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Duceppe a gagné le débat selon les chroniqueurs du Canada anglais... Beaucoup moins au Québec!

Le débat des chefs en français n'a pas déçu. Vrai, il y a eu des longueurs, vrai qu'il y a eu des moments cacophoniques, vrai qu'il y a eu un peu de cynisme, mais l'exercice a été fort instructif.
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Le débat des chefs en français n'a pas déçu. Vrai, il y a eu des longueurs, vrai qu'il y a eu des moments cacophoniques, vrai qu'il y a eu un peu de cynisme, mais l'exercice a été fort instructif. Tout aussi important que le débat lui-même pour les chefs cependant, l'analyse qu'en font les ténors de l'analyse politique au Québec et au Canada.

Depuis le début de la campagne électorale, le Bloc Québécois a été victime de pas mal de mauvaise foi et cela se poursuivra aujourd'hui, manifestement. Du moins certains s'acharnent-ils à tout faire pour nuire au Bloc, au prix de la mauvaise foi s'il le faut. D'ailleurs, on remarque une dissonance révélatrice dans l'analyse de ce débat selon qu'on se documente dans la presse du Canada anglais versus certains groupes de presse ouvertement hostiles au Bloc Québécois au Québec. On lire d'ailleurs l'analyse de Tasha Kheiriddin pour avoir une idée du ton dans le Canada anglais.

Disséquer la mauvaise foi...

Les analyses de perception faites pendant le débat, les commentaires de journalistes en cours de débat ont montré que Gilles Duceppe a marqué beaucoup de points lors de la soirée d'hier. En ce sens, l'analyse de Kheiriddin résume bien la perception générale de la performance de Gilles Duceppe :

« The winner, from a debating perspective, was Gilles Duceppe. The Bloc leader ran rhetorical circles around his opponents, fully at ease, benefitting from political experience and the fact that French is his first language. He effortlessly tossed out quips and one-liners -- accusing Tom Mulcair of saying one thing in Calgary and another in Quebec on the environment, asking the NDP leader at one point, "Does Tom speak to Thomas?"

« Le chef du Bloc a réussi à mettre ses adversaires dans sa poche arrière par ses envolées rhétoriques et la clarté de son discours » analyse Kheiriddin. Vrai que Duceppe a réussi à ébranler Mulcair en braquant les projecteurs sur le double discours du chef du NPD en fonction de l'auditoire à qui il s'adresse. Trudeau l'a aussi attaqué là dessus et cette perception s'est installée dans la population en général ce qui est très dommageable pour Mulcair.

Plus encore, ce que je retiens du débat pour Duceppe c'est qu'il a réussi à contribuer à l'exercice par un contenu pertinent. Il y avait 1500 agriculteurs québécois devant la grande tour de Radio-Canada qui manifestaient avant le débat d'hier pour faire savoir aux chefs de parti que la gestion de l'offre est capitale pour eux. N'eut été Gilles Duceppe, qui aurait été leur voix dans ce débat? On comprendra qu'aucun des chefs du « bloc canadian » ne se soucient d'eux quand la gestion de l'ogre est sur la table des négociations dans le cadre de traité Asie-Pacifique en échange de plus de marchés pour les producteurs de boeuf de l'ouest! Cette intervention de Duceppe est un microcosme probant du rôle du Bloc à Ottawa quand les intérêts du Québec divergent de ceux du Canada. N'allez pas compter sur le NPD pour s'opposer aux intérêts des agriculteurs de l'ouest.

De la même façon je salue la contribution de Duceppe qui, avec Elizabeth May, a remis en cause l'hégémonie de l'Office national de l'énergie du Canada qui est moins un chien de garde pour la population quand vient le temps d'approuver les projets pétroliers qu'une agence de promotion des pétrolières. L'ONÉ n'a jamais refusé un seul projet pétrolier. Bravo à May et Duceppe de l'avoir rappelé. Aussi, Duceppe a bien fait de critiquer les indécents avantages fiscaux des pétrolières et des banques. Le chef du Bloc a réussi à ébranler le PM sortant Harper -ce n'est pas rien!- par sa question sur la vente d'arme à l'Arabie Saoudite. Beaucoup d'adversaires du Bloc sur les réseaux sociaux ont salué son insistance tant ce dossier est controversé.

À la lumière de cette performance, comment ne pas être dégoûté de l'analyse, par exemple, de Chantal Hébert au micro d'Alain Gravel ce matin. Selon la chroniqueuse, le Bloc n'avait rien à amener au débat. Que répondre devant tant de mauvaise foi?

Mention déshonorable aussi à Michel C. Auger qui a bien tenté d'attaquer Gilles Duceppe en cours de débat sur le dossier constitutionnel avant de se faire corriger par l'éditorialiste du Devoir -et spécialiste des questions constitutionnelles- Antoine Robitaille. Un peu embarrassant pour l'animateur de Midi info. Sans surprises, Michel C. Auger voyait Mulcair comme l'un des vainqueurs de ce débat (pour sa capacité à encaisser les coups!). Un autre chroniqueur hostile au Bloc Québécois donne Mulcair vainqueur pour la clarté de ses positions!; il s'agit de J-J Samson dans le Journal de Montréal. Si Samson s'était donné la peine de suivre le débat sur la webdiffusion de Radio-Canada, il saurait ce matin que certains des arguments qu'il crédite à Mulcair ce matin (comme la perte de 400 000 emplois) son faux. Merci à L'épreuve des faits en direct qui réfutait ce type de chiffres erronés. Bref, ce type d'analyse procède de la volonté manifeste d'enterrer le Bloc Québécois ou du moins de contribuer à ce que la campagne du Bloc ne lève surtout pas.

En passant, on ne trouve pas beaucoup de traces d'un « Mulcair vainqueur » du débat dans la presse du Canada anglais. Au mieux, certains donnent Mulcair à égalité avec Trudeau, le chef à qui il devait prendre du terrain...

Ce matin à l'antenne du micro de Philippe Marcoux de Radio-Canada Ottawa-Gatineau, la journaliste Manon Cornellier du Devoir plaçait Trudeau parmi les perdants de ce débat. Elle se disait agacée par le ton, par le texte scripté, par le fait que Trudeau par moments ne s'adressait pas à l'auditoire Québécois ou francophone du débat mais bien à sa base. C'était à prévoir car ce débat a beaucoup été suivi dans le Canada anglais. C'est déplorable que le Canada ait été privé de ce type de débat.

Personnellement, je ne crois pas que Trudeau se soit fait de mal par ce débat, bien au contraire. Il a ébranlé « Tom » Mulcair plus d'une fois en rappelant ses nombreuses contradictions comme parlementaire libéral à l'Assemblée nationale du Québec, sur le dossier de la privatisation de l'eau par exemple. Pour se sortir de l'impasse, encore une fois Mulcair a menti effrontément. J'ai noté trois occurrences précises sur mon fil twitter en cours de débat hier où le Angry Tom a refait surface, chaque fois car il était coincé dans l'une de ses contradictions mensongères. Pour ça, Trudeau aura marqué des points.

Lors du débat sur l'économie en anglais la semaine dernière, Mulcair avait encore menti sur son rôle dans le dossier de la privatisation de l'eau. Ce mensonge a été récupéré par l'équipe Trudeau qui en fait une pub électorale sur les réseaux sociaux qui s'appuie sur une vidéo de Mulcair compromettante.

Bref, la soirée fut difficile pour « Tom » Mulcair. Ce n'est pas la complaisance manifeste de certains médias au Québec qui réussira à stopper la descente du NPD. Au Canada anglais, l'analyse de ce débat confortera l'image d'un chef qui affirme une chose et son contraire. Mulcair aurait voulu se détacher de Trudeau mais c'est plutôt l'inverse qui risque de se produire. Le chef du NPD est lointain troisième en Ontario et dans le Canada en général, ayant même perdu son avance en Colombie-Britannique. Le débat d'hier ne fera rien pour arrêter l'hémorragie.

Pour ce qui est de Stephen Harper, pour faire une analogie de hockey, il jouait la trappe. À la manière d'un Floyd Maywheatter (oh! analogie de boxe en prime!), il a esquivé les coups. Harper ne s'est pas fait de mal dans ce débat. D'ailleurs, il a beaucoup été attaqué mais la barrière de la langue le protègera de trop de contrecoups dans son électorat anglophone. Difficile de rendre l'ensemble des attaques dans des textes post-débat. Mais quand on y regarde de plus près, on comprend pourquoi le PM Harper a refusé net de participer à cette formule dans le Canada anglais. Harper aurait été très vulnérable dans un tel débat présenté à ce stade ci de la campagne devant des millions de Canadiens rivés à leurs écrans un soir où les Blue Jays faisaient relâche...

En terminant, quelques mots sur Elizabeth May. Comme je le notais hier en cours de débat sur les réseaux sociaux, dommage que la barrière de la langue prive les Québécois de la verve de cette chef de parti qui gagne à être plus connue. Le débat d'hier ne lui rend pas justice. Cette dame peut ébranler ses adversaires quand elle se lance dans la mêlée, mais débattre en français est encore pénible pour la chef des Verts...

D'ailleurs, une chance que l'Ayatollah de la langue de Radio-Canada n'était pas d'office hier...

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