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Le monde à l'envers: quand les Africains viennent à la rescousse de l'Occident

Pendant que l'Alberta passe un mauvais quart d'heure, l'Afrique du Sud lui prête main forte. L'aide internationale nous vient sous forme de main-d'oeuvre, mais aussi dans le rehaussement des baromètres de progrès social pour les femmes et les minorités.
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Il y a quelques semaines, des milliers de personnes ont fui Fort McMurray pour échapper aux feux de forêt. Les manchettes sont depuis passées à autre chose, mais l'incendie fait toujours rage. Comme d'habitude, nos voisins du Sud nous prêtent main-forte pour atténuer une catastrophe naturelle exceptionnelle. Mis à part la relation bilatérale avec l'allié états-unien, les Canadiens ne sont pas habitués à recevoir de l'aide internationale.

Source: compte Twitter d'AirCanada

Le contingent de 300 pompiers africains qui a atterri à Edmonton cette fin de semaine pour donner un coup de main aux pompiers canadiens en a fait sourciller plus d'un. Trois cents, ce sont 100 pompiers de plus que les États-Unis nous ont envoyés pour lutter contre le feu de foret historique.

À l'heure actuelle, 2 267 pompiers œuvrent en Alberta, ou vont y arriver sous peu. Plus de 300 de ces pompiers proviennent d'autres provinces. Presque 500 viennent de l'extérieur du Canada (298 pompiers en provenance d'Afrique du Sud et 199 des États-Unis). Ils ont à leur disposition 95 hélicoptères, 263 pièces d'équipement lourd et 24 avions-citernes. [source]

Selon le correspondant du Globe and Mail pour l'Afrique Geoffrey York, la raison d'être de cet acte généreux va comme suit: «L'Afrique du Sud veut remercier le peuple canadien pour son soutien à la lutte anti-apartheid». Ce raisonnement fait fi des relations tendues entre le Canada et le parti de Mandela, l'ANC, au cours de la dernière décennie.

L'explication la plus plausible est que l'initiative d'aide à Fort McMurray soit une «stratégie pour changer la vie des jeunes sud-africains sans emploi. Les jeunes chômeurs ont été recrutés par Working on Fire», un organisme financé par le gouvernement. WOF a formé quelques 5 000 pompiers afin de desservir 200 casernes à travers l'Afrique du Sud.

Cette épreuve albertaine s'inscrira sûrement au CV des braves participants. On peut imaginer qu'un passage de huit semaines à Fort Mac, quoique pieux et noble, sert aussi de tremplin de carrière. C'est un stratagème gagnant pour tout un chacun.

La norme: l'envoi d'aide à l'Afrique

Le Canadian International Development Platform estime que le Canada a transmis 2milliards de dollars d'aide internationale vers l'Afrique (2014), soit environ 64 $ par citoyen canadien.

De nombreux travailleurs humanitaires et de leaders du développement international ont entamé leur carrière en Afrique, en Haïti ou en Amérique du Sud. Ils passent quelques mois à découvrir des cultures étrangères et à s'approprier les arts tiers-mondistes de la débrouillardise et de l'ingéniosité, tout en contribuant à un projet de développent quelconque. Au-delà du complexe «white saviour,» par lequel les Occidentaux camouflent à peine leur égocentrisme par un semblant de bienveillance, les travailleurs humanitaires gagnent souvent un bon salaire et meublent leur CV avec des affectations «difficiles».

L'efficacité du volontourisme et de l'«aide» fournie par l'Occident aux pays en voie de développement est suscite le débat. Quoi qu'il en soit, les sangsues parviennent à tirer profit des crises environnementales et humanitaires. Généralement, ceux pour lesquels l'aide est destinée n'en sont pas les principaux bénéficiaires.

Heureusement, quand l'aide internationale traverse l'Atlantique, de l'Afrique vers le Canada, il semble que tous les partis sont gagnants.

La norme: les pompiers blancs de sexe masculin

Tant aux États-Unis qu'au Canada, les casernes ne reflètent pas la diversité du peuple. Cette carrière convoitée était souvent réservée aux hommes blancs, malgré la disponibilité d'autres candidats qualifiés. Depuis 1983, le pourcentage de pompiers noirs aux États-Unis oscille autour de 7 à 10 %. De New York à Chicago en passant par Los Angeles, les services d'incendie éprouvent des difficultés à recruter et à retenir du personnel qualifié à peau basanée.

Le Canada ne tient toujours pas de statistiques raciales (le lieu de naissance, le sexe, la langue parlée à la maison sont les baromètres de progrès social privilégiés), mais nous savons que la Ville de Montréal compte 9 pompiers noirs sur environ 2 400, et quelque 20 membres des minorités visibles. Ça représente moins de 1 % du personnel.

Le chef des pompiers de Toronto estime que la proportion des minorités visibles dans le syndicat s'élève à 2 %. La moitié des habitants de Toronto sont pourtant des minorités visibles. Le chef du service d'incendie de Halifax a dû présenter ses excuses pour les multiples instances de racisme dans son département en 2013. La Ville de Vancouver refuse elle de faire ce bilan de diversité. Leur plan dérisoire pour adresser l'éventuel écart repose sur le suivi de la diversité chez les futurs postulants.

Les minorités visibles sont sous-représentées dans les casernes dl'Amérique du Nord. Si bien que l'arrivée des 300 Africains irait jusqu'à tripler le pourcentage de diversité des pompiers en sol canadien.

Pompier au féminin : le prochain échelon

Moins de 4 % des pompiers américains sont des femmes. C'est d'autant plus curieux, puisque près de la moitié des postulants féminins passent les tests d'aptitude physique, selon une étude. En 2007, plus de la moitié des services d'incendie états-uniens n'avaient jamais embauché une femme comme pompier.

Montréal compte de 32 femmes pompiers (1%). Toronto en avait 67 en 2013 (2%). C'est la même histoire à Vancouver, Ottawa, Edmonton, etc. Sur 22 000 pompiers professionnels au Canada, pas plus de 3% sont des femmes.

En revanche, des 300 membres de la délégation sud-africaine, plus de 60 sont des femmes. Working on Fire a révélé au Huffington Post que 21% du contingent à Fort McMurray sont de sexe féminin. C'est sept fois la moyenne nord-américaine!

L'Afrique du Sud: chef de file

Pendant que l'Alberta passe un mauvais quart d'heure, l'Afrique du Sud lui prête main-forte. L'aide internationale nous vient sous forme de main-d'œuvre, mais aussi dans le rehaussement des baromètres de progrès social pour les femmes et les minorités. Les Occidentaux discréditent souvent les Africains comme en les jugeant «tous à l'envers» et «arriérés». Ne serait-ce pas plutôt l'Occident qui traîne de la patte? Working on Fire nous prouve que l'Afrique a des leçons à nous offrir. Si seulement on a l'esprit assez large pour les recevoir.

Retrouvez le lien du billet de blogue en anglais sur le site du Huffington Post Canada.

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