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«Je n’ai plus les moyens d’envoyer mes enfants à l’école publique gratuite!»

J’ai beaucoup parlé de cette situation avec des parents de mon coin.
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Pour cette mère monoparentale, la garderie scolaire demeure un service hors de prix.
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Pour cette mère monoparentale, la garderie scolaire demeure un service hors de prix.

J'habite l'une des MRC les plus pauvres du Québec. Selon les statistiques. Certaines municipalités par chez nous sont en phase de dévitalisation; j'ai vu des citoyens, des élus locaux, se battre comme des déchainés pour conserver leur école, leur dépanneur, le dernier poste d'essence.

Je connais aussi nombre de mes concitoyens qui rêveraient de travailler sur le territoire, mais qui doivent s'exiler pour engranger un salaire au minimum décent. C'est la réalité, tout simplement.

Récemment, c'était la « rentrée scolaire », cette période de l'année qui fait frétiller les enfants, mais qui stresse aussi bien des parents. Les médias en parlent abondamment, et c'est devenu un essentiel du calendrier des commerçants, un peu comme l'Halloween ou la Saint-Valentin.

Nous avons beaucoup entendu parler cette année des frais exorbitants inhérents à la rentrée scolaire; certains ont même risqué l'affirmation selon laquelle notre système d'éducation public n'était plus « gratuit » tant différents coûts sont associés à la fréquentation scolaire d'un ou plusieurs enfants.

Récemment, dans le cadre d'une activité parascolaire, j'entendais quelques personnes discuter, des connaissances. L'une d'elles évoquait la difficulté de composer avec le calendrier scolaire, une autre sa difficulté de joindre les deux bouts en cette période de l'année. Me voyant intéressé par leur discussion, on m'invita à m'y joindre. Le reste est à l'avenant.

Voilà quelque chose que j'ai entendu souvent, cette difficulté de faire coïncider l'horaire de travail des parents avec un calendrier scolaire qui additionne les semaines « incomplètes ».

De retour chez moi, j'ai fait l'exercice de recenser le nombre de « semaines pleines » comme on disait lors de cette conversation. C'est-à-dire des semaines de fréquentation scolaire de cinq jours. Voilà quelque chose que j'ai entendu souvent, cette difficulté de faire coïncider l'horaire de travail des parents avec un calendrier scolaire qui additionne les semaines « incomplètes ».

Alors voilà. Au sein de notre commission scolaire, le calendrier s'étend sur 43 semaines (à un jour de 44 semaines). Il y a dans ce calendrier, 21 semaines « pleines ». Ailleurs, c'est soit jour férié, congé pédagogique, etc. Le tout pour un total de 180 jours de classe, ce qui respecte la loi sur l'instruction publique. (Et veuillez noter qu'il ne s'agit pas ici d'une critique du travail des enseignants! Loin de là. Il s'agit ici de dresser un constat du système.)

Le commun des mortels jouira d'une dizaine de jours fériés par année, les mêmes que le calendrier scolaire, et s'il est chanceux, de quelques journées de maladies et de quelques semaines de vacances.

J'ai été surpris d'entendre nombre de parents m'expliquer que le peu de congés dont ils bénéficiaient ne servait plus à se reposer, à prendre des « vacances », mais plutôt à boucher les trous du calendrier scolaire.

Au sein d'un milieu où l'emploi est souvent précaire ou bassement rémunéré, ce type « d'avantages sociaux » est plus rare. J'ai été surpris d'entendre nombre de parents m'expliquer que le peu de congés dont ils bénéficiaient ne servait plus à se reposer, à prendre des « vacances », mais plutôt à boucher les trous du calendrier scolaire.

Ainsi, une mère monoparentale dont plus d'un enfant fréquente l'école primaire m'expliquait qu'elle attendait la publication du calendrier scolaire 2017-2018 de la commission scolaire pour planifier le peu de congés dont elle bénéficiait. Ça et la planification de « l'après-école », un stress aussi.

C'est que la journée scolaire se termine vers 14h50. Un peu tôt pour le commun des travailleurs dont la journée au boulot s'étend souvent bien au-delà de ça. Deux enfants en bas âge qui sont encore trop jeunes pour rester seuls à la maison, c'est compliqué. Et pour cette mère monoparentale, la garderie scolaire demeure un service hors de prix. Je me souviens très bien de son découragement, partagé par bien d'autres parents :

« La garderie scolaire? Pour deux enfants au niveau primaire trop jeunes pour se garder seuls, les frais de garde c'est 7$ par jour, par enfant. Plus 16$ par jour, par enfant pour les journées pédagogiques. Plus les frais de reprographie. Plus les frais de garde du midi... »

Le clou, pour cette dame, est venu plus tard au cours de la dernière année scolaire cependant :

« Un de mes enfants a d'énormes difficultés d'apprentissage. À la suite d'une rencontre avec son enseignante, j'ai appris qu'il aurait besoin d'une rencontre avec un orthopédagogue. Mais l'enseignante n'a pas mis de gants blancs; les chances que mon enfant réussissent à voir un orthopédagogue par le biais de l'école étaient minces, l'attente plus longue que ce qu'il lui restait de parcours scolaire au primaire. Ainsi, elle me suggérait de faire affaire avec un orthopédagogue au privé, à mes frais!»

La dame a poliment, mais non sans ironie, expliqué à l'enseignante qu'elle peinait déjà à envoyer ses enfants à l'école publique « gratuite » et que la prochaine étape pour elle serait de capituler. « Je n'ai plus les moyens d'envoyer mes enfants à l'école! » a-t-elle plaidé à l'enseignante.

Cette dame n'est pas la seule dans cette situation.

J'ai beaucoup parlé de cette situation avec des parents de mon coin. Cette dame n'est pas la seule dans cette situation. Un couple d'amis m'expliquait que la surfacturation en CPE (en fonction du revenu familial) conjuguée aux frais de garde d'un deuxième enfant au niveau primaire, voilà qui représentait un fardeau auquel les eux parents arrivaient difficilement à répondre.

« Ajoute à ça les taxes scolaires qui explosent dans notre coin, car les propriétaires de plus en plus demandent d'être transférés vers les commissions scolaires anglophones où le taux de taxation est trois fois moins élevé, et on se demande comment on va réussir à envoyer nos enfants à l'école! »

La commission scolaire doit composer avec l'exode de propriétaires fonciers qui ont la possibilité de demander que leur compte de taxes soit transféré vers une commission scolaire anglophone où le taux de taxation est ridiculement plus bas.

Voilà une autre réalité de ma MRC. La commission scolaire doit composer avec l'exode de propriétaires fonciers qui ont la possibilité de demander que leur compte de taxes soit transféré vers une commission scolaire anglophone où le taux de taxation est ridiculement plus bas. Et beaucoup s'en prévalent. Ce qui contribue à égorger encore un peu plus celui qui regarde l'état de son système d'éducation en pensant qu'il serait peut-être mieux de faire l'école à la maison... Une maison qu'il louera.

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