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Richesse, gratuité et compassion

Les riches et les pauvres ont quelque chose en commun : la gratuité. La richesse comme la compassion sont offertes gratuitement.
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«Il n'y a rien de gratuit.» «There's no free lunch.»

Voilà deux expressions véhiculées par les libéraux, les conservateurs, les libertariens et d'autres personnages désagréables. Je l'entends souvent. Il faut croire que je fréquente trop ces gens-là! Elle me tombe sur les nerfs et j'ai bien envie de lui faire passer un mauvais quart d'heure.

Le système capitaliste est dominant à peu près partout dans le monde, même en Chine dite communiste et, bientôt, à Cuba, sur la lune et sur Mars. Il est essentiellement basé sur le profit. Or il n'y a pas plus gratuit que le profit.

Le profit est la différence entre les revenus et les dépenses.

Pour un organisme sans but lucratif comme les gouvernements ou les œuvres caritatives, quand les revenus excèdent les dépenses, il y a un surplus. Présentement, c'est le contraire à Québec. Nous sommes en déficit parce que les dépenses gouvernementales sont plus élevées que les revenus. Messieurs Philippe Couillard et Martin Coiteux haïssent ce déficit pour s'en confesser et veulent s'en débarrasser au plus sacrant, quitte à faire suer tout le monde hormis leurs amis les plus chers... Je n'aime pas les déficits non plus. Je pense aussi qu'on doit les effacer, mais il y a la manière. J'en parlerai peut-être dans un autre billet.

Revenons à notre sujet.

Pour un organisme à but lucratif comme, par exemple, Bombardier ou le dépanneur du coin, un surplus est un profit.

Comment les revenus excèdent-ils les dépenses dans toute bonne entreprise capitaliste? Le produit ou le service est vendu plus cher que son coût de production. S'il était vendu à son coût réel, il n'y aurait ni profit ni perte. Mais une personne qui part en affaires ambitionne de devenir riche. Il n'y a pas trente-six solutions : il faut que les revenus soient supérieurs aux dépenses.

Comment un entrepreneur réussit-il à vendre plus cher que son coût de production? Il peut demander aux employés d'accepter une rémunération trop basse par rapport à la valeur du produit ou du service. C'est comme cela presque partout. Sinon, il doit convaincre les acheteurs de payer plus cher que la valeur réelle du produit ou du service. Dans l'un ou l'autre cas, il y a gratuité. Si les employés ne sont pas rémunérés à leur juste valeur, cela signifie qu'ils travaillent gratuitement pendant une partie de leurs heures. Si les acheteurs acceptent de payer plus cher que le coût de production, la différence est une gratuité versée au vendeur.

J'entends vos objections : «Le vendeur a le droit de vivre! Comment ferait-il sans profits?»

On n'a pas besoin de profits pour vivre. On a juste besoin des revenus nécessaires pour échanger des produits et des services avec d'autres humains. Le vendeur a droit à une juste rémunération. Cela doit se refléter dans le prix de vente du produit ou du service. Il y a profit quand on va chercher plus que nécessaire. Il y a profit quand la différence entre les revenus et les dépenses permet d'accumuler du capital, c'est-à-dire de s'enrichir.

Pour les tenants du libéralisme, chaque être humain possède des droits naturels et inviolables. La liberté individuelle est un droit naturel. Nul ne peut la contraindre. Par conséquent, nul ne peut s'attaquer à un individu ou à sa propriété.

Ils considèrent la solidarité sociale comme un faux droit. Les régimes publics de pension, la réglementation du salaire minimum, l'aide sociale, l'assurance-chômage, les congés parentaux et les services de garde à rabais sont contraignants. Ils ne devraient pas exister puisqu'ils s'attaquent aux individus et à leur propriété. Le libéralisme souhaite les remplacer par des œuvres charitables fondées sur une coopération libre et volontaire entre individus.

Prenons comme exemple les employés de Walmart, qualifiés d'associés par la compagnie. La plupart sont payés au salaire minimum. Ils seraient probablement payés moins cher si la compagnie n'était pas contrainte. Ce salaire est insuffisant. Beaucoup d'associés ont recours à des programmes d'aide sociale pour joindre les deux bouts.

Or, Walmart fait des profits au point où leurs propriétaires, les Walton, sont plusieurs fois multimilliardaires. Ça ne peut pas être parce qu'ils vendent trop cher : ils n'ont de cesse de nous répéter que nous profitons de «chutes de prix» à tout casser! C'est en demandant à leurs associés d'accepter une rémunération frugale que les Walton sont devenus hyperriches. Selon le libéralisme, tout cela se fait sans contrainte. C'est le fruit d'une coopération libre entre associés. Si c'est vrai, les employés de Walmart donnent gratuitement beaucoup d'heures de travail aux Walton. S'ils étaient correctement rémunérés, les Walton accumuleraient du capital moins rapidement.

À l'inverse, les compagnies de haute technologie (Microsoft, Google, Apple et tutti quanti) ne demandent pas à leurs employés spécialisés de sacrifier une partie de leur salaire. Cela durera aussi longtemps que les consommateurs accepteront de payer trop cher pour leurs produits et services. Encore une fois, tout cela sans contrainte du point de vue de la doctrine libérale.

Qu'il soit offert par des employés ou des acheteurs, le gratuit seul est capitalisable. Tout le système capitaliste est essentiellement basé là-dessus. L'accumulation de capital est l'accumulation de gratuités. Conséquemment, ce n'est pas en travaillant qu'on s'enrichit, c'est en accumulant des gratuités. On devient riche gratuitement, pour ainsi dire.

Il n'y a pas de lien direct entre être riche et avoir travaillé. S'il fallait travailler pour devenir riche, beaucoup de pauvres seraient millionnaires et beaucoup de millionnaires seraient dans la dèche... Pour citer Yvon Deschamps, arrêtez de dire : « J'ai travaillé pour être qu'est-ce que chus! »

Les riches et les pauvres ont quelque chose en commun : la gratuité. La richesse comme la compassion sont offertes gratuitement.

Monsieur Martin Coiteux, comme la plupart des riches, n'aime pas la solidarité parce que c'est contraignant et ça coûte des sous. Il préfère la compassion qui est libre, volontaire et déductible d'impôt. C'est une manière de gagner son ciel à rabais, si je peux me permettre...

Voici la différence entre solidarité et compassion :

Plus on est fortuné, moins on est solidaire et plus on veut se montrer compatissant. Quand on est infortuné, la solidarité devient un outil de survie. La compassion n'a pas de sens quand on croupit au bas de l'échelle. De qui aurait-on pitié quand on ne voit personne plus bas que soi?

Avez-vous remarqué que solidarité et compassion sont diamétralement opposées, mais qu'elles se croisent au milieu? Voilà de quoi réfléchir.

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