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«Tales from the crypt»: Les tapas meurtriers

Pour bien débuter ce banquet pourquoi ne pas se mettre derrière la cravate le 3e opus de l'intégrale des récits horrifiants des, ce magazine de bandes dessinées si important dans l'histoire de la littérature américaine d'horreur.
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Après quelques semaines loin des habituels zombies, goules, tueurs en série et autres croquemitaines qui font le quotidien de cette chronique, je reviens à mes anciennes amours. Et quel retour! Un réjouissant banquet sous le signe de la mort, de la décadence, du sang et de la monstruosité qui ferait reculer Odin lui-même. Bienvenue dans cette version grand-guignolesque d'un souper presque parfait. Bon appétit!

Entrée : Bisque de cadavres frais du jour

Pour bien débuter ce banquet pourquoi ne pas se mettre derrière la cravate le 3e opus de l'intégrale des récits horrifiants des Tales from the crypt, ce magazine de bandes dessinées si important dans l'histoire de la littérature américaine d'horreur. Regroupant les courtes histoires des numéros publiés entre avril-mai 1952 et février-mars 1953, ce nouveau Tales continue d'explorer le coté obscur de la psyché humaine.

Encore une fois le gardien de la crypte, la sentinelle du cimetière et l'horrible vieille sorcière nous présentent des histoires, quelques fois angoissantes, d'autres fois horrifiantes et régulièrement drôles, qui remettent en cause la morale religieuse et sociale de l'époque. Avec l'aide des mots de Bill Gaines et d'Al Feldstein, les trois horribles compères s'amusent à mettre en place des petites boutiques de l'horreur où se côtoient des perdants loin d'être magnifiques, des minables revanchards, des envieux frustrés et des opportunistes violents prêts à tout pour arriver à leurs fins ou à... assouvir leur faim; du moins pour l'inquiétant oncle Ambrose qui adorait sa famille... surtout bien cuite.

Magnifiquement dessinées par Jack Davis, Jack Kamen, Joe Orlando et autre Graham Ingells, les courtes histoires sont des exemples évocateurs de la légendaire efficacité narrative du magazine devenue depuis sa marque de commerce. Il n'est pas question ici de virtuosité graphique ou d'exploits scénaristiques au contraire l'efficacité de l'histoire demeure l'objectif principal et chaque mot, chaque dessin, chaque trait, chaque joue un rôle essentiel dans la construction de la toile que les auteurs tissent autour de nous. Et ironiquement alors que les dessinateurs pourraient se sentir à l'étroit dans un système où tout est mis dans la réussite du récit, on sent au contraire qu'ils s'amusent énormément, qu'ils ont du plaisir à déployer de véritables petits trésors d'ingéniosité pour repousser les frontières du genre tout en respectant ses contraintes.

Et si quelques histoires ont mal vieilli, si d'autres ont un parfum de déjà-vu et si certaines sont carrément ridicules, ce Tales From the Crypt reste réjouissant, agréable à lire, peut-être plus aussi terrifiant qu'à l'époque mais toujours aussi irrévérencieux et critique de nos comportements hypocrites.

Plat de résistance : Émincé de psychopathe dans son coulis de Stephen King

Bill Hodges est un inspecteur à la retraite, divorcé, solitaire, avec un surplus de poids, qui passe ses après-midi à regarder les talk-shows à la télé et... à penser à Mr Mercedes, ce fou furieux qui, au volant de sa SL 500 12 cylindres, avait, quelques années auparavant, foncé sur des badauds anonymes qui attendaient l'ouverture d'une gigantesque foire de l'emploi avant de disparaitre dans la nature. Et ça tombe bien pour Hodges parce que Mr Mercedes a décidé de remettre ça. Mais cette fois l'inspecteur pourrait bien faire les frais des délires de cet assassin anonyme.

Premier opus d'une trilogie centrée sur le policier à la retraite, Mr Mercedes marque la première incursion du père de Carrie dans l'univers du polar. Et bien que nous pourrions palabrer pendant plusieurs heures pour savoir si le bouquin est un véritable roman noir ou un policier classique - Saint Daniel Marois venez à notre aide! - il reste que ce Mr Mercedes est un King de grand cru. Un King qui se consacre aux «rampage killers», ces tueurs incompréhensibles qui tuent au hasard dans des cinémas, des centres commerciaux, des écoles ou des campus universitaires, sans motivation sinon celle d'acquérir une célébrité fugace. Ce n'est ni le pouvoir, ni la vengeance, ni la domination qui motive ce Mr Mercedes, juste le plaisir de tuer et c'est ce qui le rend d'autant plus effrayant.

Avec une économie de mots et un contrôle parfait de son intrigue, ce qui est assez rare chez King qui a souvent tendance à faire de l'enflure verbale et à s'épivarder à gauche et à droite, l'écrivain nous guide dans le quotidien de Hodges - sorte de raté mélancolique, obèse, trop banal et pas assez alcoolique et désabusé pour devenir un nouveau Sam Spade - et de Mr Mercedes, misanthrope, arrogant, qui subit une mère alcoolique, inadaptée et résolument cinglée. S'ouvre dès lors entre les deux hommes une véritable partie de chasse où ils deviennent à tour de rôle chasseur et chassé.

Avec nuance et sans esbroufe King place les pièces de son échiquier, avance prudemment les pions, déjoue chacune de nos déductions et installe page après page une tension efficace qui culmine dans le concert d'un pathétique boys band. Une séquence qui n'est pas sans rappeler la scène de l'assassinat politique de l'excellent thriller de ce bon vieil Hitchcock L'homme qui en savait trop : rappelez-vous la fameuse scène des cymbales.

Un très bon Stephen King qui sans être un roman noir reste toutefois un excellent roman policier.

Dessert : Mille-feuilles au souffre, parfumé à la putréfaction.

Bill Gaines, Al Feldstein et plusieurs dessinateurs, Tales from the Crypt tome 3,Akileos

Stephen King, Mr Mercedes, Albin Michel.

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