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Tabac: l'effet pervers de la hausse des taxes

Deux ans après son entrée en vigueur, la hausse de la taxe sur le tabac au Québec n'est pas une réussite. Plutôt que de réduire leur consommation, les fumeurs se sont tournés vers le marché noir et l'étranger.
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Deux ans après son entrée en vigueur, la hausse de la taxe sur le tabac au Québec n'est pas une réussite. Plutôt que de réduire leur consommation, les fumeurs se sont tournés vers le marché noir et l'étranger. Un effet pervers classique des taxes dites «puritaines» qui ciblent des comportements à risque (alcool, tabac, jeux de hasard...) qu'aurait pu anticiper le gouvernement québécois.

Hausse de la taxe sur le tabac, deux ans après

La hausse de la taxe sur le tabac n'aura pas eu l'effet escompté. En adoptant cette mesure il y a deux ans, le gouvernement Couillard espérait générer des recettes fiscales de 90 millions de dollars en 2014-2015, de 120 millions de dollars en 2015-2016, puis de 115 millions de dollars l'année suivante.

Une mesure censée remplir les caisses publiques tout en éradiquant le fléau du tabac. Le ministère de la Santé et des Services sociaux évaluait alors que le tabagisme était à l'origine de 10 400 décès par année au Québec et estimait à près de 4 milliards de dollars les coûts de santé et les coûts indirects annuellement.

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac prévoyait quant à elle que la hausse de la taxe sur le tabac conduirait 50 000 personnes à arrêter de fumer et dissuaderait les jeunes de s'y mettre en raison de son prix dorénavant prohibitif. Selon la Coalition, le risque de développement du marché noir était alors négligeable, la contrebande de cigarettes occupant 15 % du marché québécois du tabac. Des prévisions optimistes donc, peut-être trop, le bilan de cette mesure deux ans plus tard n'étant pas aussi positif qu'escompté.

Plutôt que de nouvelles recettes ou une baisse de la consommation, ce que le Québec a gagné est une hausse de la contrebande et, par conséquent, une baisse des revenus de la province à l'arrivée. Des réseaux de contrebande se sont peu à peu installés.

En janvier 2013, une saisie de la police de la Sûreté du Québec avait mis à jour plus de 89 000 cigarettes de contrebande, 8 000 cigares de même que 14 sacs de 200 grammes de tabac. Luc Chouinard d'Asbestos, à l'origine de ce commerce illicite de tabac, se retrouve à présent avec une facture à payer dépassant les 100 000 dollars. Loin d'être une exception, le marché noir s'est développé sans surprise puisque la cartouche de cigarettes s'y échange 15 dollars contre 80 dollars sur le marché légal.

Les consommateurs se tournent vers le marché noir ou l'étranger

Le phénomène n'est pas propre au Québec. En France, la ministre de la Santé Marisol Touraine s'est récemment prononcée en faveur du paquet de cigarettes à 10 euros, à mettre en place «le plus vite possible». Mais franchir la frontière est devenu la nouvelle alternative aux hausses de prix répétées.

Selon les chiffres de l'Institut national des statistiques, il sera plus rentable de parcourir une distance de 400 kilomètres jusqu'en Andorre, près de la frontière espagnole (même en comptant le prix des péages et de l'essence) pour y acheter deux cartouches de cigarettes, plutôt que de débourser 10 euros pour un paquet. De nombreux Français ont d'ailleurs déjà fait le choix de se rendre à l'étranger pour acheter leurs cigarettes.

D'autres denrées frappées d'une «taxe puritaine» ont eu un effet similaire. Sans contribuer à la réduction de la consommation de la denrée en cause, les hausses de prix orientent les consommateurs vers d'autres sources d'approvisionnement que le marché légal. La taxe sur les matières grasses instaurée au Danemark, par exemple, a elle aussi reporté les habitants vers les marchés voisins.

Effets pervers des «taxes puritaines»

Selon une étude de l'Institut économique de Montréal, les «taxes puritaines» engendrent un effet pervers de dépendance du gouvernement à ces sources de revenus. Ces taxes, censées promouvoir une politique de santé publique et qui ciblent des comportements à risque comme l'alcool, le tabac, les jeux de hasard ou certains aliments riches en sucre ou en graisse, permettent surtout au gouvernement de renflouer ses caisses sous couvert de promouvoir un mode de vie sain.

«En 2012, une famille canadienne moyenne consacrait 5,3 % de l'ensemble de ses contributions à l'État sous forme de taxes sur l'alcool, le tabac, le divertissement ainsi que d'autres taxes d'accise», explique le rapport.

Des sommes considérables qui rendent les gouvernements dépendants de ces sources de revenus une fois qu'elles ont été mises en place. À mesure que la consommation baisse, les revenus attenants baissent aussi. Par conséquent, les gouvernements ne sont pas incités à promouvoir une baisse de consommation, l'objectif initial de réduction de la consommation des produits jugés nuisibles est alors relégué en seconde place derrière le besoin de maintenir des rentrées identiques.

Au Québec, des voix s'étaient élevées au moment de l'annonce de la hausse des taxes sur les produits du tabac. Imperial Tobacco réagissait: «le gouvernement du Québec ouvre la voie au crime organisé pour qu'il étende sa présence dans le marché du tabac au sein de la province».

Même son de cloche au sein de l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation, qui ne masquait pas sa déception. «C'est Noël aujourd'hui pour les quelque 200 cabanes à tabac illégales situées à moins de 30 minutes de Montréal. Une hausse de taxe sur le tabac est la plus belle chose qui pouvait leur arriver, et on peut certes s'attendre à ce que leur volume d'affaires explose dans les prochains mois», déclarait Michel Gadbois, vice-président principal de l'association. Des remarques sensées qu'aurait pu entendre le gouvernement québécois, s'il n'était pas resté hypnotisé par cette nouvelle manne financière.

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