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Si la majorité des citoyens commence à lancer ses propres organismes de lutte contre le machin-truc-phobie. On aura donc des instances pour dénoncer les tranquilophobes, les laïcophobes, les athéophobes, les libertophobes...
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Le Barreau du Québec ajoute sa voix à celles de tous ceux qui prétendent que le projet de loi 59* constitue une menace potentielle à la liberté d'expression, risquant ainsi de ne pas passer le test des tribunaux s'il est adopté.

L'ordre professionnel des avocats exhorte Québec à faire marche arrière. Il juge que le projet de loi 59 est contestable sur le plan constitutionnel, puisqu'il contreviendrait à l'article 2 de la Charte canadienne des droits protégeant la liberté d'expression, de conscience et de religion.

Les monsieur Tout-le-Monde, les lambdas de ce pays, le citoyen du quotidien, exaspérés par tant de vacarmes sectaires, excédés par tant de vociférations communautaires, submergés par l'agitation des minorités bruyantes, les engagés, enragés et enrageants, les prosélytes qui occupent l'espace médiatique avec leurs préoccupations célestes, leurs revendications vestimentaires grotesques et leurs idéologies d'un autre temps, se rebiffent.

Tel est le cas de Jacques, un jeune trentenaire, que j'ai croisé dernièrement dans mon petit café du Sud-Ouest. Je vous livre l'essentiel du contenu de notre entretien.

Mon nom ne laisse aucun doute sur mes origines.

-- Vous êtes musulman? Plutôt affirmatif qu'interrogatif, déduit-il.

-- Oui et non, j'appartiens à cette culture, mais je ne suis pas croyant. Je suis Québécois d'adoption et Canadien de citoyenneté.

-- Vous n'êtes pas croyant, mais vous êtes musulman.

-- Je suis plutôt athée, insistai-je.

-- Oui, athée, mais musulman.

J'ai baissé la garde.

-- Savez-vous ce qui m'agace dans toute cette histoire, se plaignait-il?

Sans attendre ma réponse, il dit: «c'est l'idée qu'on propage sur les Québécois, qu'ils sont racistes.»

Puis il est parti sur un soliloque.

«J'en ai ras le bol et le casque et la casquette de tous ces groupes qui ne cessent de revendiquer des privilèges et des accommodements de toutes sortes.»

Il pense que ce sont des formes de chantage qu'ils exercent sur la société en mettant en avant leurs appartenances confessionnelles et ethniques. Il en a par-dessus la tête de ces groupuscules qui le désignent coupable et qui le soupçonnent de manque d'empathie et d'indifférence vis-à-vis de leurs souffrances morales passées, présentes et celles à venir.

Il reprit.

«Ce sont toujours quelques groupes religieux intégristes, de juifs, de musulmans, de chrétiens, qui empoisonnent l'atmosphère avec leurs agitations nauséabondes. Ils demandent des accommodements à la majorité silencieuse pour soi-disant vivre leur foi dans le respect des commandements de leur religion. Ils exigent qu'ils soient reconnus et respectés. Est-ce que je leur ai demandé, moi, de respecter mon nudisme? Ai-je hurlé dans des manifestations contre la nudophobie, les ai-je qualifiés de nudophobes et les ai-je accusés de racisme?»

Il dit: «tu es tranquille chez toi en train de siroter ta tisane et les voilà qui viennent frapper à ta porte.

-- Monsieur, vous n'aimez pas les étrangers?

-- Mais de quels étrangers s'agit-il?

-- De tous les étrangers?

-- Je ne connais aucun étranger pour le haïr.

-- Mais alors vous n'avez aucune sympathie envers les étrangers.

Et le verdict tombe: vous êtes xénophobe!»

«Et l'autre groupe dont le représentant est toujours invité à la télévision. Il m'interpelle depuis cette lucarne. ''Vous n'aimez pas les juifs? Vous êtes judéophobe et antisémite.''

J'ai bien crié que je ne connais aucun juif pour le haïr, mais en vain.

Vous êtes tout de même judéophobe parce que vous n'avez pas montré assez de sympathie envers notre minorité, vociférait-il.»

«Un autre arrive et nous lance en pleine face ma femme et moi: ''Vous avez l'air de ne pas aimer les homosexuels, vous êtes homophobes!'' Et d'autres encore qui me sollicitent pour signer leurs pétitions, sinon je suis islamophobe, négrophobe, que sais-je!»

«Et si la majorité des citoyens se fâche et commence à lancer ses propres organismes de lutte contre le machin-truc-phobie. On aura donc, pour juste les emmerder, des instances pour dénoncer les tranquilophobes, les laïcophobes, les athéophobes, les libertophobes, les nudophobes, les christo-phobes, les bouda-phobes, les occidentalo-phobes, les démocrato-phobes, les philo-phobes, les arto-phobes.»

-- Connaissez-vous l'origine de cette phobie-mania, m'interpelle-t-il?

-- Non, j'aimerais bien le savoir, dis-je.

Il est reparti sur une autre digression.

«Le bal a commencé lorsqu'un groupe ethnicoreligieux, bien implanté dans les instances dirigeantes de quelques démocraties occidentales, a eu l'ingénieuse idée d'instituer le concept de machin-truc-phobie pour culpabiliser le reste des citoyens de leur pays en les interpellant et les sommant de se prononcer sur le degré d'amour et de sympathie qu'ils portent au machin-chose.»

«C'est une approche insidieuse basée sur la culpabilisation du citoyen qui n'a parfois et au fond aucune idée sur la signification du suffixe «phobie». Il est informé du corps du délit puis accusé dans le même élan de machin-chose-phobie. Il a beau crier pour se défendre qu'il ne savait pas, qu'il n'était pas au courant, qu'il n'avait pas le temps de détester qui que ce soit. Mais monsieur lambda est coupable jusqu'à ce qu'il prouve son innocence, son procès est instruit en amont parce que nul n'est sensé ignorer la souffrance des autres ou avoir une peur irraisonnée du machin-truc. Vous êtes islamophobe, judéophobe, homophobe, arabophobe, sinophobe, xénophobe, claustrophobe. On met le citoyen sur la défensive, il doit démontrer qu'il aime bien le machin-truc. Il jure par tous les noms d'oiseaux et des dieux de toutes les religions qu'il n'avait jamais pensé haïr quelqu'un ou quelque chose en dehors de la guerre. Il se retrouve dans une position dangereuse de se justifier. Pourquoi a-t-il une peur irraisonnée des juifs, des musulmans, des Haïtiens, des Chinois, des Arabes, des crabes etc..?»

C'est une démonstration qui ne souffre aucun amalgame, le félicitais-je. Message reçu cinq sur cinq, lui dis-je. Et que pensait-il d'un mouvement de lutte contre la stupidophilie? «Entièrement d'accord», dit-il.

Allons, donc, fonder le front du refus global de la stupidité ambiante, concluais-je notre entretien.

*«Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes»

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Mai 2017

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