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L'affaire Michaud et le manichéisme simpliste

Des propos d'Yves Michaud, on croit comprendre qu'un bon immigrant est un immigrant qui vote du bon bord et que la grande faute des nouveaux arrivants, c'est de ne l'avoir pas fait en 1995. Leur grande faute, c'est de ne pas vouloir être des nôtres, si l'on entend évidemment que sont des nôtres ceux qui sont indépendantistes.
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Début décembre, Amir Khadir invitait l'Assemblée nationale à reconnaître avoir commis une erreur le 14 décembre 2000 lorsqu'elle avait condamné le citoyen Yves Michaud pour des commentaires qualifiés d'antisémites. Parions qu'aujourd'hui il est moins pressé de livrer pareil combat. En politique, tout est souvent affaire d'opportunité à saisir. Or, il apparaît certain maintenant qu'aucun député, fut-il du Parti québécois, de Québec solidaire ou du Parti libéral du Québec, ne s'avisera de refaire pareille tentative. La possibilité de réparer la bavure de 2000 vient de s'envoler avec cette invitation d'Yves Michaud lancée à ceux qui ne voudraient pas se conformer à la Charte des valeurs de plier bagages et de retourner chez eux. Car, peu importe depuis combien de temps ils peuvent avoir résidé ici, ils n'y sont pas, semble-t-il, chez eux.

Disons que c'est assez sommaire et assez dédaigneux. Une pareille déclaration fait bien peu de cas de tout ce qu'il peut avoir fallu, pour les néo-Québécois de fraîche et moins fraîche date, investir d'efforts, d'espoirs, de temps et d'argent, de tout ce qu'il a fallu liquider et abandonner pour venir au Québec. Yves Michaud a admis depuis s'être gouré, mais le fait demeure que c'est là une formule qui revient un peu trop souvent quand vient le moment d'apprécier ce que l'immigration apporte au Québec. Il est certes condamnable qu'un personnage public choisisse d'y donner voix. Surtout quand des événements antérieurs ont rendu ce personnage quelque peu suspect.

Rappelons, pour les lecteurs, ces événements de 2000. Alors qu'Yves Michaud espérait représenter le Parti québécois dans la circonscription de Mercier et que Lucien Bouchard ne voulait probablement pas de celui qu'il percevait sans doute comme un électron libre, Yves Michaud lui rendit le service de tenir des propos disgracieux à l'endroit de la communauté juive. En substance, Yves Michaud s'était emporté dans une entrevue radio menée par Paul Arcand contre ce qu'il percevait comme la propension des juifs à se poser comme les uniques victimes de l'humanité. De la part de quelqu'un qui veut faire partie des représentants du peuple dans un parlement, ce n'était certes pas la chose la plus intelligente à faire.

L'Assemblée nationale avait alors adopté contre lui une motion de blâme, posant contre un citoyen un geste qui n'avait pas précédent et qui n'en a toujours pas. La stratégie avait eu raison d'Yves Michaud qui s'était retiré de la course à l'investiture. On peut se demander aujourd'hui, alors que cette affaire revient périodiquement hanter l'Assemblée nationale, 14 ans plus tard, si le coup porté n'a pas été démesuré en regard de la faute, alors qu'Yves Michaud peut se présenter en victime et qu'ont été oubliés les propos qu'il a tenus. Remarquez, ce n'est pas rien d'avoir ainsi voté une telle motion de blâme à l'endroit de quelqu'un qui n'était pas député. Il a été question, d'ailleurs, et l'idée revient à l'occasion, de limiter les pouvoirs de la Chambre dans l'adoption d'une pareille motion.

Mais il y a plus, que l'on a choisi d'ignorer à l'époque et que les récents écarts de langage d'Yves Michaud viennent rappeler. Dans la même entrevue, Yves Michaud évoquait le jugement porté par Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995. La majorité des immigrants n'ont pas, on le sait, voté en faveur de l'indépendance du Québec. Yves Michaud avait la raison toute trouvée pour expliquer ce phénomène. Selon lui, les immigrants non seulement ne s'intègrent pas, mais ils nous rejettent et nous haïssent. En plus, ils n'ont rien compris.

Reproduisons ses propos:

«Quand on arrive dans une société, dans un nouveau pays, on prend fait et cause et on essaie d'accompagner les gens. On essaie surtout de les comprendre quand ils parlent.»

Remarquez, il n'est pas contre l'immigration. Mais il faudrait, disait-il, que celle-ci ne se fasse pas uniquement sur la base d'ayants droit, mais aussi d'ayants devoir. On croit comprendre qu'un bon immigrant est un immigrant qui vote du bon bord et que la grande faute des nouveaux arrivants, c'est de ne l'avoir pas fait en 1995. Leur grande faute, c'est de ne pas vouloir être des nôtres, si l'on entend évidemment que sont des nôtres ceux qui sont indépendantistes. Parmi leurs devoirs, il y avait sans doute celui de voter oui.

Pourtant, nous, les Québécois, comme le disait Jacques Parizeau un certain soir de 1995, avons voté à 60% en faveur de la souveraineté. Il faut donc croire que 40% des Québécois francophones ne sont pas des nôtres.

De quelque côté que l'on soit du spectre politique québécois, il faut résister à ce manichéisme simpliste qui est peut-être une des pires tares de notre horizon politique actuel, un des pires obstacles à la capacité de penser et de juger sainement.

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Avril 2018

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