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Misogynie, civisme et flair politique

Nous approchons la fin d'un mandat présidentiel lors duquel les schismes partisans et le manque de civisme dans le débat public, au lieu de s'apaiser, se sont exacerbés. Avant d'être employé par Limbaugh, le terme « salope » a été utilisé, moins d'un an auparavant, par Ed Schultz, commentateur de gauche de la chaîne MSNBC, pour décrire en ondes l'auteure conservatrice Laura Ingraham.
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AFP/Getty Images

« Salope ».

Le mot se trouve au cœur d'une controverse ayant fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières semaines aux États-Unis, soit depuis qu'il a été utilisé par l'animateur de radio de droite Rush Limbaugh pour décrire Sandra Fluke, une jeune femme militant pour le financement public de la contraception.

Plusieurs commentateurs ont jugé que l'épisode a démontré le poids qu'occupe Limbaugh au sein du Parti républicain, dont certains de ses porte-étendards principaux ne seraient pas allés assez loin pour dénoncer les propos misogynes. D'autres ont avancé que ces derniers font partie d'une « guerre contre les femmes » menée par les Républicains et qui leur ferait éventuellement perdre des points aux urnes auprès de l'électorat féminin.

Ces observations font toutefois fi du constat le plus important méritant d'être établi : la saga « salope » illustre, une fois de plus, la faiblesse de Mitt Romney comme candidat présidentiel.

L'ancien gouverneur du Massachusetts, favori dans la course pour l'investiture républicaine, s'est contenté de déclarer, lorsqu'il a été interrogé sur la question, que «ce n'est pas le type de langage [qu'il] aurait utilisé». Il a paru timide, sur la défensive. Et pourtant, la situation lui offrait à la base une opportunité politique en or.

Lorsque son pasteur a fait les manchettes au printemps 2008 pour certains de ses commentaires les plus controversés, Barack Obama a répondu en rédigeant et en livrant, quelques jours plus tard, un grand discours sur les relations raciales en Amérique. Tout au long de long de la campagne, il s'est présenté comme une figure « post-partisane », pouvant rassembler les Américains de différents horizons et de différentes mouvances. L'idée n'avait rien de nouveau - huit ans auparavant, George W. Bush avait dit vouloir « unir, et non diviser » la nation ; huit ans avant Bush, Bill Clinton avait promis de « faire en sorte que les Américains travaillent ensemble à nouveau ».

Après toutes ces belles paroles, où en sommes-nous en 2012 ? Nous approchons la fin d'un mandat présidentiel lors duquel les schismes partisans et le manque de civisme dans le débat public, au lieu de s'apaiser, se sont exacerbés. Avant d'être employé par Limbaugh, le terme « salope » a été utilisé, moins d'un an auparavant, par Ed Schultz, commentateur de gauche de la chaîne MSNBC, pour décrire en ondes l'auteure conservatrice Laura Ingraham. La même année, l'expression « fils de pute » a été appropriée par le syndicaliste Jimmy Hoffa pour décrire les Républicains lors d'un événement politique où se trouvait Barack Obama lui-même. Un mot décrivant la région pubienne féminine s'est quant à lui vu ajouter l'adjectif «stupide» par Bill Maher lorsque le comédien a partagé avec ses téléspectateurs son opinion de l'ancienne gouverneure de l'Alaska Sarah Palin (Maher a par ailleurs plus tard fait un don d'un million de dollars à un comité politique supportant la réélection d'Obama - somme que refuse de rembourser ledit comité).

Il n'est somme toute pas très difficile de trouver, au courant des dernières années, plusieurs exemples disgracieux de la sorte des deux côtés du spectre politique. Cette profonde division observée à l'échelle nationale devrait normalement constituer un poids politique pour le président sortant. Elle se devrait normalement d'être dénoncée par le candidat espérant ravir la Maison-Blanche au parti la contrôlant. Certes, une attaque de la sorte sera toujours jugée par certains comme n'étant pas entièrement juste - le président ne pouvant pas être tenu responsable de chaque parole inflammatoire sortant de la bouche de chaque polémiste du pays. Reste que, comme en témoignent les campagnes victorieuses de Clinton, Bush et Obama, elle fonctionne souvent - et elle aurait dû être rapidement déployée dans un contexte comme celui-ci par un candidat plus habile.

Romney aurait pu se servir de l'occasion pour s'en prendre non seulement à Obama au niveau ses promesses d'unité non respectées, mais également aux politiciens de son propre parti, comme Limbaugh et Bush, qui ont soit activement entretenu la division ou se sont avérés tout aussi incapables d'y remédier. Ayant perdu des plumes chez les électeurs indépendants au cours du long processus des primaires républicaines, il aurait pu commencer à rebâtir son image auprès d'eux en s'affichant comme un leader au-dessus de la mêlée et des disputes partisanes.

Seulement, une telle approche aurait nécessité une certaine dose d'audace, de vision et de flair politique. Des attributs possédés par les rares aspirants ayant réussi à atteindre la Maison-Blanche, à commencer par Obama ; des attributs que l'on ne peut toujours pas attribuer à celui cherchant présentement à lui succéder.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal.

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