lequel la liberté de la presse peut se réaliser et permettre que les journalistes puissent exercer pleinement leur droit à la liberté d'expression, essentielle à l'exercice de leur métier, sans avoir peur des représailles.

En effet, la presse est sans conteste le plus puissant levier pour promouvoir la démocratie et l'État de droit. De ce fait, toute menace faite à l'encontre des femmes et hommes de médias, dans le cadre de leur travail d'informer le public, est une grave menace directe pour les deux institutions.

Le 10 décembre, l'humanité célébrera le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), un instrument du droit international coutumier qui véhicule des valeurs et des idéaux démocratiques et qui a beaucoup inspiré l'élaboration du système international de protection des droits de la personne. Dans ce contexte, le meurtre du journaliste saoudien nous rappelle la nécessité de réaffirmer notre attachement profond aux valeurs essentielles inscrites dans cette précieuse déclaration.

Pour une création d'un bureau de l'ONU sur la liberté d'expression

Soixante-dix ans après la DUDH — qui a consacré la liberté d'expression, et son corollaire, la liberté de la presse comme des droits vitaux —, il y a lieu de constater que les libertés fondamentales sont en recul dans plusieurs États. Les médias font l'objet de nombreuses attaques de la part du pouvoir public, les espaces des libertés publiques se réduisent de plus en plus, etc. Dans certains pays, les citoyens ne peuvent penser librement et exprimer leurs opinions sans craindre les représailles. C'est le cas de Jamal Khashoggi, qui est devenu le symbole d'atteintes persistantes aux droits fondamentaux, dont sont trop souvent victimes les journalistes.

L'UNESCO estime que plus de 1000 journalistes ont été tués au cours des 12 dernières années, soit un journaliste tué quelque part dans le monde aux quatre jours. Dans la plupart des cas, ces actes odieux ne sont toujours pas élucidés et les vrais auteurs des crimes ne sont jamais poursuivis en justice, faute d'enquêtes sérieuses. L'ONU s'inquiète que cette impunité entraîne un plus grand nombre d'assassinats, pour tenter de dissimuler de graves violations des droits de la personne.

De toute façon, les opinions publiques internationales ne sont pas convaincues que le seul fait de dénoncer les traitements inhumains de la part des agents zélés de l'État à l'égard des journalistes suffise à persuader les États récalcitrants à prendre des mesures appropriées devant les violations des droits de la personne.

C'est pourquoi nous pensons que le bilan de ces actes barbares devient de plus en plus lourd et qu'il est temps que les Nations Unies considèrent sérieusement cette situation. Notamment, l'organisation pourrait renforcer le mandat actuel du Rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'expression. Il s'agit d'un expert indépendant nommé par le Conseil des droits de l'Homme, chargé d'examiner et de faire un rapport sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression. C'est un poste honorifique qui ne fait pas partie du personnel des Nations Unies et qui n'est pas payé, mais dont le travail plus technique est utile et nécessaire.

Les États devraient voir dans la mort atroce du journaliste, une occasion pour instituer un bureau des Nations Unies entièrement dédié à la protection de la liberté d'expression. Un tel bureau pourrait être dirigé par une personnalité d'envergure internationale, qui a une bonne connaissance de b.a.-ba du monde des médias, qui fait preuve d'une grande capacité de mobilisation pour faire entendre sa voix au plus haut niveau et qui condamnera publiquement toutes les violences dont sont victimes les journalistes pour veiller à ce qu'ils ne soient plus victimes de tels actes, sous quelque forme que ce soit.

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