La mer
Qu'on voit danser le long des golfes clairs
À des reflets d'argent
La mer
Des reflets changeants
Sous la pluie
Charles Trenet l'avait compris, la mer est une source d'inspiration intarissable même pour la bande dessinée.
Et nous reparlerons des « gentillesouris » de fortune.
1967, apparaît dans les pages de l'illustré italien Sgt Kirk d'un romantique marin, Corto Maltese, qui allait marquer profondément la bande dessinée mondiale. 2017, pour souligner le 50 anniversaire du plus célèbre gentilhomme de fortune du 9 art, les Italiens Bruno Enna, Giorgo Cavazzano et Alessandro Zemolin imaginent pour Disney Italie une relecture de la ballade de la mer salée, première aventure du bourlingueur maltais, mettant en vedette la souris de Disney et une bonne partie des personnages importants composant son univers.
Un projet ambitieux qui aurait pu s'avérer casse-gueule. Mais étonnamment, ce qui avait des airs de catch 22, ces paris qu'on ne peut jamais gagner, se révèle une transposition particulièrement réussie de la bédé mythique de Pratt, qui vit par elle-même et qui n'a pas besoin d'une relecture de l'original pour bien la comprendre. Bien sûr, on retrouve ici et là quelques raccourcis, des simplifications pour rendre l'intrigue plus claire pour de jeunes lecteurs, mais dans l'ensemble, l'esprit de cette première aventure de Corto reste présent. Manifestement, Pratt ne souffre pas de cette adaptation, au contraire.
Reprenant les idées, les dialogues, le rythme et le graphisme de la ballade originale - on y retrouve le même rire inquiétant de Raspoutine, le même séduisant vide obsédant d'une mer à perte de vue et la même angoisse d'une île sous la coupe d'une moine aussi cruel qu'imprévisible - les auteurs réussissent avec succès à y intégrer la planète Mickey, ce dernier est d'ailleurs drôlement séduisant avec sa veste bleue de marin, ses pantalons d'un blanc immaculé, sa casquette de marin et son attitude à la « cool» de celui que rien n'atteint.
Avec succès le trio réussi à faire l'impossible, fusionner deux mondes aux antipodes du spectre bédé, en insufflant à Maltese un côté « cartoon» sans toutefois dénaturer ni l'univers de l'oncle Walt ni celui du dessinateur de Rimini.
Une BD qui vaut le détour et qui s'inscrit parfaitement dans la qualité des hommages que Glénat fait à Mickey depuis quelques années.
La grande traversée.
Pascalet habite en Provence, dans une métairie isolée, au milieu des champs, près d'une rivière qui le fascine et l'attire comme un aimant. Le jeune préadolescent rêve de suivre Bargabot le braconnier qui la connait par cœur et qui depuis longtemps a apprivoisé ses mystères et ses dangers. Profitant de l'absence de ses parents et de sa tante laxiste, Pascalet décide d'explorer la rivière et cette séduisante petite île qui l'appelle. Pour Pascalet commence alors une aventure exceptionnelle, une de celles qui marquent profondément une vie.
Adaptation du roman éponyme d'Henri Bosco publié en 1945, L'enfant et la rivière est une bédé hypnotisante, empreinte d'une douce nostalgie réconfortante. Il y a du Pagnol, Provence oblige, dans cette rayonnante bédé. Du Pagnol certes, mais aussi du Cézanne dans la maitrise par le bédéiste des couleurs chaudes et lumineuses qui sentent bon la lavande et qui résonne des mélodies « debussyiennes » des cigales.
Pagnol, Cézanne, mais aussi du Mark Twain. Je n'ai pu m'empêcher de penser à Tom Sawyer, à Huckleberry Finn et à leurs pérégrinations mississippiennes. Si l'ombre du géant de la littérature survole l'épaule de Bosco L'enfant et la rivière reste une œuvre très personnelle qui explore les différents visages de la nostalgie au même rythme que Pascalet découvre la vie de la rivière.
Admirablement adapté par Xavier Coste qui utilise avec intelligence le silence, les non-dits et les dialogues relativement minimalistes, L'enfant et la rivière est une irrésistible exploration du monde de l'enfance, de sa soif d'aventures et de découvertes, une ballade dans une France de jadis qui vit au diapason de la nature, des saisons et du temps qui s'égrène imperceptiblement sous le poids d'une bienfaitrice chaleur écrasante.
Seul un bédéiste aussi expressif que Coste, qui sait sublimer la nature et lui rendre toute sa magnificence, qui sait traduire l'essence même de Bosco, qui sait lire les émotions derrière son écriture, pouvait rendre dans toute sa splendeur cette tranche de vie, ce récit initiatique, cette quête et cette randonnée nostalgique dans un monde qui n'existe plus.
S'il m'arrive quelques fois de douter de la pertinence de la bédé, une bande dessinée comme l'Enfant et la rivière fait taire tous mes doutes.
La bande dessinée dans tout ce qu'elle fait de meilleur.
Enna, Cavazzano, Zemolin, Myckey Maltesse. La ballade de la souris salée, Glénat
Xavier Coste, d'après le roman d'Henri Bosco, L'enfant et la rivière, Sarbacane