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«Dexter», ou comment faire l'apologie de la peine de mort

est un excellent divertissement, si vous aimez les intrigues policières, le suspense et la violence. Toutefois, je demeure convaincu que cette série - en présentant simultanément un désaveu envers le système judiciaire (à la fois policier et carcéral) et un plaidoyer favorable à la peine de mort - a un effet malsain sur l'esprit humain.
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Showtime

Je viens de terminer la série télévisée Dexter et je dois dire que celle-ci est intéressante et divertissante à plus d'un égard, notamment au niveau de la qualité du scénario, des intrigues policières et des rapports entre l'acteur principal et le téléspectateur. Si nous approfondissons quelque peu, la série aborde une multitude de notions liées à l'éthique comme le Bien et le Mal, le rapport individuel et collectif à la vengeance et le souci de l'autojustice, soit la fameuse loi du Talion.

Or, ces diverses notions sont maillées grâce au concept central qui sous-tend cette série : la peine de mort...

- Synopsis -

La série Dexter se déroule sur le territoire floridien de Miami et met en vedette Dexter Morgan, un homme présentant deux facettes distinctes, à la manière du personnage principal de l'œuvre de Robert Louis Stevenson - j'ai nommé Dr Jekyll et M. Hyde. Cela dit, le jour, Dexter Morgan est un expert scientifique travaillant à la section des homicides pour le département de la police de Miami, tandis que, le soir, il se transforme en véritable tueur en série (version justicier) sur la trace de malfrats ayant échappé au système judiciaire américain. À l'instar d'un boucher - ce n'est certainement pas pour rien qu'on le surnomme le Bay Harbor butcher -, Dexter tue et, par la suite, démembre ses victimes (les pires crapules du sud-est étasunien), avant de jeter leur corps à la mer grâce à son bateau baptisé «Slice of Life» (traduction libre: Tranche de vie) ; un nom, sous forme d'un jeu de mots à double sens, qui s'avère à propos, mais néanmoins perturbant, comme la série d'ailleurs.

Or, contrairement à la lutte perpétuelle que se livrent les abolitionnistes (ceux qui veulent abolir la peine de mort) d'un côté et les rétentionnistes (sympathisants) de l'autre, la série diffusée par Showtime, qui met donc en scène un tueur en série dans la peau du héros salvateur, nous amène inconsciemment, à travers notre attachement pour Dexter et le soi-disant bien-fondé de ses actions, à plébisciter des actes sanguinaires et, par le fait même, à adopter une attitude positive face à l'idée de vengeance ou encore celle de se faire justice soit même. La conception du mérite (en anglais: deserve) - par exemple, lorsque Dexter récapitule les crimes commis par ses victimes et leur dit : «tu mérites de mourir» - est souvent employée, comme s'il s'agissait d'une allusion au système de justice étasunien qui tente de justifier la nécessité d'avoir recours à la peine capitale. Bref, que certaines personnes «méritent» de mourir et d'autres non.

«Œil pour œil, dent pour dent»

Dans cette optique, le réseau télévisé Showtime fait sans conteste l'apologie de la peine de mort. Pourtant sur le plan moral, n'est-il pas plus pertinent de laisser chacun faire son propre jugement sur une question aussi délicate que celle-ci ? Malheureusement, CBS Corporation et Showtime nous présentent une télésérie parfaitement formatée, faisant la propagande du principe «Œil pour œil, dent pour dent». Un aspect que plusieurs oseront appeler un nécessaire intermédiaire entre la Vendetta et le système. Pourtant rien ne semble plus inadéquat, plus immoral et plus cynique.

En fait, toute cette idée de peine capitale paraît, au plus haut point, paradoxale: «enlever la vie de quelqu'un qui aurait enlevé la vie (physiquement ou symboliquement) de quelqu'un d'autre». Comment décider qui doit vivre et qui doit mourir ? Surtout «qui» doit et peut prendre la décision? Avons-nous une obligation, en tant que citoyen, de prendre position? Dans ce cas précis, la ligne semble très mince entre la vie et la mort. De fait, elle s'avère de nature purement politico-territoriale. Par exemple, un individu condamné à la peine capitale dans la ville de Gary (Indiana) n'aurait pas reçu une sentence d'exécution s'il avait habité (ou plutôt commis son crime) à Chicago (Illinois), soit une distance de 38 kilomètres... C'est la distance entre Montréal et Saint-Eustache.

En somme, Dexter est un excellent divertissement, si vous aimez les intrigues policières, le suspense et la violence. Toutefois, je demeure convaincu que cette série - en présentant simultanément un désaveu envers le système judiciaire (à la fois policier et carcéral) et un plaidoyer favorable à la peine de mort - a un effet malsain sur l'esprit humain. À la lumière du succès que connaît la série, il semblerait bien que Showtime ait trouvé une façon efficace d'augmenter le capital de sympathie à l'endroit de la cause rétentionniste...

* Note : Pour les adeptes de la série, la saison 8 de Dexter sera diffusée dès le mois de juin sur Showtime.

'Dexter' Season 7

Dexter Season 7 Photos

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