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Notre Modern Family américaine est aujourd'hui dépassée

Si se marier nécessite un changement de loi - et en Amérique, on prend généralement notre temps dans ce cas -, fonder une famille est considéré comme un droit fondamental pour chaque Américain.
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Family On the Bed
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Family On the Bed

Alors qu'en France, des milliers de personnes ont défilé contre la légalisation récente du mariage gai - et que la Cour suprême américaine se fera entendre sur le sujet en juin -, la section "International Spotlight" du HuffPost présente les opinions de trois couples homosexuels, élevant tous des enfants, aux États-Unis, en France, et au Canada, où le mariage gai a été légalisé il y a 8 ans.

Modern Family étant la série télé préférée de notre fils, nous lui avons un jour demandé à quel personnage il pensait ressembler. Son premier choix s'est porté sur Luke, le plus jeune des trois enfants de la famille Dunphy, connu pour avoir un rôle taillé à la mesure d'un enfant de 13 ans, et non pas d'un enfant de 13 ans jouant dans une sitcom. Il a ensuite pensé à Manny, le fils du personnage joué par Sofia Vergara, qui est "comme moi parce qu'il est enfant unique" (ou, du moins, il l'était à l'époque). "En plus, a-t-il ajouté pensivement après nous avoir lancé un coup d'œil, son père est vraiment vieux." Grimaçant en entendant ces propos, et pressés de changer de sujet, nous lui avons demandé s'il s'identifiait à Lily, la petite fille élevée par les personnages incarnés par Éric Stonestreet et Jesse Tyler Ferguson. "Oh, oui, complètement, a-t-il répondu. Elle a deux papas poules."

Peut-être étions-nous prédestinés, ou du moins, avons-nous choisi nous-mêmes de jouer le rôle de papas poules : pour des types dans notre genre, nous étions ultra stables, d'un caractère plutôt paisible, avec une envie profonde de créer un foyer, et un intérêt très limité pour la vie nocturne. Avant même d'avoir envisagé sérieusement de fonder une famille, plusieurs de nos amis - la plupart hétéros - nous avaient déjà encouragés à le faire.

C'était surtout les femmes qui nous poussaient : "Avez-vous déjà envisagé de devenir parents ?" nous demandait une Mère-Clairement-Compétente après un second verre de vin. "Vous devriez."

"Merci. J'apprécie ce vote de confiance, mais n'avez-vous pas l'impression qu'en tant que parents, nous serions attendrissants, mais nuls ?"

"Devinez quoi ? je l'étais aussi !", répondait alors notre MCC. "C'est même le cas de la plupart d'entre nous au début. Vous seriez surpris de voir à quel point on apprend vite. En fait, ce sont vos enfants qui vous apprennent."

Tout ceci a aidé, mais il nous en a fallu encore un peu plus. Autour de 2002, l'actrice et animatrice télé Rosie O'Donnell a déclenché un grand foin médiatique contre les lois de l'état de Floride qui empêchaient les homosexuels de devenir famille d'accueil ou parents adoptifs.

Nous n'avons jamais regardé une émission de Rosie O'Donnell, mais c'est elle qui a fait la différence. Avant qu'elle ne lance le débat, le fait qu'un homosexuel décide de fonder une famille était vu comme un acte de bravoure - sur l'échelle du culot, cela se situait quelque part entre élire domicile sur une péniche et teindre en vert les moustaches de quelqu'un. Aujourd'hui, cela semble devenir plus répandu et acceptable.

Ce qui nous a aussi convaincus dans le message d'O'Donnell, c'est le nombre d'enfants encore sans famille. Certes, beaucoup d'enfants chanceux trouveront rapidement de supers parents impatients de les prendre dans les bras, mais bien d'autres doivent attendre sans que personne ne se présente. Or, supposons que l'un de ces enfants qui attendent soit à peu près sûr d'être plus heureux dans une famille comme la nôtre qu'ailleurs ?

Nous avons alors étudié des classiques sur la parentalité comme Please Don't Eat the Daisies de Jean Kerr (qui cite le credo de Moss Hart : "Nous sommes plus grands qu'eux, et c'est notre maison").

Contrairement à ce que nous craignions, nous n'avons pas eu à mener un combat épique contre la discrimination et les préjugés. La plupart des autres parents sont bien trop occupés à essayer de surmonter les mêmes problèmes fondamentaux que vous - par exemple, trouver la façon d'enlever du tapis une purée de carottes - pour perdre leur temps à débattre des différences entre telle ou telle structure familiale.

Quand le mariage homosexuel a été proposé au vote l'an dernier dans notre état du Maryland, des pubs télévisés des opposants insinuaient qu'une famille ayant des parents de même sexe n'était pas vraiment une famille. Si seulement ces personnes savaient le temps et l'attention que nous avions consacrés à répondre à cette question. De quoi notre fils allait manquer en n'ayant pas de mère ? Comment compenser de la meilleure façon possible ? » Cela m'étonnerait que les millions de pères seuls élevant des enfants - des veufs ou des divorcés ayant obtenu la garde - ne soient pas tracassés par les mêmes questions.

Il y a un paradoxe transatlantique bien connu touchant les homosexuels et les lois familiales : en Europe, de nombreux pays ont légalisé le mariage homosexuel bien plus rapidement qu'aux États-Unis. Et pourtant, ces mêmes pays sont bien plus lents et bien plus réticents à autoriser les homosexuels à devenir parents ; et l'adoption - souvent administrée là-bas par des agences publiques monolithiques - reste interdite, même au Danemark et en Norvège. Je pense que la différence réside en partie dans le fait que si se marier nécessite un changement de loi - et en Amérique, on prend généralement notre temps dans ce cas -, fonder une famille est considéré comme un droit fondamental pour chaque Américain. Du coup, le temps que nos experts en "politique familiale" se rendent compte que les homosexuels deviennent parents délibérément, le phénomène social est déjà devenu conséquent, fort de centaines de milliers de familles.

C'est un paradoxe, et ça ne l'est pas : si les États-Unis sont clairement considérés comme "conservateurs" parmi les grands pays du monde, c'est aussi le grand incubateur mondial du changement social. Ici, vous ne devez pas attendre la permission ; ce n'est pas comme si quelqu'un essayait de vous en empêcher ! Si ça vaut le coup de le faire, allez-y et la loi vous rattrapera le moment venu. Cela fonctionne toujours ainsi. Et c'est typiquement américain.

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