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Une campagne électorale trouée comme un fromage suisse

Depuis le début de la campagne, j'ai l'étrange impression que les partis et, plus particulièrement, les chefs se sont concentrés sur la stratégie dite de l'épouvantail (celle de vouloir faire peur), plutôt que de proposer des idées et des actions concrètes pour améliorer la situation du Québec, et de ses citoyens.
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Peut-on, jusqu'à maintenant, parler d'une campagne électorale satisfaisante ? Ne doit-on pas plutôt parler d'une campagne sans saveur, sans peps et sans véritable contenu ?

En toute honnêteté, cette campagne - le moment où les chefs devraient présenter leurs grandes orientations pour le Québec d'aujourd'hui et de demain - apparaît à mes yeux comme un bon vieux fromage suisse troué.

En effet, depuis le début, j'ai l'étrange impression que les partis et, plus particulièrement, les chefs se sont concentrés sur la stratégie dite de l'épouvantail (celle de vouloir faire peur : référendum, intégrisme et immigration, perte d'emplois, etc.), plutôt que de proposer des idées et des actions concrètes pour améliorer la situation du Québec, ainsi que la nôtre comme citoyen. Autrement dit, j'ai cet étrange goût amer dans la bouche, celui d'un déséquilibre flagrant entre les sujets, entre les enjeux. Pour tout dire, j'estime humblement que plusieurs enjeux essentiels ont été délaissés, voire entièrement négligés par les soi-disant représentants du peuple. Une simple impression subjective ? Voyons de plus près ...

Environnement

Mis à part Québec solidaire et peut-être un peu le Parti québécois (ce n'est certainement pas assez), il faut dire que les enjeux de l'environnement et du développement durable ont complètement été éclipsés. Les dirigeants des principaux partis n'abordent que de manière superficielle ces enjeux pourtant fondamentaux.

Or, comment pouvons-nous parler d'économie, de santé et autres sans aborder l'importante question environnementale ? N'en va-t-il pas de notre survie, de notre héritage aux générations futures, du lègue à nos enfants et petits-enfants ? Comment peut-on affirmer, le plus sérieusement du monde, être un parti politique travaillant pour l'intérêt du Québec et de son développement sans pour autant discuter de ce gigantesque défi qui se dresse devant nous ?

C'est absurde à quel point, sur cet enjeu, les chefs semblent, pour la plupart, déconnectés de la réalité humaine et physique. Avant et après les élections, ils continueront tous en cœur, à dénoncer activement et vigoureusement les politiques anti-environnementales de Stephen Harper, mais, pendant la campagne, pas un mot. Nous avons définitivement de drôles de politiciens!

Transports

Intimement liée à l'enjeu précédent, la question des transports a, elle aussi, été laissée de côté. Certes, quelques partis ont baragouiné sur le sujet de l'électrification des transports en commun, mais qu'en est-il des véritables questions, celles de la congestion, de la pollution automobile, des problèmes de fiabilité du métro montréalais, de la réduction automobile en ville, de l'étalement urbain, etc. ? Pourquoi aucun chef n'a encore pris d'engagements clairs pour combattre ces problèmes, pour répondre aux difficultés en matière de transport ? Qu'en est-il également de la question des infrastructures vieillissantes et non sécuritaires ? Non, on préfère jouer du coude les uns contre les autres sur des sujets, sans être inintéressants, parfois superficiels.

Éducation

En parlant de discours superficiels... En ce qui a trait à l'éducation, les chefs se sont, pour l'instant, principalement attardés à la question des structures scolaires (donc à la forme, lire ici hiérarchie et commissions scolaires). Or, où sont les interventions ou les programmes en matière de décrochage scolaire, de financement des écoles privées (entre autres religieuses), d'accessibilité aux études supérieures, ou encore de recherche universitaire (financement, encadrement, etc.) Niet!

Les chefs, bien qu'ils martèlent l'importance de l'éducation lors des grandes allocutions devant leurs militants, ont, depuis le début de cette campagne électorale, omis de débattre des vrais défis de notre système d'éducation. Mais, ce n'est pas tout... La question qui a clairement été oubliée et qui est, selon moi, incontournable, c'est celle de l'analphabétisme comme fléau sociétal (Barrette, 2013). En effet, la dernière enquête de l'EIACA (Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes), effectuée en 2013, relevait que 49% de la population québécoise a de graves problèmes de lecture. En d'autres termes, l'enquête nous indiquait que près de la moitié des Québécois sont des analphabètes fonctionnels. C'est donc une situation grave qui demande nécessairement des mesures et des engagements du politique. Pourtant, rien, pas un mot... (bruit de criquet).

Économie

L'économie : l'enjeu central selon tous les partis, selon l'ensemble des chefs. Certes, on nous parle de créer des « jobs », de réduire le chômage, du plein emploi, de faire « rouler » l'économie...

C'est bien beau tout ça, mais comment, je parle ici de manière pratique et concrète, allons-nous créer cette croissance ? Quels sont les projets - les vrais projets, pas les idées utopiques impossibles à mettre en place - qui vont générer de la richesse collective et individuelle ? Certains parlent d'Anticosti ou de l'exploitation du Nord québécois, tandis que d'autres ne laissent présager rien de moins que l'implantation d'une Silicon Valley dans l'œcoumène du Saint-Laurent.

Oui, mais ces projets sont-ils viables à court, moyen et long termes ? Ne dépendent-ils pas des investissements privés, souvent extérieurs, ainsi qu'à la conjoncture économique mondiale ? Quelles sont les chances de succès ? Quelle est la temporalité associée à la mise en place de chacun de ces projets ? Des questions encore une fois sans réponse... De plus, ces projets « hypothétiques » négligent pour la plupart de prendre en considération un véritable développement durable, peu (ou pas) polluant.

Par ailleurs, qu'en est-il des questions de pauvreté ? Quelles sont les solutions proposées par les divers chefs pour la combattre ? Pour vous dire, le Collectif pour un Québec sans pauvreté estime à pas moins de 842 000 individus vivant dans l'incapacité à combler leurs besoins de base. C'est énorme et, surtout, c'est scandaleux de ne pas en entendre parler davantage. Enfin, il y a aussi toute la question des inégalités salariales (hommes vs femmes ; Québécois francophones vs immigrants). Trop peu a été dit sur ce sujet.

Les autres...

Faute d'espace et de temps, il m'est impossible d'approfondir sur tous les enjeux qui ont été délaissés depuis le début de la campagne 2014.

Pourtant, de nombreux sujets ont reçu une attention minime, pour ne pas dire ridicule et inacceptable ; je pense, entre autres, à la culture, à la gouvernance, à la démocratie, à l'éthique, au fardeau fiscal, etc.

Je pense également à l'enjeu du vieillissement de la population. Sur ce point, comment allons-nous faire face aux défis d'un vieillissement accéléré de la population québécoise ? Il ne s'agit pas uniquement de leur octroyer des soins de santé, mais aussi toute une gamme de services complexes, coûteux et parfois individualisés afin de leur assurer une meilleure qualité de vie, et ce dans un lieu qu'ils considèrent comme le leur. C'est également, toute la question du remplacement de ces professionnels sur le marché du travail et, par ailleurs, de savoir comment (qui) allons-nous réussir à payer la facture ? Alors, où sont les chefs à ce sujet ? Quelles sont les solutions ?

En somme, il apparaît évident que, jusqu'à maintenant, la campagne électorale n'a pas répondu aux attentes des citoyens. Il semble clair que les chefs ont préféré se taper sur la gueule plutôt que de proposer des projets concrets, significatifs et intelligents pour le Québec d'aujourd'hui et de demain. Alors, que nous souhaitons entendre des solutions pertinentes, équilibrées et honnêtes dans le but de répondre aux trop nombreux défis qui se dressent devant nous, voilà que nos politiciens opèrent des choix personnels et partisans dans leurs discours et représentations. L'omission de discuter formellement de ces enjeux est un déshonneur pour la démocratie et un pied de nez à l'intelligence du citoyen.

Chers politiciens, cessez donc de brandir des épouvantails là où il n'y a pas de corbeaux ; profitez-en plutôt pour cultiver la terre au profit de tous, tel est votre devoir, voire votre privilège de nous représenter!

Note : Barrette, Yanick (2013), « L'alphabétisation ne passe pas par Occupation Double », in Le Huffington Post Québec, 1 octobre.

>Élections 2014: les nouvelles et les blogues du HuffPost sur la campagne.

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