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La colère qui porte Sanders n'est pas raciste, pas xénophobe, pas sexiste ni homophobe mais elle semble se nourrir aux mêmes sources que celle qui anime une grande partie des soutiens de Trump, le déclassement.
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L'expression, "révolte des gueux", renvoie tout d'abord à une révolte religieuse aux Pays-Bas au 16e siècle cependant ici je souhaiterais plutôt renvoyer au Beggar's opera de John Gay (L'Opéra du gueux) adapté par Brecht dans son Opéra de Quat' sous ou encore au film d'Ettore Scola Affreux, sales et méchants. Ces artistes renvoient à une analyse sociologique des effets de la misère sur les exclus.

La révolte politique des gueux est ce qui explique la montée politique d'un personnage comme Trump aux Etats-Unis.

Le quasi-fascisme du bouffon médiatique Trump a été dénoncé par tous les médias et est bien connu. Racisme, xénophobie, sexisme, mensonges et approximations sont connus, Ils font la joie des médias qui assurent leur une avec les abjections du bouffon tout en les dénonçant avec ravissement. Le président de CBS, Les Moonves, a même déclaré que le cirque de Trump "n'était peut-être pas bon pour l'Amérique mais que c'était vachement bon pour CBS".

L'artiste Illma Gore a décidé de capitaliser sur l'abjection de Trump en composant un tableau supposé représenter Trump tout nu avec un tout petit sexe. La dénonciation de l'abjection devient objet commercial et est elle même abjecte. L'artiste espère tirer un million de livres de son œuvre.

On répète à l'envi que ceux qui votent pour Trump sont des hommes blancs en colère qui ont peur du déclassement. Ceci est assez juste, même si Trump a aussi des supporters parmi certaines minorités et chez certaines femmes en dépit de sa misogynie notoire. Il ne fait donc aucun doute que ce personnage est abject et dangereux pourtant la question centrale est de savoir pourquoi soudain le parti républicain et la scène médiatique américaine ont accouché d'un tel bouffon.

Les supporters de Trump, selon le centre de recherche PEW, qui fait autorité aux États-Unis, sont majoritairement opposés aux accords dits de libéralisation du commerce, traité TPP, par exemple. En cela ils sont d'accord avec Sanders et ses partisans. Dans les médias dominants cela suffit à qualifier Sanders et Trump de populistes, en gommant les énormes différences entre les positions des candidats puisque Sanders, qui se dit socialiste, est en fait un rooseveltien en faveur d'une forme de social-démocratie à la scandinave.

Des électeurs des primaires républicaines choisissent un candidat quasi-fasciste mais leur déclassement est une réalité. L'histoire de la montée des extrêmes droites est remplie d'exemples de ce genre. Les exclus du système, rejettent les institutions et discours dominants et s'en remettent souvent à des hommes dits forts. Le danger est bien réel mais tenter de le conjurer par des discours moraux ou psychothérapeutiques est une impasse. Les gueux sont affreux, sales et méchants mais qui donc a créé la misère qui explique leur comportement?

L'establishment qui dénonce Trump aujourd'hui et qui inclut les ultraréactionnaires de Fox News a créé les conditions d'émergence du bouffon qui est leur Frankenstein. Soutenir Cruz, le quasi-facho au langage légèrement plus policé que Trump le bouffon quasi-facho et vulgaire, est une mauvaise farce que le GOP cherche à vendre actuellement. Ceux qui le dénoncent en espérant faire leur beurre grâce à son abjection sont infâmes et tout aussi dangereux. Chantal Mouffe, évoquant un phénomène semblable pour la France, c'est à dire la montée du FN déclare:

"Ce n'est pas à coups de condamnations morales ou de raisonnements rationnels qu'on va lutter contre Marine Le Pen. Spinoza a exprimé quelque chose de fondamental en expliquant que, pour lutter contre une passion, il fallait développer une passion plus forte, et non pas se contenter d'argumenter. L'urgence est de créer des identifications collectives et affectives autour d'un projet progressiste."

La colère qui gronde aux États-Unis prend une voie dangereuse qui conduit des désastres du néo-libéralisme au quasi-fascisme et Trump fait bien évidemment partie du problème plutôt que de la solution. On attend les mea culpa des néolibéraux, des cachottiers du Panama ou des créateurs de misère et d'inégalité alors qu'il y a un consensus dans la dénonciation du symptôme afin de ne pas voir où est la maladie. Ceux qui sèment le vent ne veulent pas récolter la tempête, ceux qui produisent des gueux s'exonèrent et dénoncent leur vil Frankenstein.

Aux États-Unis Sanders correspond très exactement à ce que Chantal Mouffe appelle de ses vœux: "un populisme de gauche". Pour elle, le terme "populiste" n'est pas un repoussoir.

La colère des jeunes Américains, pas tous blancs comme s'efforce de faire croire la propagande est la source principale du succès de Sanders mais aussi la colère des cols bleus. On peut lire l'entretien qu'il a accordé à Spike Lee qui lui apporte son soutien.

La colère qui porte Sanders n'est pas raciste, pas xénophobe, pas sexiste ni homophobe mais elle semble se nourrir aux mêmes sources que celle qui anime une grande partie des soutiens de Trump, le déclassement. Pour les étudiants, les emprunts qu'ils ont dû faire pour leurs études et la dette qui pèse sur eux sont un facteur mobilisateur. Ce qui s'appelle la montée de l'inégalité est en fait une dégradation de tous les services publics et une baisse continue de niveau de vie pour l'immense majorité des Américains.

Aux déclassés Trump offre l'illusion fasciste, la voie de la violence contre l'altérité et la tentation criminelle. Aux Américains touchés par la paupérisation rampante et le déclin des classes moyennes Sanders offre une remobilisation citoyenne, une attention à l'environnement et la taxation des ultra-riches, ceux là mêmes qui fuient l'impôt et la responsabilité sociale. En d'autres termes, la révolte des gueux peut prendre des formes fort différentes. Le "populisme de gauche" est la ré-invention de la démocratie.

Ce que l'establishment américain ne semble pas comprendre, c'est que se rassembler autour de la candidature d'Hillary Clinton, la candidate de Wall Street, de Wal-Mart, de Netanyahou et de l'Etat profond, donc du business as usual, ne gommera pas la colère dont les racines sont socio-économiques. La tentation des exclus de s'en remettre au pire et à un personnage fascitoïde ne peut disparaître que si une passion progressiste prend la place du discours habituel de la caste au pouvoir, qu'elle se dise démocrate ou républicaine.

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