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Les débats sur le projet de Charte des valeurs québécoises n'ont fait que confirmer ce que nous constatons depuis trop longtemps. Quand il s'agit des « Québécois de souche », toutes les épithètes du mépris sont permises. Racistes, xénophobes, intolérants et, bien sûr, l'ensemble du lexique du point Godwin. Tout est permis.
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« De grâce! Ne nous laissez pas seuls avec les Juifs! » Dans une manifestation où des gens arboreraient un tel slogan, bien peinturé sur un large drap blanc de 10 pieds de long, ces mots susciteraient l'opprobre, la condamnation générale. Avec raison.

Remplacez maintenant « Juifs » par « Québécois de souche ».

Pas de quoi fouetter un chat. Voilà où nous a menés la banalisation du mépris contre les « Québécois de souche », à commencer par la première ministre elle-même, dont le dos est extrêmement large quand vient le temps d'encaisser le mépris.

Le débat qui a donné suite à la présentation par le ministre Drainville du projet de Charte des valeurs québécoises n'a fait que confirmer ce que nous constatons depuis trop longtemps; quand il s'agit des « Québécois de souche », toutes les épithètes du mépris sont permises. Racistes, xénophobes, intolérants et, bien sûr, l'ensemble du lexique du point Godwin. Tout est permis.

Pourtant, le contexte actuel au Québec devrait imposer une certaine prudence. Le retour des souverainistes au pouvoir avait déjà été suivi d'une recrudescence de commentaires et d'articles méprisants au Canada anglais. J'en avais d'ailleurs traité ici et . Il y a quelques jours, nous rappelions la première année au pouvoir de Pauline Marois, événement à jamais marqué par l'attentat politique qui a assombri cette soirée historique où les Québécois ont ouvert les portes de l'Assemblée nationale à une femme.

Rien n'a été facile depuis pour le gouvernement Marois et, loin de se calmer, la propension de certains médias à multiplier les épithètes méprisantes contre les Québécois et surtout les nationalistes s'est consolidée. Comme si ce mépris devenait dorénavant la norme. Voilà qui est très dangereux.

C'est pourtant ironique. Jamais n'a-t-on tant écrit sur la « supposée » intolérance des Québécois, jamais ne l'a-t-on tant commentée sur les ondes, jamais n'a-t-on tant traité les « pures laines » de racistes, de xénophobes... pourquoi au fond? Pour avoir osé lancer une discussion sur la laïcité, pour avoir osé contester l'hégémonie du multiculturalisme canadien. A-t-on vu une kyrielle de textes de journalistes ou de commentateurs nationalistes québécois qui attaquaient avec rage les « immigrants », les anglophones? Pas du tout. La discussion sur les paramètres de la laïcité envisagée par le gouvernement du Québec s'apparente à ce qui s'est fait dans tant d'autres démocraties qui ont décidé de condamner le multiculturalisme et de lui substituer diverses formes de laïcité.

On ne badine pas avec le mépris

Dans le contexte actuel, rien ne peut justifier l'exhibition (dans son sens étalage impudique, déploiement fait avec ostentation, Larousse) d'une telle bannière. Pas même la pathétique excuse de la mauvaise blague, ou pire, l'allusion à une obscure justification comme l'a fait celui qui se réclame comme instigateur du message, Nicolas Phebus. Ce dernier s'est expliqué sur son Tumblr. Entreprise de rétropédalage qui ne fait que montrer à quel point ce geste était inapproprié. J'aime particulièrement quand Phebus affirme:

« Les gens qui l'ont compris du premier coup l'ont trouvé très drôle, je vous jure »

Et, plus loin, ceci expliquant probablement cela :

« Sur une note plus personnelle, je dirais que si je suis Québécois de souche, c'est indéniable, ce n'est pas quelque chose que je revendique et dont je suis très fier » *

Que les gens qui ont imaginé pareille ineptie n'aient pas considéré le contexte plus large avant de poser un tel geste me sidère. On peut bien tenter de se justifier de toutes les façons possibles, le fait demeure que peu importe le référent historique, un tel slogan ajoute au matraquage de mépris contre les Québécois et participe à la banalisation de ce phénomène. En politique et dans la représentation sociale d'un débat aussi chargé, les mots ne sont jamais neutres. Le sous-texte d'un tel slogan en appelle à la peur du « Québécois de souche », à sa marginalisation par le biais d'une terminologie du mépris. On doit le dénoncer.

Pour la laïcité et pour la diversité!

Le problème, c'est qu'on peut très bien se réclamer de la laïcité et ne pas être un « arriéré nourri à l'idéologie duplessiste » (tant qu'à faire dans la généralisation). Les adversaires de toute discussion sur la laïcité essaient de dépeindre tous ceux qui appuient le projet de charte du Parti québécois comme des sectaires hostiles à la pluralité, à la diversité, des adeptes de la seule ceinture fléchée, pire encore, des hérauts du nationalisme uniquement identitaire.

On discute ici d'une laïcité de l'État qui n'entravera en rien la liberté de tous et de chacun de se vêtir comme ils le veulent, mis à part les paramètres conscrits de l'État. Cela n'étouffera en rien tous les effluves appétissants qu'on aspire, partout dans Montréal, où la diversité culinaire est une richesse dont on doit s'enorgueillir. La diversité musicale, culturelle et sociale continuera et s'exprimera dans la vie privée de chacun.

En ce sens, on ne peut que saluer la contribution au débat du Rassemblement pour la laïcité, qui a publié récemment un manifeste dans lequel on peut lire notamment que :

« Loin d'être une négation du pluralisme, la laïcité en constitue le socle. Elle est la seule voie d'un traitement égal et juste de toutes les convictions parce qu'elle n'en favorise ni n'en accommode aucune, pas plus l'athéisme que la foi religieuse. »

Il est plus que temps que ce débat se fasse avant tout au Québec, et de grâce loin des épithètes méprisantes tant chez les adeptes de la laïcité que chez ceux qui la combattent. Le projet de charte du PQ est imparfait et mériterait d'être modifié à de nombreux égards. Mais, comme le gouvernement a convié les Québécois à la discussion, il est de notre devoir de citoyens de lui faire part de nos réserves. J'ai les miennes : le crucifix qu'on pourrait déplacer, l'exemption pour les élus et les droits de retrait. L'avantage de présenter un projet, c'est que le tout demeure perfectible.

* On remarquera, toutefois, que Nicolas Phebus parle plutôt de la façon suivante à propos de l'histoire du Québec : « Ce à quoi je m'identifie ressemble fort à une longue lutte pour s'émanciper de cette identité nationale traditionnelle étouffante (surtout la portion catholique). Je m'identifie au coureur des bois, au patriote républicain du Parti canadien, au libre penseur de l'institut canadien, au chevalier du travail, à l'auditeur de l'Université ouvrière, au syndicaliste international, à l'indépendantiste qui se libère du petit Saint-Jean-Baptiste le 24 juin... »

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