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Analyse de la première semaine de campagne

La surprise n'est pas venue du camp péquiste, ce « gouvernement en attente » vers qui l'on devrait normalement se tourner, mais bien de la jeune équipe de la CAQ, pourtant moins en moyen financièrement et disposant d'une organisation de loin inférieure à celle de ses adversaires libéraux et péquistes.
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CP

Le premier ministre détient, dans notre système parlementaire, des pouvoirs quasi-monarchiques, que d'aucuns diraient absolus. Non seulement il nomme le conseil des ministres (ce que vient d'apprendre Jacques Duchesneau), mais il contrôle également le calendrier parlementaire. Il peut à loisir, quand l'intérêt immédiat de sa formation politique le commande, écourter le calendrier du parlement (tactique déjà utilisée par Stephen Harper), quand ce n'est pas dissoudre la chambre et plonger le pays - ou la province - en élections générales. Il s'agit en somme d'un avantage incomparable et injuste par rapport à ses adversaires politiques qui doivent composer avec la tergiversation du chef du gouvernement. Tout ceci pour dire que puisqu'il détient le pouvoir de demander la dissolution du parlement, Jean Charest aurait dû être à même, également, de contrôler, durant les premiers jours de campagne, l'agenda politique électoral. Puisqu'il détenait l'initiative de l'attaque, il aurait dû pouvoir imposer le thème de la première semaine de campagne : la rue et l'économie, ou les référendums et le désordre social. Remarquez, il a bien tenté de le faire. Or, François Legault et Pauline Marois (indirectement), se sont montrés plus habiles à marteler leur propre thème de campagne et à l'imposer à l'agenda de cette première semaine de campagne.

Legault gagne la première manche

La surprise n'est pas venue du camp péquiste, ce « gouvernement en attente » vers qui l'on devrait normalement se tourner, mais bien de la jeune équipe de la CAQ, pourtant moins en moyen financièrement et disposant d'une organisation de loin inférieure à celle de ses adversaires libéraux et péquistes. Alors que Pauline Marois a brûlé toutes ses cartouches avant même le déclenchement des élections en lançant à la volée les noms de ses candidats « vedettes », elle s'est retrouvée à court de munitions lorsqu'est venu le temps de reprendre l'initiative devant un François Legault qui a su, très habilement, monopoliser l'attention médiatique pendant près de cinq jours avec les candidatures de Gaétan Barrette et de Jacques Duchesneau. Alors que la cheffe péquiste démarrait sa campagne sur le thème de l'éducation, Legault réussissait à imposer celui de l'éthique et de la transparence politique, en cela renforcé par la candidature de Duchesneau (qui n'a pas fini de lui réserver des surprises) qui a complètement occulté le pow-wow électoral du PQ dans Gouin. Il fallait voir les ténors péquistes hier tenter de réchauffer une histoire de collusion présumée vieille de quatre ans pour mesurer que sur ce coup, Legault venait de prendre un sérieux avantage...

Ainsi, si la première semaine de campagne aura été à l'avantage des deux principaux chefs de l'opposition, c'est en grande partie en raison de l'habilité tactique de l'équipe caquiste qui aura permis au PQ de faire du millage, à sa suite, sur le thème de la corruption. Jean Charest quant à lui semble complètement déphasé. Non seulement sa campagne est-elle visuellement monotone (il faut voir le site Internet plus que rudimentaire du PLQ), mais elle peine à mettre de l'avant des projets électoralement emballants. Faire campagne sur le report de la retraite et la hausse des frais de garderie est tout sauf une stratégie à même de soulever l'enthousiasme des électeurs québécois. Si le premier ministre peut espérer tabler sur une division du vote francophone, il devrait cependant se méfier de transferts de voix vers la CAQ qui pourrait se révéler de plus en plus attrayante pour les fédéralistes repoussés par les relents de corruption émanant du gouvernement. Son appel à la mobilisation de l'électorat anglophone, et ce en plein début de campagne, était à ce titre éloquent. Jean Charest nous a démontré par le passé qu'il avait plusieurs vies : à lui de nous prouver que le batailleur de 2003 et de 2008 est de retour car à ce rythme, on peine à croire qu'il pourra sortir victorieux de la course...

Un mot enfin sur Québec solidaire qui mène une campagne plus qu'efficace du point de vue communication. Avec des moyens ridiculement peu élevés par rapport aux grands partis politiques, la formation de Françoise David et Amir Khadir a réussi à mettre en ligne un site Web au graphisme irréprochable, en plus d'une plate-forme qui s'amuse à tourner en ridicule les attaques des autres formations contre le jeune parti de gauche. À ce niveau, QS a réussi à mobiliser une équipe de communication aux idées neuves, dynamiques, qui devrait faire rougir les responsables du PLQ ou du PQ, les péquistes ayant accouché de ce concept surréaliste de « Pauline web télé » sur fond de couleurs new age, comme le rapportait Marc Cassivi ce matin. Le véritable test de Québec solidaire sera cependant leur participation au débat des chefs : ce sera un point tournant pour eux s'ils réussissent à demeurer positivement au-dessus de la mêlée et à démontrer que leurs idées sont non seulement claires, mais surtout réalisables. Jamais ils n'auront eu une telle exposition médiatique que celle que leur conférera ce débat. D'ici là, ils doivent impérativement continuer de mettre sur la table leurs idées, sans embarquer dans la valse sur la corruption des trois autres partis. Le positif, sur le long terme, peut s'avérer payant. Parlez-en au NPD.

Ainsi, si la première semaine aura été celle de François Legault et de la CAQ qui ont démontré qu'ils sont toujours dans la course, la seconde semaine qui s'ouvrira demain devrait être celle du PQ et du PLQ qui doivent impérativement reprendre l'initiative, sans chercher à prendre de front leur adversaire caquiste, ce qui ne manquerait pas de lui conférer une aura de challenger sérieux. Attendez-vous à ce que le thème de la défense de la nation revienne du dans la bouche de Pauline Marois, alors que le PLQ voudra sans doute revenir sur le terrain de l'économie. Les stratèges libéraux et péquistes ont une douzaine de jours, avant le débat des chefs, pour démontrer leur habileté tactique, eux qui ont été coiffés au poteau dans les premiers jours de la campagne ...

Citations de la première semaine de campagne:

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