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Pourquoi ghettoïser les milléniaux?

Même si, oui, je suis une milléniale, je ne tiens pas à ne croiser que des clones de moi-même dans mon immeuble à condos.
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Ça fait quelques semaines que je vois passer cette page Facebook annonçant Yimby, un nouveau projet de condos locatifs «conçu par et pour des milléniaux». Je roule un peu des yeux en lisant cette description.

[Mea culpa : je suis moi-même une « milléniale » type qui s'intéresse aux vins natures, aux cafés troisième vague, qui découvre les restos cool sur Instagram, qui s'habille au Renaissance et pour qui les états d'âme sont parfois mieux représentés en mème qu'en mots.]

En furetant sur le site qui détaille le projet, je lis tous les mots qui décrivent ma génération : connecté, authentique, communauté. C'est cliché non? Avec en arrière-plan des images de vélo (le moyen de transport préféré des milléniaux, tout le monde le sait). Il y a aussi un quiz plus bas qui permet de décrire le mieux possible son mode de vie : boule d'énergie, workaholic, zen master? Wait, what?

C'est la représentation qu'on se fait de notre génération. Un ramassis de buzzwords pour avoir l'air cool tout en prônant l'authenticité comme valeur première.

Je sais ce que vous vous dites : sommes-nous dans un sketch de Like moi!? Hélas. C'est la représentation qu'on se fait de notre génération. Un ramassis de buzzwords pour avoir l'air cool tout en prônant l'authenticité comme valeur première.

Parlant d'authenticité, et d'authentiques milieux de vie, pourquoi est-ce que je voudrais habiter dans un condo tout droit sorti d'un brainstorm de marketing, où chaque recoin a été pensé pour le meilleur angle de photo Instagram? Elle est où l'authenticité?

Il faut dire que ce projet met de l'avant des particularités plutôt innovantes, comme le mobilier modulable et l'utilisation de la fibre optique pour intégrer les technologies du futur. Ces caractéristiques en font un projet qui se démarque, peu importe l'âge des habitants du complexe immobilier. Je comprends que de parler techno, ça fait «jeune», mais de nos jours, cet aspect fait partie de la vie de tous, et pas seulement de nos chers milléniaux...

Yimby, Nimby?

«Avec YIMBY, les milléniaux seront bien servis avec ses espaces futés, compacts et modulables. Ce concept immobilier à l'image de la génération Y sera axé sur la communauté, le partage et les rencontres », a expliqué Patrick Préville, directeur des relations publiques de REZ immobilier dans le communiqué de presse annonçant le projet visant les 20 à 35 ans.

Le nom du projet fait référence au mouvement né dans les années 1980, Yes In My Backyard, en opposition au Nimby, Not In My Backyard. C'est en réaction au manque de logements équitables et pour contrer les hausses de loyers de l'embourgeoisement des quartiers urbains que le mouvement Yimby est apparu.

À la base, les projets adhérant à la philosophie Yimby prônent l'ouverture et la mixité sociale. Avec cela en tête, difficile de voir le projet Yimby de Rosemont ainsi. Les coûts de location d'un logement varient de 990$ à 2100$ par mois selon la superficie. En quoi est-ce moins cher que l'offre sur le marché? J'ai plutôt l'impression qu'un projet comme celui-ci contribue à l'embourgeoisement du quartier plus qu'à sa diversification.

Pour le bon voisinage

Dans le voisinage, ce qui est chouette, ce sont les rencontres que l'ont fait, les gens qui n'ont pas le même quotidien que soi, mais qui habitent le quartier pour les mêmes raisons que nous, ou non. Tel que l'a affirmé Philippe Bouclin, directeur de la programmation et des projets spéciaux de Réseau sélection, en entrevue avec le Journal de Rosemont : «(...) selon un sondage effectué auprès de la population, près de 80 % de répondants disaient vouloir vivre dans un milieu où se trouvent des personnes de tous âges. C'est pourquoi nous avons développé le Yimby dans Rosemont les Quartiers, là où résident, entre autres, des aînés.» N'est-ce pas un peu ironique de développer un projet basé sur l'âge de ces futurs clients alors que ceux-ci affirment à 80% souhaiter une mixité générationnelle?

Il y a quelques années, j'habitais près du marché Jean-Talon et ma voisine était une dame dans la quatre-vingtaine avancée. Cette ancienne employée de Radio-Canada était une passionnée de politique américaine et passait beaucoup de temps à observer les gens déambuler sur la rue. J'aimais bien parler avec Mme Andrée quand je la croisais à mon retour du travail. Questionner ma voisine sur son passé dans la grande tour de Radio-Canada et sur ses amis réalisateurs à l'époque du cinéma-vérité faisait partie des plaisirs du voisinage. Elle ne se souvenait pas toujours de mon nom, mais elle savait que je travaillais pour différents médias. C'était notre point en commun. Ça et le bonheur de lire dehors en buvant une limonade.

C'est ça le futur? Les générations séparées par désir d'authenticité et de connectivité...

Vous me voyez sans doute venir, mais je me questionne : dans un immeuble qui prône la concentration des milléniaux, peut-on tisser des liens de voisinage avec des gens différents de nous? C'est ça le futur? Les générations séparées par désir d'authenticité et de connectivité...

Ce n'est pas en formant des cloisons entre les générations et les communautés que l'on va mieux se comprendre. Et même si, oui, je me déplace en vélo l'été, je ne tiens pas à croiser que des clones avec les mêmes intérêts, les mêmes goûts et les mêmes fringues sur mon palier.

Avril 2018

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