Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Opérations psychologiques: l'armée américaine lâche des tracts sur la Syrie

C'est une bombe d'un genre assez particulier que l'Armée de l'air américaine a largué au dessus de Raqqa, en Syrie. Tirée depuis un F-15, cette PDU-5B a permis de lâcher à proximité de celle ville, stratégique pour l'organisation de l'Etat islamique (OEI), quelque 60 000 tracts.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

C'est une bombe d'un genre assez particulier que l'Armée de l'air américaine a largué au dessus de Raqqa, en Syrie, le 16 mars dernier. Tirée depuis un F-15, cette PDU-5B a permis de lâcher à proximité de cette ville, stratégique pour l'organisation de l'Etat islamique (OEI), quelque 60 000 tracts. Une information rapportée par le journal USA Today et ensuite confirmée par des officiels du commandement central américain (US Centcom).

Les tracts, en question, présentent un dessin illustrant l'OEI passant des jeunes candidats au jihad dans une broyeuse à viande. Désignant un bureau de recrutement, deux combattants font signe au premier de la liste d'attente que c'est au tour de son numéro. L'ambiance est sombre et les personnages sont dessinés dans un style très cartoon, proche des comics très répandus aux États-Unis. Les visages des deux combattants sont monstrueux et ils ont une attitude sordide. Les volontaires, dans des tenues neutres, ont l'air parfaitement insouciants. Sauf le prochain, qui semble terrifié.

Le style du dessin laisse penser qu'il s'adresse à une jeunesse "connectée", typiquement celle des volontaires de l'OEI. Qu'ils soient Occidentaux ou Arabes, ces jeunes ont, en effet, une sensibilité culturelle et symbolique à ce type d'images. La communication de l'organisation le prouve: les références cinématographiques et vidéoludiques y sont omniprésentes. Le public visé est donc certainement baigné de cette scénographie.

Le message est clair: si vous rejoignez l'OEI, vous finirez en chair à canon. Il cherche à démobiliser des jeunes candidats, arrivant ou récemment arrivés sur le front. Alors que les informations et les rumeurs sur des déserteurs, parfois sévèrement punis, circulent largement, l'armée américaine joue, ici, sur ce doute qui circule probablement dans les rangs des jihadistes et dans les populations locales.

Le tract, bouteille à la mer

Le largage de tract est un outil qui pourrait sembler désuet face aux réseaux sociaux massivement exploités par les jihadistes. Il est pourtant encore très largement utilisé par les armées occidentales. Les spécialistes des psyops (MISO dans l'armée américaine, pour Military influence support operations) savent que grâce à ce type de tracts, ils peuvent toucher le public qu'ils souhaitent, jusque dans son intimité. Les documents peuvent en effet facilement voler dans les rues, entrer par les fenêtres, tomber dans les jardins, etc. Difficile de les ignorer. Sur la durée, les tracts égarés peuvent également réapparaître régulièrement ici et là. Le tout pour le coût de quelques dizaines de milliers d'affichettes, raisonnable même s'il demande une grosse logistique en amont.

Les tracts sont utilisés par la plupart des armées de l'OTAN (France, Allemagne, US, Royaume-Uni, Roumanie, Pologne, etc.) et l'ont été sur de nombreux théâtres d'opérations. En Afghanistan, l'armée américaine en a utilisé sous de nombreuses formes. Je rappelle l'une des plus kitchs et sympathiques, la photo de "Moustache Ben Laden", dont j'avais déjà parlé ici, utilisée pour le discréditer. Plus récemment, cet outil a été employé en Libye ou en Irak.

Les Irakiens, d'ailleurs, ont déjà fait usage de cette arme plus tôt, au mois de mars. Avec l'aide de gros porteur, des C-130, ils ont largué au-dessus de Mossoul des dizaines de milliers de tracts annonçant la libération prochaine de la ville. Un message qui pouvait aussi bien chercher à faire peur aux combattants jihadistes, qu'à rassurer (ou faire douter) les populations civiles quant à l'avenir prochain des occupants.

Une arme ultra-moderne

Cette opération sur Raqqa est l'occasion de découvrir une bombe relativement récente, la PDU-5B. Le Washington Post a récolté quelques-unes des images publiées, par le passé, par l'armée américaine, lors d'exercices, qui permettent de bien comprendre comment l'engin fonctionne. Remplie de rouleaux d'affichettes, la bombe est larguée depuis un avion de combat avant de projeter son contenu dans le ciel.

Les armées développant leurs unités psyops continuent de développer de nouveaux vecteurs pour larguer leurs tracts. La PDU-5B, du fait de sa petite taille et de son format de bombe, permet d'être tirée depuis un avion de combat. Plus habituellement, ce sont des cartons lâchés depuis des avions de transport qui sont utilisés, comme l'ont fait les Irakiens. On peut également utiliser des hélicoptères ou même des mortiers. Enfin, l'un des vecteurs couramment utilisés, notamment lorsque la cible est une population civile que l'on souhaite convaincre, reste l'homme: les soldats peuvent distribuer avec une grande efficacité ces petites affichettes afin de faire passer un message clair et simple.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Syria War In March

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.