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Au Togo, la société civile s'organise contre les violences faites aux femmes

Aujourd'hui, les discriminations envers les femmes persistent dans le pays, que ce soit en matière d'éducation, d'accès à l'emploi ou de représentation politique, et ce, malgré quelques démarches entreprises par l'État.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Darine BenAmara, agente de programme Droits des femmes - Togo à Carrefour International.

Situé en Afrique de l'Ouest, le Togo était appelé - jusqu'à la fin des années 80 - la « petite Suisse de l'Afrique ». C'est dans un contexte historique particulier, un moment d'effervescence sociale et politique, que les mouvements de défense des droits des femmes ont vu le jour dans le pays. Le monde connaît à ce moment une remise en cause des grands équilibres, l'effondrement du communisme à l'Est, alors que le capitalisme lui-même est mal en point. Le 20 juin 1990, le président français François Mitterrand prononce le fameux discours de la Baule lors de la 16e Conférence des chefs d'État d'Afrique et de France, discours que Roland Dumas résume en ces termes : « Le vent de liberté qui a soufflé à l'Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (...) ».

Alors, comme une prophétie qui se réalise, on assiste en Afrique à une mise en cause de la dictature et de la pensée unique. Ces évènements s'inscrivent dans un contexte mondial de lutte pour les droits humains. Cette époque, selon la philosophe Elisabeth Badinter, reflétait d'ailleurs le temps « d'une révolution sans précédent de la condition féminine » qui se manifeste par la défense des droits des femmes, partie intégrante des droits humains.

Cependant, au Togo, la reconnaissance du statut de la femme souffrait de l'absence totale de législation. C'est pour pallier cette lacune que des femmes togolaises issues de différents milieux professionnels décident de prendre la défense de leurs propres droits et travaillent ensemble à l'amélioration de leur statut. Des femmes d'exception agissant pour prendre part aux décisions qui affectent leur vie et leur société en général.

Le fléau des violences faites aux femmes

Aujourd'hui, les discriminations envers les femmes persistent dans le pays, que ce soit en matière d'éducation, d'accès à l'emploi ou de représentation politique, et ce, malgré quelques démarches entreprises par l'État. Les données du QUIBB 2011 montrent que 73 % des femmes de la tranche 14-25 ans sont alphabétisées alors que le taux pour les hommes est de 87 %. Quant au taux de représentation des femmes au Parlement, il est de seulement 14 %.

« Près de trois femmes sur dix (29 %) ont déclaré avoir subi des violences physiques à un moment de leur vie. »

À cela s'ajoutent également les violences faites aux femmes, un véritable fléau au Togo. Selon le rapport d'enquête démographique et de santé menée par le Democratic Health Survey (DHS), près de trois femmes sur dix (29 %) ont déclaré avoir subi des violences physiques à un moment de leur vie. À ce jour, seule une étude gouvernementale sur la violence sexiste a été réalisée en 2010, par le ministère de la promotion des femmes. Cette étude révèle que les violences basées sur le genre existent dans toutes les régions du pays et sous plusieurs formes. Les plus connues sont les violences psychomorales (90,5 %), les violences physiques (40,6 %), les violences économiques (34,2 %) et les violences sexuelles (32,8 %).

Rares sont les victimes qui ont le courage de demander de l'aide et de briser le cercle infernal de la violence et du silence. Certaines pratiques culturelles, de même que la méconnaissance des femmes de leurs propres droits, sont entre autres à l'origine de cette situation. Par ailleurs, l'absence de mesures, de programmes, et de lois permettant de lutter contre la violence à l'égard des femmes entretient ce fléau dans un contexte d'impunité.

Le combat pour les droits des femmes doit être innovant

Pour répondre à ce fléau, la société civile - constituée notamment des femmes togolaises elles-mêmes - s'est organisée en créant des associations de promotion des droits des femmes, afin de sensibiliser les femmes à la jouissance de leurs droits et particulièrement à celui de participer à la vie de la nation à travers l'émergence d'un leadership féminin.

L'exemple du Groupe de réflexion et d'action Femme, Démocratie et Développement (GF2D) illustre bien le dynamisme de cette société civile. Pionnier dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes, le GF2D a créé à travers le pays six centres d'écoute et d'assistance juridique qui reçoivent en moyenne 1 500 cas par an. Depuis 2007, l'organisation a formé plus de 700 parajuristes volontaires pour la prise en charge psychologique des victimes de violences basées sur le genre. Ces parajuristes œuvrent aussi auprès des communautés à la vulgarisation du droit et à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Un autre facteur innovant est la collaboration avec le secteur privé. Cette même organisation est à l'origine d'un partenariat avec la grande clinique Biasa de Lomé, permettant aux femmes victimes de violences d'être soignées gratuitement. Cette étape est très importante dans la chaîne d'intervention auprès des femmes victimes de violences, car les soins médicaux nécessaires pour une bonne prise en charge sont coûteux. De plus, les soins spécialisés permettent de disposer de preuves permettant d'établir la réalité des violences subies. Les initiatives mentionnées sont les premières du genre en Afrique de l'Ouest.

Les données disponibles montrent clairement que, jusqu'à présent, la promotion des droits des femmes reste toujours un défi dans le pays. Bien que le Togo dispose d'une politique en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et que le gouvernement ait ratifié l'ensemble des conventions internationales relatives à l'égalité entre les sexes, les femmes togolaises continuent à subir des violences systémiques. La difficulté réside essentiellement dans la pratique où la mise en application de ces différents textes est souvent confrontée à divers défis sociaux et culturels.

Les organisations de femmes et la société civile doivent continuer de travailler à la mise en œuvre des instruments relatifs à la promotion et la défense des droits des femmes pour vaincre les obstacles et contraintes qui persistent.

N'hésitez pas à contacter Charles Saliba-Couture, fondateur et coordonnateur du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles.

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