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La malhonnêteté intellectuelle des groupes pro-vie

Chaque année, des milliers d'individus et de groupes marchent dans les rues d'Ottawa afin de dénoncer le droit à l'avortement et pour mettre en lumière le caractère immoral de l'interruption de grossesse.
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Chaque année, des milliers d'individus et de groupes marchent dans les rues d'Ottawa afin de dénoncer le droit à l'avortement et pour mettre en lumière le caractère immoral de l'interruption de grossesse. Entraînant avec eux des autobus remplis d'enfants et d'adolescents d'écoles catholiques de partout en Ontario, ils bénéficieront, le 8 mai prochain, d'une visibilité à l'échelle nationale. Pourtant, les moyens qu'ils utilisent pour faire passer leur message sont fort problématiques. Il s'avère important de dénoncer la malhonnêteté intellectuelle des adhérents au mouvement pro-vie et le danger de leurs discours pour les droits des femmes au Canada et ailleurs dans le monde.

Plusieurs incohérences

Les adhérents au mouvement pro-vie ont généralement une vision très conservatrice sur divers enjeux sociétaux, plus particulièrement sur la question de la famille nucléaire, du rôle des femmes, de l'homosexualité ou de l'éducation des enfants et des jeunes. Ils s'opposent souvent à l'établissement de programmes d'éducation sexuelle et à l'utilisation de la contraception et ils font plutôt la promotion de l'abstinence sexuelle jusqu'au mariage, malgré des études démontrant que ce discours nuit à la santé reproductive des jeunes femmes. Ce discours est d'autant plus dangereux lorsqu'il est approuvé par des professionnels de la santé qui vont, par exemple, refuser de prescrire des contraceptifs pour des motifs religieux. Leur incohérence contribue fort probablement à des taux plus élevés de grossesse non désirée et d'avortements.

Pour ceux qui occupent des positions de pouvoir politique, leur opposition à l'avortement est d'autant plus interrogeable lorsqu'ils financent la guerre à coup de milliards de dollars ou appuient la peine de mort. Il en est de même lorsqu'ils démontrent une inquiétude pour le bien-être de ce qu'ils nomment «les enfants prénés» alors qu'ils coupent dans les services sociaux et de santé qui viennent en aide aux familles et aux enfants. En choisissant de promouvoir les droits des fœtus, leurs efforts sont curieusement ciblés dans l'optique où 13% d'enfants canadiens vivent dans la pauvreté et qu'ils ne semblent le moins du monde concernés par ce taux alarmant.

L'utilisation frauduleuse de la science pour augmenter leur crédibilité

Un autre problème avec les adhérents du mouvement pro-vie se situe dans les fondements théoriques de leurs argumentaires. En effet, ils utilisent fréquemment une terminologie scientifique afin de se donner une plus grande crédibilité, alors que ces arguments prennent plutôt racine dans des justifications religieuses. Par exemple, le nom du Canadian Center for Bio Ethical Reform en Alberta laisse sous-entendre qu'il s'agit d'un centre de recherche bioéthique, mais il s'agit en réalité d'un organisme de propagande haineuse sur la question de l'avortement. Or, la présence accrue des porte-paroles de ce centre dans la sphère publique semble fort inquiétante.

Un autre exemple d'utilisation frauduleuse de la science réside dans l'invention du soi-disant syndrome post-avortement, alors que ce syndrome n'a jamais été reconnu dans la communauté scientifique. Or, les groupes pro-vie mettent fréquemment de l'avant le risque de souffrir de ce syndrome et des conséquences qui lui sont associées à la suite d'un avortement. Cet argument constitue une tactique efficace, puisque la possibilité de développer un problème de santé mentale à long terme peut vraisemblablement effrayer les femmes.

Une sympathie ciblée

Lorsque ces individus démontrent une quelconque sympathie, elle est généralement ciblée vers les fœtus, même lorsque cela requiert des stratégies haineuses et hostiles. À titre d'exemple, mentionnons ceux et celles qui manifestent devant les cliniques d'avortement, afin de culpabiliser les femmes qui prennent la décision difficile de se faire avorter. Revendiquant le bien-être des fœtus, ils ne semblent pas accorder la même empathie pour les femmes qui vivent une situation difficile. Il en est de même pour ceux qui comparent l'avortement à l'Holocauste ou au génocide rwandais. Cette tactique constitue non seulement un manque de respect flagrant envers ceux et celles qui ont souffert de ces atrocités, mais également une fraude intellectuelle servant à s'attirer de manière malhonnête la sympathie du public.

Certains autres sont particulièrement malintentionnés et hostiles envers les femmes. Rappelons à titre d'exemple l'archevêque d'Ottawa qui, lors de la marche l'an dernier, a indiqué que les femmes victimes d'un viol qui se retrouvent enceintes devraient accepter ce qui leur arrive, puisque «c'est quelque chose de beau qui vient de cette tragédie. C'est une invitation de voir autrement les choses». D'une part, cet argumentaire machiste et misogyne passe complètement sous silence la violence sexuelle des hommes et ses conséquences sur les femmes, et, d'autre part, il démontre clairement que pour certains individus, le droit d'un fœtus est plus important que la sécurité et le bien-être physique et psychologique des femmes, peu importe les circonstances.

En conclusion...

Si les groupes de femmes et le mouvement féministe ont revendiqué l'accès à l'avortement comme un droit fondamental permettant une autonomie reproductive et constituant un élément essentiel pour l'égalité, le mouvement pro-vie menace constamment ce droit. Que ce soit en ce qui concerne les incohérences, l'utilisation frauduleuse de la science ou encore de la primauté du fœtus sur les droits des femmes, on doit espérer que le public demeurera alerte et critique face à la malhonnêteté intellectuelle de ces individus.

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