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Parlons violence conjugale avec Richard Martineau

La violence conjugale frappe les femmes de tous les milieux et de tous les âges, et ce, indépendamment de nos capacités d'affirmation.
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De tels propos nous ramènent si loin en arrière, en plus d'être carrément intolérables en 2018.
Ravikiran Rajagopal / EyeEm via Getty Images
De tels propos nous ramènent si loin en arrière, en plus d'être carrément intolérables en 2018.

Dans un texte publié le 16 décembre dernier dans le Journal de Montréal, le chroniqueur Richard Martineau exprime son indignation face au meurtre de Christine St-Onge, qu'il qualifie de «dégueulasse». Le titre accrocheur laisse ensuite place à une analyse moyenâgeuse de la violence conjugale sous l'angle du manque d'assurance et d'estime de soi des femmes, dans lequel M. Martineau tente de nous éduquer sur ce que nous devrions faire, nous les femmes, pour éviter d'être violentées...

De tels propos nous ramènent si loin en arrière, en plus d'être carrément intolérables en 2018. C'est pourquoi, dans les prochaines lignes, je vais donc m'adresser à vous M. Martineau, dans une tentative d'éducation sur un sujet dont vous n'êtes visiblement pas expert, mais où vous vous permettez toutefois de jeter le blâme sur les victimes et les victimes potentielles.

La violence conjugale comme problème social

M. Martineau, vous devez pourtant savoir que la violence conjugale est une problématique sociale, c'est-à-dire qui touche un nombre important de femmes en société. C'est pourquoi en 1995, le gouvernement du Québec adoptait une politique en la matière, afin d'affirmer l'importance de prévenir, dépister et contrer le phénomène. Cette politique guide encore les protocoles d'intervention d'un bout à l'autre de la province.

La violence conjugale y est décrite comme «un moyen choisi pour dominer une autre personne et affirmer son pouvoir sur elle» et l'un des principes directeurs stipule que «les agresseurs sont responsables de leurs comportements violents». Il ne s'agit donc pas de «bibittes» dans la tête de ses hommes, mais d'un choix qui s'inscrit dans une dynamique de contrôle et de domination.

La violence conjugale n'est pas, tel que vous le laissez entendre, un problème d'acceptation de l'inacceptable ni un enjeu d'aveuglement volontaire devant l'amour pour un homme.

Tu vois, aucune femme ne peut prévoir qu'elle se fera battre à mort lors de vacances dans le sud, après seulement quelques mois de relation avec un conjoint. Si c'était le cas, aucune d'entre nous n'accepterait d'aller en vacances.

Le soi-disant manque d'assurance des femmes

Par ailleurs, des décennies de recherche démontrent que c'est au moment où les femmes trouvent le courage de quitter leur conjoint violent qu'elles risquent le plus d'être victimes d'homicide. En effet, c'est lorsqu'elles décident de se soustraire de la violence de leur conjoint que ces derniers peuvent faire le choix de leur enlever la vie. C'est donc au moment où elles choisissent de ne plus accepter l'inacceptable, comme vous le mentionnez, qu'elles sont pourtant tuées...

Je vais te donner un exemple très concret. Nous apprenions hier qu'une jeune femme de 27 ans, Laurie-Anne Grenier, a été tuée par son conjoint violent dont elle venait de se séparer. Ça, c'est la triste réalité M. Martineau: le courage, bien qu'il soit nécessaire et que la rupture est généralement synonyme de soulagement et du début d'une vie sans violence pour nombre de femmes (et leurs enfants), et bien, ce même courage peut également leur coûter la vie.

La violence conjugale frappe les femmes de tous les milieux et de tous les âges, et ce, indépendamment de nos capacités d'affirmation.

Dans ce contexte et étant donné que la violence conjugale est un phénomène complexe, apprendre à vos filles la confiance en soi ne les protégera pas contre cette problématique. De répéter à vos filles qu'elles sont belles et intelligentes ne les protégera pas non plus du harcèlement, de la violence sexuelle, de la discrimination, et la liste s'allonge.

Ça, M. Martineau, c'est le côté désolant d'une problématique sociale: elle ne se règle pas ni se prévient en demandant aux groupes ciblés (ici les femmes) de changer leurs comportements pour l'éviter. C'est plate, hein? La violence conjugale frappe les femmes de tous les milieux et de tous les âges, et ce, indépendamment de nos capacités d'affirmation.

Être un «vrai homme»... une solution ou la source du problème?

M. Martineau, j'aimerais bien comprendre ce que vous entendez par être un «vrai homme», puisque selon vous les «vrais hommes» ne violentent pas les femmes. Ce sont pourtant les caractéristiques associées à la masculinité traditionnelle qui font en sorte que des hommes se permettent de dominer leur conjointe dans la sphère privée.

Comme femmes, on ne souhaite pas être protégées par les hommes. On espère seulement être traitées de manière respectueuse, sur une base égalitaire.

À cet égard, dans sa Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, l'ONU a reconnu que la violence à l'égard des femmes découle de «rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes». Tenter d'être un «vrai homme» serait ainsi davantage la source du problème qu'une piste de solution.

De plus, vous soutenez que les hommes devraient nous protéger et non nous menacer. Si je suis d'accord avec la seconde partie de votre affirmation, la première est encore une fois fort problématique. Voyez-vous, comme femmes, on ne souhaite pas être protégées par les hommes. On espère seulement être traitées de manière respectueuse, sur une base égalitaire. Ce n'est pas trop demandé en 2018, qu'en pensez-vous?

Conclusion

Enfin M. Martineau, si le meurtre de Christine St-Onge vous dégoûte et vous révolte tel que vous le laissez entendre dans votre chronique, c'est vers les Pierre Bergeron de ce monde que vous devez cibler votre colère. Vers tous ces hommes qui se permettent de violenter des femmes et qui estiment qu'ils peuvent leur enlever la vie au moment même où elles trouvent l'assurance nécessaire pour quitter.

La prochaine fois, peut-être pourriez-vous cibler les agresseurs dans vos chroniques ou, mieux encore, vous abstenir entièrement de vous prononcer sur le sujet.

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