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Le dernier billet de Bruno Massé sur leest cinglant, accusateur, dénonciateur, mais, surtout, il n'est ni nouveau, ni original. Ce blogue est le chapitre le plus récent aux cinquante dernières années de diabolisation de la droite et du conservatisme. Ces dernières ne sont pas pareilles quoiqu'en pense l'auteur de. Mais ce qui frappe le plus dans ce billet c'est à quel point Massé utilise l'objectivité de la science pour en faire un argument moral qui à comme objectif d'exclure une pensée politique et philosophique du débat public.
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Le dernier billet de Bruno Massé sur le Huffington Post Québec est cinglant, accusateur, dénonciateur, mais, surtout, il n'est ni nouveau, ni original. Ce blogue est le chapitre le plus récent des 50 dernières années de diabolisation de la droite et du conservatisme. Quoiqu'en pense l'auteur de La psychologie des conservateurs, la droite et le conservatisme ne sont pas pareils. Mais ce qui frappe le plus dans ce billet, c'est à quel point Massé utilise l'objectivité de la science pour en faire un argument moral dont l'objectif est d'exclure une pensée politique et philosophique du débat public. Pire, Massé en finit par définir toute pensée conservatrice comme une "pathologie". En gros il se transforme en Sigmund Freud qui ferait la psychanalyse du conservatisme.

On pourrait s'en prendre à chacun des sept arguments ou « caractéristiques » qui devraient nous convaincre du déséquilibre mental de toute personne qui ne s'inscrit pas dans le mouvement écologiste, progressiste, féministe, etc. Mais cela reviendrait à jouer le jeu de l'auteur et, surtout, ça ne toucherait pas au cœur du problème. Ce qui vaut la peine de dénoncer et de dévoiler par contre, c'est que Massé, consciemment ou non, n'a rien d'objectif dans son utilisation d'une étude après l'autre et de sa présentation « objective ».

Au contraire, il faudrait comprendre à quel point la gauche des « ismes » serait moralement supérieure après avoir lu le billet en question, car la science le prouverait. Comme Massé le dit de ceux qui voudraient prouver par les mêmes moyens « scientifiques » que la gauche possède aussi la marque du diable: « Il n'y a pas de données à ce sujet. »

On voit ou l'empirisme de Massé cache une joute de pouvoir, un ring ou la gauche doit finalement mettre la droite K.O. comme Appolo Creed devant Ivan Drago. Faut-il rappeler que Creed meurt devant Drago dans Rocky IV? L'analogie semble simpliste, mais elle dépasse celle de l'empire capitaliste américain mis à mort par l'empire soviétique, elle démontre aussi la volonté de mettre le conservatisme au tapis, pour qu'elle ne se relève jamais.

C'est là que la pensée derrière le billet de Massé se situe et se joue. Ce dernier utilise « des faits » qui doivent être considérés comme objectifs, mais comme le sociologue et philosophe Jürgen Habermas le démontre, cela cache une raison instrumentale, « une raison pour qui le monde est exclusivement un objet de manipulations techniques et la nature ( y compris la nature humaine) un objet au service de buts et d'intérêts subjectifs.»

En effet, le discours de Bruno Massé basé sur une science objective semble oublier « qu'il n'y pas de fait, que des interprétations» comme nous dit le philosophe Friedrich Nietzsche. Donc l'objectivité dont Massé et la gauche (si on en déduit correctement à partir du texte) se réclament n'est en fait qu'interprétations, qui est la plupart du temps sujette à la subjectivité.

La question n'est pas récente. Les chercheurs Donald Schön et Martin Reid se posaient la question cruciale concernant les « données » et leurs supposées vérités : « Trop de théories sont consistantes avec le même ensemble de faits ». Schön et Reid avaient bien vu que les « faits » ne disent absolument rien, sauf ce qu'on veut bien leur faire dire, car les mêmes faits mènent à de différentes analyses et interprétations. Toutes ces études dont Massé se réclame ne sont non seulement discutables au niveau de la méthodologie, mais elles sont aussi discutables au niveau de l'interprétation.

Il y a un côté de la science que Bruno Massé ne veut pas voir: celui où la science est non seulement imparfaite, mais elle avance grâce à cet aspect imparfait, car elle se remet en question constamment et demande un esprit des plus critiques pour justement éviter de tomber dans le dogme. Ironiquement, Massé trahit la science dans son aspect le plus fondamental philosophiquement en l'acceptant comme « vérité », ce qu'elle n'est pas, et ne demande pas à être. De plus, Massé accuse le conservatisme et ses adeptes de manque de jugement critique et d'hypocrisie. L'écran de fumée qui masque la volonté d'éliminer le conservatisme et sa pensée par des « faits » ne s'arrête pas là par contre.

Habermas explore le phénomène moderne de croire la science comme étant morale au travers des écrits des philosophes et sociologues Friedrich Nietzsche, Max Horkheimer et Theodor W. Adorno. Ces derniers démontrent ce que cache le discours de Massé :

« Derrière les idéaux d'objectivité et de vérité...derrière les idéaux ascétiques et les réclamations normatives et une morale universelle, se cachent des impératifs de préservation de soi-même et de domination. »

Voilà l'essence même non seulement du billet de Bruno Massé, mais d'un discours qui cherche à dominer tout espace discursif ou une opinion contraire au conformisme que demandent trop souvent les héritiers de mai 68.

Ce ne sont pas les conservateurs, au sens philosophique ou politique, qui devraient se sentir visés par contre, ce sont tous les citoyens. Car ce que la domination dissimulée entre les lignes du texte de Massé, qui n'est qu'une continuation d'un discours qui pousse toute pensée conservatrice hors de l'espace public depuis un demi-siècle, c'est un monopole par une vision politique des mots, du discours public, du savoir et finalement de nos esprits.

Si l'on en croit Massé, le conservatisme est une « pathologie », et une pathologie, il faut s'en débarrasser. Après tout, il en vient même à dire que ça serait une condition familiale qui « réprime l'auto-détermination » qui mènerait une personne à être conservateur, comme quoi il ne manque que l'antidote ou la psychothérapie au dérèglement psychologique de ses derniers. Un peu plus et l'état aurait le devoir de placer les enfants venant de telles familles dans des familles progressistes.

Certains chercheurs avaient théorisé que ce qui expliquait la volonté des Russes à accepter des régimes et leaders autoritaires était la conséquence d'une tradition maternelle où on enrobait les bébés de façon trop serrée dans leur tendre enfance. Aujourd'hui, on rit d'une telle explication psychanalytique. Faut-il rire de l'analyse de Massé ?

Non, il ne faut pas rire du texte de Massé, même si son analyse pousse à cela. Il faut y voir la volonté d'une gauche radicale qui se croit investie d'une mission divine et de la légitimité qui s'y attache.

Le conservatisme n'est pas « une résistance au changement et une tolérance pour l'inégalité », ce qui n'est qu'une attaque masquée derrière le nom des chercheurs. Le conservatisme est un réalisme qui protège contre le fanatisme idéologique, contre l'idée de l'utopie et ses ravages quand on y croit. Le conservatisme est un réalisme qui reconnaît que l'homme vient de quelque part et qu'il a non seulement une dette envers ses ancêtres, mais aussi un devoir de préserver une façon de penser, une culture, un héritage pour sa progéniture, quoiqu'en dise Massé.

Finalement, le conservatisme protège contre l'adhérence aveugle au « changement », car le conservateur philosophe sait très bien que sous les promesses et les discours passionnés des utopistes qui nous promettent un futur qui éradiquerait les maux du passé se cachent souvent un totalitarisme comme seul George Orwell peut le décrire. Une société sans conservatisme est une société perdue dans un futur sans avenir.

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