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Crises humanitaires liées aux famines: quelles solutions ?

Les famines ne sont pas causées par la sècheresse, mais par l'être humain.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Maïka Sondarjee, candidate au doctorat de l'Université de Toronto, affiliée au Critical Center for Development Studies (CCDS). Elle a travaillé pour divers organismes non gouvernementaux en Bolivie, au Burkina Faso et en Inde. L'article qu'elle soumet ci-dessous traite des pistes de solutions aux crises humanitaires dans les pays en situation de famine, et de leurs causes insidieusement humaines. Le sujet a été abordé lors du dernier événement du blogue Un seul monde, ayant pris la forme d'un panel le 27 avril dernier.

Les famines ne sont pas causées par la sècheresse, mais par l'être humain. Voilà la principale conclusion des panélistes de la conférence « Les causes des famines », organisée par le blogue Un seul monde le 27 avril dernier.

Selon une recherche indépendante, 60% des articles publiés par la BBC, CNN et Al-Jazeera durant la famine de 2010-12 en Somalie associaient la famine au manque de pluies. Pourtant, les causes profondes des famines sont plus larges: mauvaise gouvernance, corruption, instabilité politique, conflits, impact des ajustements structurels des années 1980, dette extérieure, inflation et autres.

Vu ses multiples causes, comment régler la crise alimentaire actuelle? Voici des pistes de solutions permettant de mieux gérer les crises humanitaires en Somalie, au Soudan du Sud, au Yémen et au Nigéria.

Pour les citoyennes et citoyens concernés

« Qu'est-ce qu'on peut faire » était la question récurrente des participants à la conférence du 27 avril dernier. Comme l'a exprimé clairement Lee J. M. Seymour, l'un des panélistes et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la violence politique,il faut donner à des organisations professionnelles. Comme j'ai également argumenté dans les pages du quotidien Le Devoir, mieux vaut donner à des experts humanitaires plutôt qu'à des initiatives citoyennes souvent désorganisées et mal outillées. Suivant l'aspect de la crise qui vous affecte le plus, il faut privilégier des organismes du type Médecins sans frontières, Oxfam, UNICEF, Save the Children et autres.

Une autre façon de participer à la résolution de la crise est de mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il développe un meilleur plan d'aide au développement. Alors qu'en campagne électorale il promettait de devenir un chef de file en termes de coopération internationale, le dernier budget du gouvernement libéral n'annonçait aucune augmentation dans l'aide internationale. Cela lui a même valu d'être accusé de devenir un « Harper lite » dans ce domaine.

Pour les ONG sur le terrain

Bien qu'il soit difficile de quantifier l'influence positive des opérations humanitaires, les acteurs non gouvernementaux en Somalie, au Soudan du Sud, au Yémen et au Nigéria mettent déjà en place des solutions durables. Par exemple, alors que certains pays continuent de faire du dumping d'aliments ou de produits de l'agriculture, la majorité des travailleurs humanitaires essaient de se procurer des denrées alimentaires directement dans les pays touchés afin d'aider à relancer les marchés locaux.

Dans les régions éloignées où la distribution de nourriture est impossible, transférer de l'argent à distance peut aussi s'avérer efficace. Cela empêche des scénarios comme celui de 2010-12 en Somalie, alors que le groupe extrémiste Al-Shabaab, associé à Al Qaida, s'appropriait les convois d'aide humanitaire pour son propre profit.

Installation pour les réfugiés du Soudan du Sud en Ouganda © UE/OCHA/ Anouk Delafortrie

Un autre problème est que de nombreux producteurs de bétail mangent leurs derniers animaux par manque de nourriture. Les ONG et le gouvernement somalien pourraient donc distribuer de petits montants d'argent aux petits producteurs locaux afin d'éviter qu'ils mangent leur seule source de revenus, et fragilisent ainsi encore plus les marchés locaux.

De plus, l'Organisation mondiale de la Santé a déjà déclaré une épidémie de choléra en Somalie. Dans les solutions à court terme, il ne s'agit donc pas seulement de distribuer de la nourriture et des bouteilles d'eau, mais aussi de construire un système sanitaire viable dans les camps de personnes déplacées, afin d'éviter la propagation de maladies.

Dans les solutions à moyen terme, notons la construction de puits dans les régions éloignées, l'irrigation des terres arables, ainsi que des projets de recherche et développement en agriculture pour déterminer les cultures les plus résistantes. Par exemple, l'ONG québécoise SOCODEVI a découvert après plusieurs mois de recherche en Bolivie que certaines sortes d'origan poussaient très bien dans des régions montagneuses arides.

Une recherche indépendante a découvert que durant la dernière crise en Somalie, les médias mentionnaient fréquemment l'aide d'urgence comme solution à la crise, mais évoquaient le développement d'un système agricole durable dans seulement 10 à 15 % des articles. Les médias devraient promouvoir des solutions à moyen terme plutôt que de focaliser seulement sur la distribution de nourriture.

Pour les gouvernements locaux

Les acteurs principaux pouvant prévenir ce genre de crise sont évidemment les gouvernements locaux. Comme l'expliquent des experts indépendants comme Aristide Nononsi et Tanya Lyons, on ne doit pas seulement blâmer la corruption directe des gouvernements centraux, mais surtout leur faiblesse institutionnelle et leur mauvaise gouvernance. Bien que ce soit plus facile à dire qu'à faire, ces gouvernements doivent renforcer leurs capacités étatiques afin de bâtir un système de redistribution permettant de mieux gérer les crises.

Gérer les conflits locaux devrait donc être une priorité pour les gouvernements et les acteurs non étatiques, que ce soit avec Al-Shabaab en Somalie, les différentes milices au Soudan du Sud, ou Boko Haram au Nigéria.

De plus, l'insécurité constante affecte les marchés et aggrave les crises alimentaires. Gérer les conflits locaux devrait donc être une priorité pour les gouvernements et les acteurs non étatiques, que ce soit avec Al-Shabaab en Somalie, les différentes milices au Soudan du Sud, ou Boko Haram au Nigéria.

Sur le plan économique, il est difficile de séparer les effets de la sècheresse de la hausse du prix des denrées de base. Les gouvernements doivent donc aussi tenter de stabiliser la hausse du prix des grains.

Ils doivent également réduire leur dépendance aux importations. Depuis les réformes néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1980, l'importation de grains dans les pays d'Afrique subsaharienne a augmenté de 130%, fragilisant davantage ces pays aux fluctuations du marché de l'agriculture. Cesser l'ouverture des frontières pourrait renforcer leurs industries agricoles et prévenir une prochaine crise. Il est à noter qu'avant ces réformes d'ajustement structurel, la Somalie était pratiquement autosuffisante. L'augmentation des importations due à la libéralisation de l'économie a participé à créer un sous-développement chronique.

Pour les organisations internationales

À la veille de leur rencontre du printemps, la Banque mondiale et le FMI devraient réfléchir à un rééchelonnement ou une annulation des dettes extérieures des pays touchés par la crise. Sans une annulation ou une réduction de leur dette, la plupart de ces pays seront incapables d'accéder à de nouveaux prêts et de rebâtir leur économie et leur système d'agriculture.

Les experts et travailleurs humanitaires s'accordent pour dire qu'une solution clé en main n'existe pas. Les pistes présentées ici ne sont donc qu'une ébauche de solution. L'important est de faire confiance aux organisations ayant une grande connaissance des contextes et des acteurs locaux qui, sans relâche, s'efforcent de bâtir un plan de reconstruction à long terme.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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