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Portrait de l'artiste en jeune bédéiste

Alors qu'il n'y avait à peu près aucune bande dessinée disponible dans la Pologne communiste, Grzegorz Rosinski a décidé d'en faire. Alors que la fantasy était sous la domination des auteurs anglo-saxons, le dessinateur polonais a imposé une nouvelle vision originale qui à fait école.
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Alors qu'il n'y avait à peu près aucune bande dessinée disponible dans la Pologne communiste, Grzegorz Rosinski a décidé d'en faire. Alors que la fantasy était sous la domination des auteurs anglo-saxons, le dessinateur polonais a imposé une nouvelle vision originale qui à fait école. Alors que le bédéiste profite à fond de sa retraite, les éditions du Lombard viennent de lui consacrer un superbe ouvrage qui jette un regard sur son parcours exceptionnel. Pour en savoir plus sur le père de Thorgal nous avons rejoint l'auteur du livre Patrick Gaumer à sa résidence parisienne.

Publié il y a quelques semaines le Rosinski de Gaumer est l'aboutissement d'un long travail de rédaction. «J'ai débuté le livre en 2005-2006, j'ai mis presque 8 ans pour l'achever», explique le journaliste qui a aussi publié il y a quelques mois une monographie essentielle sur Raoul Cauvin. Une longue gestation pour un ouvrage impressionnant, à la hauteur de l'immense talent et de l'imposante influence du sujet, une biographie incontournable qui se compare aux plus beaux livres d'art sur le marché. «Lors de nos discussions avec l'éditeur, nous insistions beaucoup sur la qualité de l'ouvrage. Il fallait qu'il rende justice au travail de Rosinski. Comme il le disait lui-même si bien, il ne fallait pas que ce soit un livre de «petits Mickey». Certes on parle de bande dessinée, mais on parle aussi de ses autres facettes, de son enfance, de ses études à l'Académie des beaux-arts de Varsovie, de ses illustrations, mais aussi de ses peintures. Nous voulions faire un livre qui rendait justice à la richesse de son oeuvre.»

Et quel ouvrage! Grâce aux confidences de Rosinsky et aux témoignages de ses plus proches amis et collaborateurs, Van Hamme, Dufaux et j'en passe, Gaumer nous guide dans les coulisses de la personnalité de cet immortel du 9e art. Celui qu'on a connu en Europe francophone dans un premier temps sous le pseudonyme de Rosez, s'ouvre avec franchise sans faux fuyants, sans zones d'ombre, au journaliste. «Nous sommes de vieux copains et cette relation nous a permis de toucher à des sujets d'une façon que nous n'aurions peut-être pas fait dans le cadre d'une relation professionnelle. Nous avons ainsi parlé des sujets les plus intimes, sans tabou, sans fuite.»

Gaumer aborde avec un Rosinski généreux sa jeunesse et la naissance de sa passion pour le 9e art dans un pays communiste qui n'avait qu'un très mince accès à la bande dessinée.

«Vous savez le journal Vaillant, futur Pif Gadget était disponible en Pologne. Comme c'était un journal de bandes dessinées d'obédience communiste, il était distribué dans les pays du bloc de l'est. Grâce à lui Rosinski a eu accès aux bandes dessinées franco-belges. Dès ses premières lectures du journal, il a eu envie d'en faire son métier même si le métier n'existait pas. D'ailleurs les autorités, lors de son séjour à l'Académie des beaux-arts ont tenté de lui faire comprendre qu'il devait choisir l'art véritable pas la bande dessinée. Quand on connait l'esprit rebelle du personnage, il est évident qu'il allait préférer la voie interdite», ajoute Patrick Gaumer.

Par l'entremise d'un éditeur belge de cartes postales Carlos Blanchart il rencontre Jean Van Hamme, qui débutait sa carrière d'écrivain. Une complicité naît rapidement entre l'ancien représentant international de Phillips devenu auteur et le dessinateur au style bien à lui.

Les deux hommes vont créer un des héros les plus marquants de la bande dessinée Thorgal. «Ils ont choisi Thorgal parce qu'il avait déjà travaillé sur des illustrations médiévales et vikings. Et puis il ne faut surtout pas oublier que l'Europe est traversée par un épais rideau de fer à cette époque. Pour envoyer ses planches en Belgique, il devait avoir le OK de l'État, passer par la censure. Il était donc impossible de faire de la bande dessinée politique.» En s'attelant à une histoire qui comportait de l'héroic fantasy, de la science-fiction et de l'aventure, il contournait tout ces obstacles.

Ce qui ne rend pas son travail plus simple pour autant. Dans cette Europe, coupée en deux, les contacts demeurent toujours aussi problématiques, n'importe quel fonctionnaire zélé peut empêcher ses planches de quitter sa Pologne natale. C'est exactement ce qui arrive en octobre 1981, quand le nouveau dirigeant du pays le Maréchal Jaruzelski décrète l'état d'urgence et la loi martiale. Pour Rosinski c'était une catastrophe, d'autant plus que Thorgal était de plus en plus populaire en Europe francophone. «Pour lui ça va plus loin que ça. C'est presque une question d'honneur. Il s'était engagé à rendre ses planches régulièrement et avec l'isolement de la Pologne il ne pouvait plus le faire.» C'est à ce moment, en 1982, à l'âge de 40 ans qu'il prend la décision de fuir sa Pologne pour refaire sa vie dans une Europe francophone où il ne maîtrise pas toujours la langue et où la société lui est inconnue.

Le reste de l'histoire est connu et relève presque du conte de fée: son succès d'estime et populaire, ses récompenses et l'ouverture d'un musée consacré à son œuvre en Suisse.

On ne sait pas si le petit Polonais de Stalowa Wola, qui rêvait de faire des dessins, avait espéré un parcours digne des plus belles légendes, mais avec sa verve et sa passion Patrick Gaumer, lui, nous fait prendre conscience du destin exceptionnel de cet incontournable des «petits Mickey».

Patrick Gaumer. Rosinski, Editions du Lombard.

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