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Cartoon Connection: la tempête Netflix

Plusieurs producteurs feront bien sûr la file pour obtenir une part du gâteau. Gâteau dont la recette sera concoctée par Netflix.
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Organisé par Louis Leclerc, le Cartoon Connection 2017 est en passe de devenir l'un des plus importants du genre en Amérique du Nord.
Maryse Nobréga pour la Commune Web
Organisé par Louis Leclerc, le Cartoon Connection 2017 est en passe de devenir l'un des plus importants du genre en Amérique du Nord.

Le Cartoon Connection 2017 battait son plein à Québec la semaine dernière. Organisé par Louis Leclerc, l'évènement est en passe de devenir l'un des plus importants du genre en Amérique du Nord. Plus de 500 intervenants du merveilleux monde de l'animation s'y sont réunis pour échanger sur les dernières tendances qui bouleverseront leur industrie, comme ça semble être à la mode dans TOUTES les industries: Uber, AirBnB, Apple, Tesla et Netflix, s'affairent à rebrasser les cartes... et ça brasse ben du monde au passage.

Comment résister? Faut-il résister? Est-ce même possible de résister?

Parmi les invités prestigieux du Cartoon, les représentants de chaînes de télévision européennes telles que France-Télévision, la BBC et la RAI d'Italie nous ont tous fait part, avec fierté, de leur transition réussie vers le merveilleux monde du numérique. On le sait, les enfants modernes sont de plus en plus nombreux à délaisser la télévision traditionnelle pour se tourner vers le web. Cette plateforme a d'ailleurs obtenu de meilleures « cotes d'écoute » que la télé pour la première fois de l'histoire, l'année dernière , en Angleterre.

Essayez pour voir de leur parler d'un minimum de contenu francophone: « Vous avez dit what? ».

Toutes les stations européennes présentes à Québec nous ont affirmé être numéro un auprès des enfants dans leurs marchés respectifs. Malheureusement, on se prend à douter qu'il en soit de même pour les petits Français et les petits Italiens dans cinq ans. Les géants américains du web sont en marche et fourbissent leurs armes pour s'emparer du précieux marché de l'enfance. Un marché qui laisse des traces! Google (YouTube), Amazon et Netflix sont à mettre sur pied des « channels », à grands coups de millions, pour tenter d'accaparer la part du lion. Et cela, en toute impunité à l'égard du non-respect par eux des réglementations fiscales et culturelles nationales. Essayez pour voir de leur parler d'un minimum de contenu francophone: « Vous avez dit what? ». Parlons-leur de payer leurs taxes comme tout le monde: « You said quoi? ».

Le gouvernement canadien, en énonçant sa politique culturelle, nous a expliqué, sublime « Art of the Deal », que son « incapacité » à taxer Netflix lui avait permis d'obtenir 500$ millions de dollars en retour. Tout le monde en parlait au Cartoon; de l'Australie qui a réussi à collecter ses taxes; de l'iniquité fiscale qui pénalise les opérateurs locaux; de l'opportunité que représente une telle cagnotte.

Lorsque je lui ai demandé si le deal Netflix représentait une menace ou une opportunité pour son industrie, le grand gourou de l'animation canadienne Michael Hirsh, m'a répondu: « Every time we get more money, it represents an opportunity. » Opportunité Netflix? L'avenir nous le dira...

Pour Michael Hirsh, l'animation est en passe de devenir LA forme de divertissement la plus percutante qui soit. Auparavant, les dessins animés étaient confinés au samedi matin et s'occupaient des enfants pendant que leur parents pouvaient faire bon usage de leurs quelques heures de répit au lit. Il y avait très peu de postes de télé et les séries comme les Pierrafeux (The Flinstones) visaient de larges publics. L'avènement de la large bande a changé la donne. On accède maintenant à nos petits comics (et les petits comics ont accès à nos enfants!) sur toutes les plateformes et à toute heure. C'est l'ère du « unlimited shelf space » et des marchés hyperciblés. Et puisque l'Internet n'est pas réglementé, le contenu qui s'y diffuse ne subit pas de contraintes non plus. Ce sont les entreprises qui disposeront des poches les plus profondes, telles Netflix et Amazon, qui décideront de « l'ogre du jour »!

Sans garantie minimale d'investissement en langue française, la cagnotte Netflix aura beau jeu de se déployer à sa guise tant pour la programmation généraliste que pour celle s'adressant aux touts petits.

Dans de telles conditions, rien ne nous garantit que ce seront des Sol et Gobelet ou des Cornemuse qui frapperont l'imaginaire des petits Québécois de demain; que ce seront de ces belles moutures de notre culture dont ils se rappelleront avec délice, lorsque la nostalgie s'emparera d'eux une fois adultes. Sans garantie minimale d'investissement en langue française, la cagnotte Netflix aura beau jeu de se déployer à sa guise tant pour la programmation généraliste que pour celle s'adressant aux touts petits. La loi du marché, c'est la loi de la jungle.

Plusieurs producteurs feront bien sûr la file pour obtenir une part du gâteau. Gâteau dont la recette sera concoctée par Netflix.

À l'heure où Denis Villeneuve émerveille la planète, il serait dommage de se faire servir tellement de Frozen qu'en résulterait, paradoxalement, le début d'un long hiver culturel québécois.

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