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La viande in vitro, tout le monde en mangera

Vous connaissez la Frikandel? C'est une saucisse, fabriquée à partir des rebuts de viande: abats et autres morceaux de porc, bœuf et poulet mélangés, qui est frite et dont raffolent les Hollandais. Ceci prouve que nous pourrons manger de la viande in vitro à grande échelle sans états d'âme.
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L'enquête scientifique de Véronique Préault, intitulée La viande in vitro, bientôt dans nos assiettes? est diffusée ce mardi 8 octobre à 20h50 sur Arte. La réalisatrice nous livre en exclusivité une scène coupée au montage.

Que connaissez-vous de la Hollande? Amsterdam, le Red Light District et le Gouda, quand même! Direction Maastricht, pour l'interview de Mark Post, le chercheur censé présenter incessamment sous peu son premier hamburger in vitro. Je l'aborde avec suspicion. Cela fait plusieurs fois qu'il reporte l'événement. Et si c'était de l'intox, tout ça? Alors, Professeur? Effet d'annonce, c'est ça?

Mark Post ne fait pas de mystère, il explique qu'il a dû faire face à des infections à répétition au labo. Pas moyen de garder stérile un laboratoire universitaire, où les manipulations se font non pas avec des robots mais avec des petites mains humaines... Ça commence à m'intéresser sérieusement.

Ses explications techniques sont limpides. J'ai l'impression d'écouter une recette de cuisine de ma grand-mère. Un peu de ci, un peu de ça, on touille, et puis voilà. Mark Post montre tout, parle lui-même des maillons faibles de la formule: le sérum bovin, on en a besoin pour que les cellules poussent, mais il risque de rester des hormones dedans... Et les antibiotiques, pour éviter les infections, ça craint! Il va falloir s'en passer, on pense savoir comment faire, mais on n'est pas sûrs. OK. Question technique donc, ça tient la route. C'est de la culture de cellules, et pis c'est tout.

Penchée sur la paillasse du laboratoire de Mark Post, je regarde dans les yeux la révolution de demain: fini l'élevage qui asphyxie la planète, terminées les visions d'horreur des abattoirs, out la vache folle, la fièvre aphteuse et autre grippe du poulet! C'est Noël! Et à la place du Petit Jésus, des mini-donuts de cellules de muscle bovin cultivées dans des boîtes en plastique où flotte un liquide rose... ambiance girly à souhait! Et des donuts au steack, Professeur? Mark Post montre les images de son dernier atelier Patouille: donuts + miettes de pain + jus de betterave et safran pour la couleur = steack in vitro. On nage en plein pays des Bisounours.

Je me ressaisis. Faudrait voir à pas se laisser embobiner par le viking! Comment pense-t-il convaincre le consommateur de mâchouiller sa tambouille? Parce que moi, quand je déguste une côte de bœuf a la plancha, c'est tout un décor que j'ingurgite avec: le soleil, les pâquerettes, l'herbe, les collines, la paille... hum, ça sent bon l'étable!

Alors là, vraiment, il ne voit pas où est le problème. Il me parle des tomates toutes pareilles, vaguement rouges, totalement insipides, qu'on nous donne à manger toute l'année. Touché. C'est une de mes grandes révoltes dans la vie. Et les fast foods, c'est du prémâché, n'est-ce pas? Alors la technicité du produit fabriqué en labo, pour lui, ce n'est pas un souci. Il enfonce le clou: est-ce que je connais la Frikandel? Euh, non, désolée, késako? C'est une saucisse, fabriquée à partir des rebuts de viande: abats et autres morceaux de porc, bœuf et poulet mélangés, qui est frite et dont raffolent les Hollandais! Sous entendu, c'est dire s'ils s'en fichent de savoir ce qu'il y a dedans et comment c'est fait!

Je pars en quête de la Frikandel. J'ai un nom de rue, c'est tout. A la tombée de la nuit, je me mets en chasse, avec tout l'équipement, le pied, la caméra, les batteries, déterminée à trouver l'indice ultime. Je n'allais pas être déçue. Il était là, comme prévu, illuminé aux néons: un distributeur de Frikandel. Dans les cases de la machine, des saucisses qui avaient dû être fumantes il y a une heure (il fait -12°C, nous sommes en février). Couleur beigeasse, consistance fripée. Il n'en reste que 6, sur 30 cases qui avaient dû être pleines. Mettez un euro, et en route pour le bonheur! Je me poste en embuscade. Et j'attends. Un couple ne tarde pas à s'approcher, dépasse la machine, puis revient en arrière. Une chacun, c'est vraiment le bonheur! C'est dans la boîte (la caméra), mais au montage je n'ai pas eu le temps de raconter cette histoire.

Les sociologues appellent ça la déconnection de l'homme avec sa nourriture. On ne sait pas d'où vient ce qu'on mange et comment ça a été fait, mais on est habitués, alors ça va. La tradition conditionne notre alimentation. Ca a l'air bête, dit comme ça. Mais du coup, je ne vois pas pourquoi la viande in vitro, ça ne marcherait pas. Vous vous souvenez de votre premier sushi?

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