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Sur la route des 100 milliards de dollars pour le climat?

Le montant de 100 milliards de dollars par an peut paraître élevé, mais c'est en réalité une goutte d'eau dans le vase de la lutte contre le changement climatique.
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Du 8 au 11 octobre, plusieurs réunions regrouperont à Lima (Pérou) les ministres des Finances, les gouverneurs de banques centrales du G20, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Le sujet brûlant des flux internationaux de financement climat devrait être longuement discuté cette année. Ces réunions s'inscrivent dans un contexte particulier. Jusqu'à présent, 120 pays dont tous les plus grands émetteurs ont publié leurs engagements pour lutter contre le changement climatique. Il y a quelques jours, un texte de négociation raccourci (20 pages au lieu de 85 pages) a été envoyé aux pays membres du CCNUCC. Les conditions pour un accord se réunissent donc petit à petit. La question du financement, cruciale, doit pourtant encore avancer.

En 2010, les pays développés avaient pris l'engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Pour avoir plus de détails sur le progrès vis-à-vis de cet engagement, un rapport a été commandé à l'OCDE avec le soutien du think tank CPI pour le compte de la présidence française de la COP21 et la présidence péruvienne de la COP20. Ce rapport a présenté des chiffres préliminaires le 7 octobre. La mesure dans laquelle les pays jugeront ces estimations comme crédibles et suffisantes sera un enjeu clé pour les mois à venir. En effet, la question des financements internationaux est un enjeu de confiance entre pays développés et pays en développement et aucun accord international fort ne sera obtenu si les pays en développement pensent que les pays développés ne font pas suffisamment d'effort pour remplir leurs engagements. C'est vrai pour la COP21, mais aussi pour plus tard. Revenons donc sur les trois enjeux clés des 100 milliards.

Enjeu n°1 : Pourquoi parle-t-on de 100 milliards et pourquoi est-ce important?

Depuis 2010, aucune décision formelle n'a été prise sur la définition de ce qui rentrait ou non dans le cadre des 100 milliards, mise à part une précision sur le fait que les sources de financements pouvaient être variées : publiques ou privées. La crainte des pays en développement est que ces flux se substituent à l'aide au développement «classique», tandis que les pays développés craignent que l'accent soit trop mis sur des contributions budgétaires directes. En tout état de cause, l'engagement des 100 milliards est un engagement politique. À ce titre, il est le fruit d'une négociation entre pays. Cela est d'autant plus important que le régime des négociations internationales s'oriente vers une dynamique d'émulation entre pays pour qu'ils s'engagent à plus d'action plutôt qu'un système international rigide qui contraint les pays à agir. L'engagement des 100 milliards peut être perçu comme un premier test de confiance pour la parole des pays.

Enjeu n°2 : Pourquoi impliquer les ministres des Finances dans une bête question de comptabilité?

Depuis 2010, les discussions autour de l'engagement des 100 milliards ont tourné autour de la pertinence d'avoir des objectifs intermédiaires - pour l'instant toujours refusé par les pays développés -, la façon dont on allait compter les 100 milliards et les mesures à mettre en place pour les atteindre.

Sur le sujet de la définition, il y a 5 ans, les discussions portaient sur la question de savoir quelles actions et quels types d'intervention pouvaient être «éligibles» pour les 100 milliards. Aujourd'hui, l'attention se porte plus sur la façon dont les institutions publiques quantifient et s'attribuent un rôle de mobilisation des flux climat privés Nord-Sud. Néanmoins, les discussions tournent essentiellement autour de questions techniques de comptabilité et elles ont tendance à s'éloigner des questions sur les politiques financières ou industrielles nécessaires pour lutter contre le changement climatique.

Dans la perspective de la COP21, certains espèrent que des définitions, partagées par tous et décidées dans un processus de consensus, émergent. C'est pourquoi le rapport de l'OCDE/CPI mentionné précédemment apporte des éléments de réponse potentiellement déterminants. Même si cela ne permettra sûrement pas de donner une réponse définitive aux questions de comptabilité, en avançant un montant provisoire de 62 milliards de dollars pour 2014, soit 10 milliards de plus que 2013, ce rapport montre que des progrès ont été effectués sur la mobilisation de flux financiers privés et publics dans la perspective des 100 milliards, mais que remplir cet objectif demandera des efforts additionnels. De plus, il est important que ce soient les ministres des Finances qui soient impliqués parce qu'ils ont un rôle décisif dans l'octroi des montants dédiés à l'aide au développement.

Enjeu n°3 : Pourquoi cette discussion est importante, mais finalement risque de rater la vraie question?

Le montant de 100 milliards de dollars par an peut paraître élevé, mais c'est en réalité une goutte d'eau dans le vase de la lutte contre le changement climatique. L'ensemble des rapports faisant état des besoins de financement dans le monde pour la lutte contre le changement climatique parlent en milliers de milliards de dollars par an. L'engagement des 100 milliards est important d'un point de vue politique et diplomatique, mais à lui seul, il ne résoudra pas la question du changement climatique.

On pourrait penser que vu la difficulté de s'assurer de la mobilisation des 100 milliards, mettre en place des milliers de milliards de dollars est un objectif extrêmement ambitieux, si ce n'est impossible. Cela pourrait être vrai si l'on gardait une idée «pure» des investissements totalement indépendants des investissements qui auraient lieu par ailleurs.

Lorsque l'on prend une dimension transversale et que l'on intègre les investissements réalisés pour répondre aux enjeux de la croissance économique, le coût additionnel de lutte contre le changement climatique devient beaucoup plus gérable : quelques centaines de milliards de dollars d'ici 2030. L'enjeu principal est donc de s'assurer que les investissements réalisés contribuent au développement d'un modèle décarboné et résilient au changement climatique plutôt que celui d'une économie basée sur les énergies fossiles.

Les réflexions après la COP21 vont devoir s'orienter sur les moyens de réaliser cette transition tout en répondant aux enjeux du développement économique. Comme nous le montrons dans un rapport récent, cela implique que l'ensemble des pays mette en place des stratégies pour aligner leur développement économique avec une logique de sobriété carbone et de résilience aux changements globaux. L'adoption des objectifs du développement durable à New York le mois dernier est une étape clé dans ce processus. Dans cette perspective, le rôle des institutions financières de développement est central pour contribuer aux engagements et objectifs des différents pays.

La Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes (FEPS) s'impliquent dans les débats sur la lutte contre le réchauffement climatique, alors que Paris accueillera en décembre une conférence internationale décisive sur le sujet -la COP21, ou Paris Climat. Le projet «Progressistes pour le climat» a vocation à faire entendre des voix progressistes sur ces sujets, en faisant voir les enjeux politiques et de société qui sous-tendent ces négociations. A travers nos contenus en ligne et nos actions, notre ambition est de participer à la construction d'une vision partagée d'un avenir bas-carbone, respectueux de l'homme et de l'environnement, tout au long de l'année 2015, jusqu'à la conférence Paris Climat.

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