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Éros dans la cuisine

Ce matin, le rituel du levé étant immuable, je m'installe à la table de la salle à manger avec le journal et une tasse de café. Dans l'édition d'aujourd'hui, je découvre une copie du magasine Maison & Demeure que je m'amuse à feuilleter tout en m'imaginant vivre au cœur des décors spectaculaires qu'il présente.
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Ce matin, le rituel du levé étant immuable, je m'installe à la table de la salle à manger avec le journal et une tasse de café. Dans l'édition d'aujourd'hui je découvre une copie du magasine Maison & Demeure que je m'amuse à feuilleter tout en m'imaginant vivre au cœur des décors spectaculaires qu'il présente.

Une publicité étalée sur une double page attire particulièrement mon attention. Insérée dans un rectangle noir sur un fond blanc, se trouvent deux photos esthétiquement bien léchées : celle d'une jolie brunette vêtue d'une robe blanche et celle d'un ensemble de mobilier de cuisine ultra contemporain tout aussi blanc.

En titre: « Une révélation toute en sensualité ».

Cherchant à établir une corrélation entre le mot sensualité et la cuisine de ce designer allemand, je découvre le texte suivant:

«Nous ne nous contentons pas de regarder les cuisines, nous les vivons et les ressentons. Notre +Modo introduit des émotions sensuelles dans le monde de la cuisine, l'interaction de éléments ouverts et fermés place vos objets préférés dans des espaces ouverts stimulants. Cachez et révélez, selon que l'humeur vous dit de garder l'attention sur vos meubles et vos trésors. La cuisine est désormais la plate-forme d'un voyage de découverte permanente. »

Soupir...Établi depuis plus de 100 ans, ce cuisiniste a certainement su dépoussiérer sa campagne publicitaire en offrant aux consommatrice(eur)s une argumentation de vente axée sur autre chose que la qualité de ses matériaux ou l'originalité de son style.

En relisant le texte, les mots se sont mis à former des images dans ma tête certainement sans rapports avec le mobilier exposé. Certains pourraient m'accuser d'avoir les idées mal placées. Peut-être bien, car j'ai immédiatement détecté une allusion subtile, ayant manifestement trait à l'acte amoureux.

•Nous ne nous contentons pas de regarder.... nous les ressentons...

•Notre +Modo introduit des émotions sensuelles....

•Éléments ouverts et fermés place vos objets dans des espaces ouverts stimulants...

•Garder l'attention sur vos meubles et vos trésors...

A travers ces jeux de mots, s'inscrit en filigrane, un message qui aurait sans doute subit la censure s'il avait été illustré par les images qu'il suggère. Dépourvu de support visuel provoquant, Poggen Pohl, l'annonceur, fait appel à une forme d'intelligence plus raffinée et mieux adaptée sans doute à la clientèle ciblée. L'assaut s'affiche donc moins vulgaire et moins brutal.

L'utilisation du sexe ou d'un message subliminal comme outil de vente n'a rien de nouveau. Le sexe vend. On le sait. Il est même presque impossible de regarder la télé ou de tourner les pages d'un magasine sans que nous en soyons gavés.

S'il est facile de se révolter contre une imagerie grossière mettant généralement en scène des femmes exploitées ou ridiculisées, les mots, de leur côté, ont un impact beaucoup moins choquant sur le lecteur. Toutefois, ceci ne change rien au fait que la nature de la proposition demeure la même, qu'elle émane d'un cuisiniste, d'un designer ou d'un parfumeur.

C'est à se demander si les publicistes auraient épuisé toute forme de créativité sans lien direct avec le sexe, propageant ainsi le postulat que les consommateurs sont uniquement tentés et/ou succombent seulement à un produit sexualisé?

Lire des textes publicitaires emplis de connotations érotiques alors que je cherche simplement quelques idées pour rénover ma cuisine m'incite à me poser sérieusement la question suivante:

«Serions-nous victime de la banalisation d'une érotisation généralisée ou, pour parler plus crument, sommes nous tous des obsédés ?»

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