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L'électricité avant Hydro-Québec

Notre compréhension de l'histoire de l'électricité avant la nationalisation est tordue par la rhétorique politique. Selon la logique communément acceptée, le Québec avant 1944 était retardé en matière d'électrification avec des prix trop élevés, des monopoles dirigés par des anglophones et un développement timide du vaste potentiel du Québec.
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Au même moment, il y a maintenant 50 ans, le Québec était en pleine campagne électorale et il n'y avait qu'un seul sujet: la nationalisation de l'électricité. À toutes fins pratiques, le débat était centré autour des prix très élevés dans les régions éloignés et du développement plus lent des ressources électriques au Québec. Accusées d'être des « trusts », les compagnies d'électricité détenues majoritairement par des actionnaires anglophones ou étrangers devaient être nationalisées pour assurer le développement du Québec. En 1962, il fallait finir la nationalisation qui fut commencée en 1944 par les libéraux d'Adélard Godbout. Toutefois, lorsqu'on regarde l'évolution de l'industrie au Québec avant la nationalisation, on peut constater quelque chose de nettement différent à l'histoire racontée.

Notre compréhension de l'histoire de l'électricité avant la nationalisation est tordue par la rhétorique politique. Selon la logique communément acceptée, le Québec avant 1944 était retardé en matière d'électrification avec des prix trop élevés, des monopoles dirigés par des anglophones et un développement timide du vaste potentiel du Québec. Pour preuve ultime, on comparait le Québec à l'Ontario et à la vue des prix plus bas en Ontario, on affirmait qu'il fallait nationaliser.

Toutefois, lorsqu'on s'en tient aux statistiques, on remarque que le Québec n'était pas à la traîne. En dépit du fait qu'il était 15% plus pauvre que la moyenne canadienne, le taux d'électrification du Québec était presque égal à la moyenne canadienne et sa part de tous les clients au Canada équivalait sa part de la population du pays. Plus important encore, la comparaison avec l'Ontario était une comparaison fallacieuse puisque les prix étaient artificiellement bas suite à la nationalisation ontarienne survenue au tout début du 20e siècle.

En comparant un monopole qui vise à baisser les prix à un marché concurrentiel privé où les prix baissent en fonction de l'efficacité et de la performance, on compare des pommes et des oranges. Si on veut véritablement comparer les deux, il faut tenir compte des taxes additionnelles chargées aux consommateurs de l'Ontario.

En tenant compte de cela, le marché de l'Ontario avait peut-être un prix plus bas subventionné par le gouvernement, mais les consommateurs payaient la facture par des impôts et taxes plus élevés ou par une qualité inférieure du service. La dette de la société d'État ontarienne augmentera dramatiquement pendant les première années du régime et ce même si plus de 77% de la capacité fut installée avant la nationalisation.

Cette augmentation rapide de la dette était combinée à une augmentation plus rapide du compte de taxe des Ontariens que celui des Québécois. En plus, la somme totale du compte de taxe était plus grande en Ontario qu'au Québec. Les consommateurs payaient leurs prix plus bas par des taxes plus élevées et un service qui était 32% plus dispendieux à produire qu'au Québec (même si les centres de production étaient plus proches des consommateurs) en 1920.

Alors que l'Ontario avait été le champion de l'électricité au Canada jusqu'à la première guerre mondiale, le Québec fut le grand champion jusqu'à la nationalisation des années 1940. À partir de la fin de la guerre, la capacité électrique installée du Québec augmente à une vitesse phénoménale, surtout si on compare avec l'Ontario suite à la guerre. En quelques années, le Québec a dépassé l'Ontario et l'écart s'agrandissait sans cesse par la suite. Et au même moment, la productivité dans le secteur de l'électricité a augmenté nettement plus rapidement qu'en Ontario. En 1920, les compagnies québécoises étaient 24% plus efficaces qu'en Ontario alors qu'elles étaient 51% plus efficaces en 1936 - des progrès fulgurants.

Quel était le résultat final? Lorsqu'on compare l'évolution des prix avec des pays où les marchés étaient similaires (non-nationalisés) comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, on observe que la tendance ajustée pour l'inflation était à la baisse des prix. Une productivité plus grande signifie une capacité à réduire les prix et comme de fait, les prix pour l'ensemble des services électriques au Québec ont diminué de 38% entre 1923 et 1930. Pendant la Grande Dépression, alors qu'on obtient finalement des prix ajustés uniquement domestiques (ajustés pour l'inflation), on voit une baisse de 12,45% entre 1930 et 1939. La tendance à la baisse des prix est en fait similaire au Québec, aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Avec recul, il semble facile de blâmer l'industrie d'avoir chargé plus cher dans les régions éloignées à cause des prix plus élevés. Mais il est plus difficile d'affirmer que la nationalisation était nécessaire pour régler le problème considérant que le secteur privé était très efficace à développer les ressources du Québec, à réduire les coûts, à être plus efficace et à réduire les prix. Est-ce que des grands développements comme ceux de la Baie James auraient pu se produire si le secteur privé avait été toujours en charge? Est-ce que ça aurait été plus ou moins efficace? Lorsqu'on veut véritablement évaluer l'importance d'un évenement - comme la nationalisation - ce sont là des questions que nous devons nous poser.

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Cet article est un résumé d'un article plus long publié dans Le Prince Arthur Herald dans une série de plusieurs articles sur les 50 ans de la nationalisation. Les autres articles incluent notamment une entrevue avec Conrad Black sur l'électricité et Maurice Duplessis.

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