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Fiona Barton: drame inhumain au cœur du polar domestique

Si le kidnapping de bébés naissants reste un sujet délicat qui peut en faire reculer plus d'un, ce n'est pas le cas de Fiona Barton, qui s'attaque à des sujets dérangeants.
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Parmi les pires épreuves qu'un parent peut vivre, la perte d'un enfant, surtout s'il s'agit d'un kidnapping, doit être en haut de la liste. Tragédie innommable, cette disparition devient une blessure impossible à cicatriser, prête à se rouvrir à la moindre occasion. Surtout quand plusieurs années après l'enlèvement, la police découvre le cadavre d'un nouveau-né enterré depuis plusieurs années.

C'est ce drame inhumain qui est au cœur de La coupure de Fiona Barton, son dernier polar domestique, ce type de polars qui parlent des crimes ordinaires, sans envergure, des petites gens anonymes.

«La coupure», polar, Fiona Barton
Courtoisie
«La coupure», polar, Fiona Barton

À l'occasion du dernier Salon du livre, nous avons rencontré l'auteur venue rencontrer ses lecteurs québécois.

Si le kidnapping de bébés naissants reste encore un sujet délicat et émotif qui peut en faire reculer plus d'un, ce n'est pas le cas de Fiona Barton. Au contraire, elle a l'habitude de s'attaquer à des sujets émotivement dérangeants. Déjà dans son précédent roman, le troublant La veuve, l'ancienne journaliste traitait de la pédophilie et de l'aveuglement complice des proches.

«Ce qui m'intéresse, ce sont les secrets. Ces secrets que nous cachons au fond de nos âmes et sur lesquelles nous construisons nos vies. Imaginez qu'on puisse échafauder toute une vie à partir de secrets inavouables enfouis au plus profond de notre être. Ça ouvre la porte à des intrigues fascinantes» explique la globe-trotter, qui refuse toutefois de nous avouer les siens. «J'en ai comme tout le monde. Mais comme je ne suis pas le personnage central du roman, je n'ai pas à en parler», rigole-t-elle.

«La veuve», polar, Fiona Barton
Courtoisie
«La veuve», polar, Fiona Barton

L'inspiration journalistique

À l'instar de La veuve, où elle avait interviewé plusieurs pédophiles emprisonnés, l'auteure fait reposer son roman sur une recherche pointue des émotions et des réactions que vivent ces parents dont les enfants ont disparu. «Il est important pour moi que mes personnages ressentent ce que les parents ont connu dans la réalité. C'est pourquoi avant d'écrire, je rencontre des gens qui ont vécu des situations similaires. Dans le cas de La coupure, j'avais déjà fait une série d'articles sur des femmes qui avaient vu leur bébé se faire enlever, dont deux ou trois qui les avaient retrouvés plusieurs années après leur disparition.»

Mais l'influence de son ancien métier ne s'arrête pas qu'à cet aspect. Son écriture, qui donne la parole aux protagonistes qui racontent chacun leur bout de l'histoire, est aussi héritée de ses années au Daily Telegraph, au Daily Mail et au Mail on Sunday. «Donner la parole aux témoins, c'est la base du journalisme. Je n'ai fait qu'adapter ma pratique à mes romans.» Une stratégie qui lui permet de rapidement donner une impulsion dynamique au déroulement de son intrigue, de garder constamment le lecteur sur le qui-vive et de faire de ses romans de véritable «page-turner» captivants, qui nous font passer par toutes les gammes des émotions.

De son ancienne profession, Barton a aussi emprunté son héroïne, Kate Waters — qu'on retrouve dans La Veuve et dans son prochain roman — une journaliste de la vieille école qui, sans le vouloir, va ouvrir une boite de Pandore pleine de secrets inavouables. «Le journaliste est un personnage intéressant parce qu'il peut aller et peut faire ce que le policier ne peut pas. Le journaliste n'a pas toutes les obligations légales qu'a le policier. Il peut être constamment sur la mince ligne entre la légalité et l'illégalité.»

La présence d'un scribouillard lui permet aussi d'aborder la disparition progressive des médias écrits au profit des nouveaux médias. «Le roman se passe en 2012, avant les Jeux olympiques, quand la ville de Londres était un énorme chantier et qu'on pouvait effectivement découvrir un cadavre enfoui depuis des décennies. Mais en 2012, nous étions aussi en pleine crise des médias écrits, qui perdaient beaucoup d'argent. La concurrence était féroce. Les journalistes étaient de plus en plus agressifs pour les primeurs et les journaux licenciaient énormément.» Et cette épée de Damoclès transpire dans chacune des pages de son polar. «C'est aussi pour ça que j'ai un jeune journaliste féru en nouvelle technologie qui accompagne Kate tout au long de l'enquête, ça permet de confronter deux conceptions différentes du journalisme.»

Roman portant sur l'impossible rédemption, La coupure bouscule nos conceptions traditionnelles du bien et du mal. Une remise en question malaisante qui reste dans notre esprit bien après les derniers mots.

Bonne nouvelle pour les néophytes qui s'intéressent au polar, First Editions vient de lui consacrer un tome de leur collection Pour les nuls. Avec intelligence, verve, enthousiasme et un esprit de vulgarisation remarquable, Marie-Caroline Aubert et Natalie Beunat font le tour de la question, suggérant au détour des pages, des romans, des films, des séries télé et des auteurs à découvrir.

Depuis Edgar Allan Poe au néo polar, tous les arcanes du genre nous sont dévoilés. Même si certains choix sont un peu surprenants, il reste que cette lecture réjouissante saura satisfaire tout le monde.

«Le polar pour les nuls»
Courtoisie
«Le polar pour les nuls»

Fiona Barton, La Coupure, Fleuve Noir.

Marie-Caroline Aubert, Natalie Beunat, Le polar pour les nuls, First Editions.

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