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Sente: le nouveau maître de l'Espadon!

Pas facile de redonner vie aux «petits Mickey» qui ont marqué l'imaginaire de plusieurs générations de lecteurs, qui sont à l'origine de je ne sais combien de carrières en bédé et qui ont défini les standards de la bande dessinée.
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Pas facile de redonner vie aux «petits Mickey» qui ont marqué l'imaginaire de plusieurs générations de lecteurs, qui sont à l'origine de je ne sais combien de carrières en bédé et qui ont défini les standards de la bande dessinée. Ceux qui s'aventurent sur cette mer trouble peuvent facilement y sombrer en dénaturant le personnage ou pire encore en le parodiant inconsciemment. Heureusement certains réussissent à les moderniser tout en respectant leurs grandes qualités. C'est ce qu'ont fait Valérie Mangin et Thierry Démarez, avec Alix Sénator et Yves Sente et André Julliard qui depuis 1999 animent les aventures de Blake et Mortimer. À l'occasion de la sortie du Bâton de Plutarque le «prequel» du mythique Secret de l'Espadon, nous avons rejoint Yves Sente à Bruxelles. Rencontre avec un admirateur absolu de Blake et Mortimer.

«Nous étions à Londres en train de faire des repérages pour Le Serment des cinq Lords quand nous sommes passés devant l'ancien bunker de Churchill transformé depuis en musée» lance tout de go Yves Sente. En visitant le bunker-musée Julliard lui confie le plaisir qu'il aurait à mettre en scène une histoire située dans cet environnement. Un plaisir que partage Sente qui toutefois n'a pas envie d'écrire une nouvelle intrigue qui se déroule dans un musée, comme c'était le cas du Serment des cinq Lords. Naturellement la seconde guerre mondiale s'impose aux deux bédéistes. Un choix d'autant plus facile que dans Un opéra de papier Jacobs mentionnait le rôle de ses héros lors de ce conflit. « De fil en aiguille nous nous sommes retrouvés avec une histoire qui se déroulait à la fin du deuxième conflit mondial et qui faisait le lien avec le début du Secret de l'Espadon

Les erreurs du maître.

Si Sente se lance dans cette aventure audacieuse, c'est qu'il a le désir de «corriger certaines incohérences que je trouvais dans le récit de Jacobs et qui me gênait depuis longtemps» explique le bédéiste qui cite en exemple Olrik qui dès les premières pages de l'album identifie le Golden Rocket. «Or c'est un prototype ultra secret. Cmment peut-il connaître son apparence et son nom?» Si Sente semble un peu pinailleur sur cette question c'est que plusieurs autres incohérences sont présentes tout au long du triptyque. «Je me suis dit que je pouvais profiter de ce nouveau récit pour corriger toutes ces petites incohérences.»

Cette révélation sur les maladresses scénaristiques de Jacobs peut en surprendre plus d'un

- dont moi- tant son grand souci de l'exactitude est reconnu par tous. « À vrai dire il ne devient méticuleux qu'à partir du Mystère de la Grande Pyramide. Mais à sa décharge le journal Tintin s'est mis en branle très rapidement après la guerre.» Avec le résultat que Jacobs n'a pas eu le temps nécessaire pour bien construire son histoire. « Il a travaillé à la façon d'un feuilletoniste, en rebondissant de semaine en semaine. »

Un univers teinté de nostalgie.

Tout comme les autres bédéistes qui travaillent sur la série, Sente explore un univers « jacobien » très proche de la grande époque de la Marque Jaune qui s'est imposée dans la mémoire collective des bédéphiles. « C'était un souhait de l'éditeur et des lecteurs qui en avaient gardé la nostalgie. Mais le danger de la parodie nous guettait, il ne fallait pas en faire trop. C'est pour ca que le fameux « by jove » est quasiment absent de nos albums. Je me restreint à un seul par album. »

Pour garder la pertinence de la série le scénariste, qui a aussi repris les fameux XIII et Thorgal, il a décidé d'aborder Blake et Mortimer différemment de Jacobs. D'une part en développant des intrigues moins naïves et des personnages plus humains qui ont des failles, une histoire, une jeunesse etc. « Le public n'accepte plus aujourd'hui des héros monolithiques et unidimensionnels comme le concevait Jacobs.» Et d'autre part en jouant à fond la carte historique qui ajoute la crédibilité nécessaire au récit. « Au moment de leurs parutions ces bandes dessinées étaient liées à leur époque, elles étaient un témoignage de la société d'alors, elles reflétaient la façon dont on concevait le présent et l'avenir. Mais maintenant on ne plus envisager leurs aventures de la même façon que Jacobs, sinon on fait du pastiche ou de la parodie. Alors nous avons décidé d'ancrer les intrigues dans la réalité historique de l'époque, en y intégrant par exemple des éléments historiquement réels.» C'est ainsi que dans La Machination Voronov, qui se déroule en 1957, on assiste à la première rencontre entre deux jeunes musiciens qui deviendront par la suite le cœur des Beatles.

Ce que fait Yves Sente ressemble à s'y méprendre à ce qu'on fait les successeurs d'Ian Fleming, père de James Bond. « On ne peut plus écrire les James Bond comme il le faisait. Les nouveaux auteurs ont gardé les mêmes codes, mais ils ont développé le personnage, lui ont créé des zones d'ombre, ont exploré son enfance mais en respectant les caractéristiques que Fleming lui a données. Ce type de construction identitaire me séduit beaucoup. C'est ce que j'ai fait avec Blake et Mortimer. Mais pas juste moi, Van Hamme et Ted Benoît avaient déjà commencé cette modernisation dans L'Affaires Francis Blake. Ils le modernisaient tout en respectant l'esprit Jacobs. De toute façon c'est impossible de faire du Jacobs » conclu le scénariste.

«By jove!» Ce n'est peut-être pas de Jacobs mais ça reste de sacrés bonnes bandes dessinées et c'est le plus important.

Sente, Julliard, Les aventures de Blake et Mortimer, Le bâton de Plutarque, Blake et Mortimer.

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