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On me demande presque quotidiennement des suggestions de lectures pour s'y retrouver dans un flot d'informations trop souvent présentées de manière au mieux ennuyeuse, au pire, complètement incompréhensible. Quelques ouvrages destinés au grand public publiés récemment offrent de bonnes introductions aux principes de base du fonctionnement de l'économie contemporaine.
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La soif du grand public pour mieux comprendre les rouages de l'économie et, plus spécifiquement, les causes des diverses crises que nous traversons est si grande depuis quelques années que je suis, à l'instar de la plupart de mes confrères et consœurs, inondé de questions, demandes d'avis et de conseils de toutes sortes. On me demande presque quotidiennement des suggestions de lectures pour s'y retrouver dans un flot d'informations trop souvent présentées de manière au mieux ennuyeuse, au pire, complètement incompréhensible.

Quelques ouvrages destinés au grand public publiés récemment offrent de bonnes introductions aux principes de base du fonctionnement de l'économie contemporaine, tout en étant très différents les uns des autres, sur la forme comme sur le fond.

Le Petit cours d'autodéfense en économie de l'économiste canadien Jim Stanford, publié en 2011 chez Lux, connaît depuis sa parution un grand succès de librairie (dans sa version originale comme dans sa traduction). Relativement copieux (près de 500 pages), il demeure néanmoins très accessible et pédagogique. Stanford a le talent des grands vulgarisateurs - comme le sont Hubert Reeves ou Stephen Hawking pour les sciences de la nature, par exemple. Stanford est l'auteur d'une chronique dans le Globe and Mail et l'un des fondateurs du Progressive Economics Forum. On peut donc le considérer comme un économiste «de gauche» - à tout le moins critique à la fois des développements du capitalisme contemporain et des théories économiques dominantes, plus ou moins proches de la pensée néolibérale.

De fait son ouvrage présente d'abord une critique articulée et documentée des dérives du capitalisme - la dernière section du livre a d'ailleurs pour titre «Remettre en cause le capitalisme». L'auteur, il importe cependant de le noter, présente les choses de la manière la plus équitable et objective que possible. En réalité, ce livre propose, au final, une «évaluation» du capitalisme contemporain. Dès le premier chapitre (pp.41-45) Stanford présente sept critères à l'aune desquels nous devrions évaluer les succès de notre système économique: sa capacité à créer de la prospérité, à générer de la sécurité, à favoriser l'innovation et la liberté de choix, à atteindre un plus grand niveau d'égalité, à prendre soin de l'environnement et à consolider la vie démocratique. Les explications qu'il offre par la suite serviront, en quelque sorte, à dresser le bilan du capitalisme - le capitalisme reçoit la note C- dans son «bulletin de notes» -, ce qu'il fait dans l'un des derniers chapitres. Un constat sévère qui est suivi de propositions pour «dépasser le capitalisme» (ch.24). On sortira de cette lecture mieux outillée, à la fois pour comprendre notre système économique ainsi que pour le critiquer sur la base d'arguments étoffés et d'analyses factuelles.

Dans le même esprit critique de l'économie contemporaine, l'étonnante bande dessinée Economix de l'auteur new-yorkais Michael Goodwin et de l'illustrateur Dan E. Burr réussissent un exploit: rendre intelligible, accessible et amusante l'histoire des idées et des faits économiques des 300 dernières années agréables à comprendre, avec humour, sans sacrifier à la rigueur intellectuelle. Economix a l'intelligence de tracer le parallèle entre l'histoire des idées économiques et celle du développement du capitalisme - depuis le tout début de la Révolution industrielle - démontrant, ainsi, que la première n'est non seulement assujettie à la seconde, mais qu'elle a souvent servi à en renforcir le pouvoir. Cette bande dessinée est probablement la meilleure introduction critique à la dynamique du capitalisme et à l'histoire des idées économiques que j'aie eu le loisir de lire. Sa lecture offre un point de vue étonnamment étoffé et documenté qui permet potentiellement de favoriser la discussion entre citoyens. (NB: j'ai écrit un peu plus longuement sur ce livre sur le blogue de la Librairie Raffin.)

Un album richement illustré, L'Économie: Les grands concepts expliqués, produit par un collectif d'auteurs aussi prestigieux que compétents propose lui aussi une lecture historique: de la Grèce Antique aux auteurs contemporains nous sont présentés les principaux principes de la pensée économique. Chacun d'entre eux occupe de une à trois ou quatre pages, fort bien structurées. L'ouvrage est un peu didactique - a priori, on croirait un manuel scolaire. Mais il doit être consulté, à mon sens, comme un livre de référence lorsqu'on a une interrogation sur un sujet quelconque. Ou encore parcouru au hasard de la curiosité, à la manière d'un dictionnaire illustré. Si son orientation principale est plutôt «mainstream», ce livre donne une place importante aux critiques de la pensée dominante, tout à son honneur. Soulignons, de plus, que chaque notion est centrée autour d'un auteur principal en le mettant en relation, dans une petite vignette, avec des réflexions qui l'ont précédé et succédé et des événements à l'origine de celles-ci.

Théories économiques en 30 secondes fait partie d'une collection proposant, en une page, de comprendre un concept en quelques phrases. On y propose, de plus, d'approfondir «en 3 minutes» chacun d'entre eux. Si le principe séduit, le résultat est un peu décevant, à certains égards. La distance critique et la nuance n'est, malheureusement, pas au rendez-vous comme c'est le cas dans l'ouvrage précédent. La pensée économique dominante y domine, justement. Cela étant dit, si on le lit en parallèle avec Politique en 30 secondes dans la même collection, on aura un meilleur portrait du spectre des problèmes et solutions politiques et économiques nécessaires pour faire face à nos défis actuels.

En résumé, je suggérerais:

  • Economix pour quiconque désire une introduction aussi rigoureuse et instructive qu'agréable aux causes et conséquences de nos problèmes économiques actuels.
  • Le Petit cours d'autodéfense en économie à celui ou celle qui désire approfondir les mêmes questions de manière plus classique et s'outiller, ainsi, pour une discussion publique davantage étoffée que celles basées sur l'opinion et l'intuition.
  • L'Économie: Les grands concepts expliqués comme ouvrage de référence, à la manière d'un dictionnaire illustré, auquel on recourra périodiquement pour mieux comprendre certains débats d'actualité.

Petit cours d'autodéfense en économie: L'ABC du capitalisme, de Jim Stanford, traduit par Nicolas Calvé et illustré par Charb (Lux Éditeur, 2011, 491 p., ISBN 978-2-89596-089-8, 24,5$).

Economix: La première histoire de l'économie en BD, de Michael Goodwin, illustré par Dan E. Burr (Les Arènes, 2013, 304 p., ISBN 978-2-35204-243-3, 26,95$).

Théories économiques en 30 secondes, de Donald Marron (Hurtubise, 2011, 160 p., ISBN 978-2-89647-528-5, 21,95$).

Politique en 30 secondes, de Steven L. Taylor (Hurtubise, 2011, 160 p., ISBN 978-2-89647-523-7, 21,95$).

Dans cette chronique, Ianik Marcil propose la recension critique d'essais de sciences humaines et sociales ou de philosophie pour mieux nous aider à décoder notre monde et ses défis - et réfléchir aux solutions qui s'offrent à nous.

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