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Je suis à droite, mais sur le plan économique

Je me suis entretenu avec le chef du Parti conservateur du Québec, Adrien Pouliot, dans un restaurant à Laval. Il a accepté de répondre à mes questions.
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Je me suis entretenu avec le chef du Parti conservateur du Québec, Adrien Pouliot, dans un restaurant à Laval. Il a accepté de répondre à mes questions.

Avant de vous impliquer en politique active, vous avez travaillé dans le secteur privé. Comme homme d'affaires, vous avez été président de plusieurs corporations de télécommunications et de télédiffusion. Quel est votre plus grand succès dans le secteur privé?

Quand j'ai acheté Entourage Solution Technologique, du Fonds de solidarité de la FTQ, l'entreprise ne faisait pas d'argent. En l'espace de cinq ans, avec les mêmes employés, la même convention collective et le même syndicat, on a augmenté la productivité et la qualité de 40 % en établissant des objectifs clairs, en donnant un bon service au client et en mettant l'emphase sur la formation des travailleurs. C'était vraiment un beau succès, j'étais fier de cela.

En 2011, l'Action démocratique du Québec de Gérard Deltell vous a recruté afin d'assumer la vice-présidence de la commission politique. Pourquoi, avez-vous décidé de vous joindre à l'ADQ?

Au départ, j'étais intéressé à travailler avec le mouvement de François Legault. Je l'ai rencontré chez lui, à Outremont. Après quatre heures de discussion, j'ai conclu que M. Legault était un autre étatiste et qu'il pensait que l'État avait réponse à tout. Pour Legault, c'était la gauche efficace et moi, je ne crois pas à cela, car l'État est tellement gros qu'il ne peut pas être efficace. Donc, j'ai joint l'ADQ qui était plus proche de mes valeurs. En mars 2011, je me suis embarqué à la Commission politique avec mon ami Claude Garcia.

À la fin de 2011, l'ADQ a fusionné avec la CAQ de François Legault. Vous étiez contre cette fusion. Pourquoi?

Au Québec, je pense qu'il faut changer la recette et non le chef. Pour moi, M. Legault prône les mêmes solutions libéralo-péquistes que l'on entend depuis 20 ans et qui nous ont menées à la situation actuelle. J'ai essayé de démontrer aux membres de l'ADQ que ce projet de fusion était une chimère. Je leur disais que la CAQ était une balloune qui allait se dégonfler et que ses politiques publiques n'étaient pas bonnes. Les fusionnistes ont gagné la bataille avec 70 % des voix et j'ai dû réfléchir à mon avenir.

À l'automne dernier, vous avez décidé de soumettre votre candidature à la chefferie du Parti conservateur du Québec. Étiez-vous intéressé par la chefferie du Parti libéral du Québec?

La réponse est oui, mais à cause du système de votation par délégués, un outsider comme moi n'avait aucune chance de gagner la course. Donc, j'ai rédigé un document sur les valeurs du PLQ que j'ai envoyé aux trois candidats. Je voulais les convaincre qu'il y avait moyen d'avoir un PLQ qui croit en ses valeurs et qui est de centre droit. Malheureusement, les libéraux, ce sont des gens opportunistes qui veulent être réélus et ils sont habitués au pouvoir. Ils ne prendront pas des politiques publiques qui sont difficiles à suivre, mais qui sont les bonnes. Ils vont choisir des politiques publiques qui plaisent au monde et avec lesquelles, ils vont se faire élire. Donc, je me suis tourné vers le PCQ, car c'est un parti politique qui prône les mêmes idéaux que moi. Je suis devenu le chef quand Daniel Brisson s'est désisté.

À cause du statut minoritaire du gouvernement, vous devez vous préparer en tout temps pour un scrutin général. Quels sont les objectifs que vous voulez atteindre pour votre parti aux prochaines élections?

On veut donner une voix à l'Assemblée nationale aux gens qui pensent comme nous. J'aimerais me faire élire. Je vais me présenter dans la région de Québec ou en Beauce. Je désire avoir d'autres députés avec moi pour lancer les bases du parti, comme Mario Dumont l'a fait avec l'ADQ. Je pense qu'une présence à l'Assemblée nationale peut avoir un impact. Québec solidaire tire le PQ vers la gauche. Mon objectif serait de tirer le PLQ et la CAQ vers la droite pour faire avancer la cause des droits et libertés individuels et leur corollaire, la responsabilité individuelle.

Où allez-vous situer le PCQ sur l'axe idéologique, clairement à droite ou au centre droit comme la défunte ADQ?

Je suis en faveur des droits et libertés individuelles et leur corollaire, la responsabilité individuelle. Ces concepts sont liés au conservatisme fiscal. Donc, je suis un conservateur fiscal. Sur le plan social, je suis comme un démocrate américain. Je suis en faveur du libre choix des femmes en matière d'avortement et je ne m'oppose pas au mariage entre conjoints de même sexe. Je suis à droite, mais sur le plan économique. On veut se positionner comme un parti qui est à droite du centre du spectre politique québécois.

Allez-vous construire des liens étroits avec le Parti conservateur du Canada?

Il n'y a pas de liens formels entre nous et le PCC. Je pense que selon sa constitution, le Parti conservateur fédéral est supposé aider tous les partis conservateurs provinciaux. Cela est possible qu'il y ait des atomes crochus sur certaines idées. C'est sûr que l'on pourrait s'aider mutuellement sur le terrain lors de scrutins provinciaux et fédéraux. Par contre, nous ne sommes pas d'accord avec le fédéral sur certains dossiers, comme l'absence de budgets équilibrés depuis 2006.

Si vous étiez premier ministre du Québec, quelles seraient vos priorités?

Au niveau de la santé, on veut introduire plus de privé. On permettrait aux gens de prendre une assurance privée pour des actes médicaux qui sont couverts par la RAMQ. Les médecins pourraient pratiquer dans le privé et dans le public. On réformerait la rémunération des hôpitaux. On les financerait par épisodes de soins et non pas par blocs fixes comme ils le sont actuellement.

En éducation, on veut augmenter la liberté de choix des parents. On veut le faire en permettant aux parents de contrôler l'argent. Plutôt que le ministère finance les Commissions scolaires qui financent les écoles, on voudrait que le ministère finance les parents qui pourraient magasiner leur école avec des bons d'éducation. Cela créerait de la concurrence entre les écoles et cela serait bon pour les parents et les élèves. On donnerait plus d'autorité aux directeurs d'écoles et aux professeurs dans le choix des méthodes d'enseignement. Évidemment, le ministère établirait des standards minimums, mais les écoles seraient plus autonomes.

Au niveau du Code du travail, on veut redonner le contrôle des syndicats aux syndiqués. La transparence financière des syndicats serait primordiale. On veut que les travailleurs aient plus de choix quand vient le temps de se syndiquer. On est en faveur du droit d'association et, mais aussi du droit de non-association. On veut donner le contrôle aux syndiqués sur la façon dont leurs cotisations sont dépensées par leur syndicat. Une réforme du Code du travail est nécessaire afin de rendre le marché du travail plus concurrentiel et flexible ». Je ne suis pas anti-syndicat mais un pro syndiqué ».

Cela fait sept mois que le Parti québécois est au pouvoir. Quel bilan faites-vous de ce gouvernement?

Je suis bien déçu, car je m'attendais à ce que des gens qui ont été longtemps au pouvoir (incluant Mme Marois) aient formé une équipe plus solide. En début de mandat, il y a eu beaucoup de recul de la part du gouvernement et cela a fait un tort énorme à la province. Il y a beaucoup d'entreprises étrangères qui sont au neutre et qui ne parlent plus du Québec, car on ne sait pas où s'en va le gouvernement dans sa législation sur les ressources naturelles. C'est le gouvernement des moratoires et du consensus.

Que pensez-vous de la politique linguistique (le projet de loi 14) du gouvernement du Parti québécois?

Je pense que le Bill 14 est une solution qui cherche un problème. Il y avait une paix linguistique au Québec, les anglophones avaient accepté la loi 101. Le PQ veut enlever des droits à la communauté anglophone, cela est de la pure mesquinerie. Moi, je suis pour un Québec français, mais des Québécois bilingues. Je trouve désastreuse l'approche gouvernementale qui veut construire une cloche de verre sur le petit village gaulois québécois et empêcher les francophones d'avoir accès aux écoles anglophones. C'est ce que prévoit le Bill 14. Le fait que les cégeps anglophones devraient donner la priorité aux élèves anglophones, c'est une forme de ségrégation. La seule façon de protéger notre langue et notre culture, c'est d'avoir une économie forte et exportatrice. Avec cette loi, le PQ veut brasser de la haine et diviser les Québécois. Je trouve tout cela très malsain.

La réforme de l'assurance-emploi du gouvernement Harper est très contestée dans les régions du Québec et de l'Atlantique. Tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale l'ont unanimement dénoncée. Que pensez-vous de la réforme conservatrice?

Tout d'abord, c'est une compétence fédérale et cela ne regarde pas vraiment le gouvernement provincial. Je pense qu'au niveau du principe, c'est une bonne réforme. Son objectif est de faire un «matching» entre les gens compétents qui n'ont pas de travail et les postes disponibles. On veut aider les gens à se trouver un emploi. Avec cette réforme, on dit aux chômeurs de façon plus claire, qu'est-ce qui est un emploi acceptable et une recherche d'emploi acceptable. On n'oblige pas quelqu'un de prendre une job qui est moins rémunératrice que l'assurance-emploi. Dans une région, s'il n'y a pas d'emplois disponibles, le chômeur va continuer de recevoir son chèque. L'assurance-emploi ne doit pas devenir un mode de vie, mais une assurance pour quelqu'un qui perd son travail. Je trouve qu'il y a une campagne de désinformation (par certains médias biaisés, les syndicats et partis politiques) contre le gouvernement conservateur dans ce dossier et je trouve cela malhonnête.

Lors de son premier Conseil national, la CAQ a présenté sa pièce maîtresse en vue de la prochaine campagne électorale : le développement économique de la Vallée du St-Laurent. Partagez-vous l'enthousiasme de ceux qui croient que cela pourrait être un projet porteur et rassembleur pour la belle province?

Non, pas du tout. Les politiciens aiment se bâtir des monuments avec l'argent des autres (le Plan Nord de M. Charest, la Baie-James de M. Bourassa et le Plan Sud de M. Legault). Quand ils prennent notre argent pour bâtir leurs rêves, on ne peut pas bâtir les nôtres, car il n'y a plus d'argent. M. Legault veut réaliser son rêve avec notre argent. Moi, mon rêve est que tout le monde puisse réaliser les siens. Je veux que les gens individuellement réalisent leurs rêves. Le plan Sud va seulement augmenter nos impôts et c'est du pur gaspillage.

Selon les détracteurs du modèle québécois, la sociale démocratie québécoise va mener le Québec à la catastrophe économique: une dette publique monstrueuse, un État obèse, tentaculaire et inefficace, une croissance économique anémique, l'explosion des coûts du système de santé publique, etc. Croyez-vous que la province a encore le temps de renverser la vapeur et assurer un avenir moins sombre pour les futures générations?

Oui, j'en suis convaincu. Il y a de l'espoir, mais j'espère que cela ne prendra pas une catastrophe à la sauce grecque pour qu'un virage soit fait. Au Québec, on aurait besoin de politiciens courageux pour expliquer clairement (avec un langage simple) les principes de l'économie de marché et pourquoi il faut réduire la taille de l'État afin de rendre l'économie québécoise plus prospère. Au Québec, il nous faudrait des politiciens avec une boussole idéologique claire et qui savent où ils s'en vont comme l'ont été Margaret Thatcher et Mike Harris.

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