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Le bébé de Kate et William montera-t-il un jour sur le trône?

Un journaliste anglais écrivait à propos du mariage du Prince de Galles et d'Alexandra de Danemark, en 1863, qu'«un mariage princier est la version scintillante d'un fait universel, et, par cela même, il fascine l'humanité». Son propos pourrait tout aussi bien s'adapter à la frénésie médiatique, qui entoure la naissance attendue du royal baby de William et Kate.
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L'économiste et journaliste anglais Walter Bagehot écrivait à propos du mariage du Prince de Galles et d'Alexandra de Danemark, en 1863: "un mariage princier est la version scintillante d'un fait universel, et, par cela même, il fascine l'humanité". Son propos pourrait tout aussi bien s'adapter à la frénésie médiatique qui a entouré la naissance attendue du royal baby de William et Kate. La maternité est bien un "fait universel", mais cette naissance-là fascine bien au-delà de la presse spécialiste des people, catégorie dans laquelle on dit que les membres de la famille royale britannique sont entrés volens nolens il y a maintenant une bonne vingtaine d'années.

2012-2013, un cycle "faste" de la monarchie anglaise

La période 2002-2013 constitue un cycle "faste" dans l'histoire de la monarchie britannique, ouvert avec la célébration du Jubilé d'Or de la reine Elisabeth II et se poursuivant jusqu'à cette naissance. On pourrait même dire, si l'on ne craignait pas d'être incompris, que les obsèques de la reine-mère, en avril 2002, ont amorcé ce cycle: ce que les bons esprits avaient qualifié à l'avance comme un "non-événement", 5 ans à peine après les funérailles planétaires de Diana, vit un million de personnes se presser le long de l'itinéraire du convoi funéraire. La monarchie avait retrouvé son aura, et les pronostics pessimistes émis dans les années 1990 quant à l'avenir de cette institution étaient déjoués.

La décennie suivante confirma ce retour en grâce auprès de l'opinion: même le mariage du prince Charles avec Camilla Shand (puisque divorcée d'Andrew Parker-Bowles en 1995), en 2005, eut lieu sans manifestation d'hostilité de la part de ses futurs sujets. D'un point de vue purement constitutionnel, les affirmations répétées selon lesquelles il n'est nullement dans ses intentions de porter, le moment venu, le titre de reine, n'ont aucune valeur en l'absence d'une loi ad hoc adoptée par le Parlement britannique qui, depuis 1701, à la haute main sur les questions dynastiques. Les années passant, le souvenir de la princesse Diana s'estompant, et les détails plus complexes de son mariage avec Charles étant progressivement mieux connus, la pertinence d'une telle question diminue d'ailleurs inexorablement.

Le mariage de William Mountbatten-Windsor avec Katherine Middleton en 2011, la célébration du Jubilé de Diamant de la reine Elisabeth II l'année suivante - le premier depuis celui de Victoria en 1897 - et, pour finir, la première naissance de la génération "post-Diana" des Royals, ont permis aux sujets de Sa Majesté de manifester un attachement sincère à la monarchie. Il ne faudrait pas trop s'en étonner: après tout, même aux plus sombres moments des années 1990, aucun sondage d'opinion n'a jamais pu montrer que plus d'une personne interrogée sur quatre voulait en finir avec elle.

Cette réconciliation ne doit d'ailleurs pas grand-chose aux initiatives du Way Ahead Group, sorte de cellule plus ou moins formalisée, née au moment de la mort de Diana dans le but de "projeter" la monarchie "dans le futur", et dont on ne sait pas très bien ce qu'il en est sorti, sauf, peut-être, 15 ans plus tard, la réforme de la règle successorale qui instaure la transmission de la Couronne par primogéniture, qu'elle soit masculine ou féminine. En d'autres termes, si le royal baby est une fille, elle montera un jour sur le trône, même si ses parents donnent ensuite naissance à un garçon - on notera cependant que la nature a précédé les exigences du politically correct, dans la mesure où un tel cas de figure, qui susciterait aujourd'hui une indignation horrifiée, ne s'est pas produit depuis 1841, lorsque la venue au monde d'Albert Edouard, deuxième enfant de Victoria et d'Albert (le futur Edouard VII), fit perdre à Victoria Adelaïde Marie, son aînée de 12 mois à peine, ses droits au trône.

La réconciliation en question est davantage imputable, d'une part, à la longévité d'Elisabeth II (qui est en train de rattraper petit à petit le record de règne établi par sa trisaïeule Victoria et génère mécaniquement un capital de sympathie, et, disons-le, d'admiration, toujours croissant au vu de la conscience qu'elle met, à 87 ans, à l'accomplissement de ses quel que 500 engagements officiels par an) et, d'autre part, au mariage de William en dehors des cercles habituels des Maisons régnantes européennes ou de l'aristocratie du pays.

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La monarchie britannique perdurera-t-elle?

La question, mille fois entendue: "l'enfant de William et Kate règnera-t-il un jour sur la Grande-Bretagne?", a bien sûr une valeur un peu artificielle. Cette éventualité est d'abord chronologiquement lointaine, l'enfant à venir étant numéro 3 dans l'ordre de succession au trône, et elle supposerait autrement une série de drames familiaux, que l'on ne peut évidemment souhaiter. Et l'auteur de ces lignes ne croit guère en une abdication de la reine à moins de 2 ans de remplacer Victoria dans les livres d'histoire.

L'idée même d'abdication étant devenue une anathème chez les Windsor depuis celle d'Edouard VIII en 1936, et encore moins en l'éventualité de voir la Couronne "sauter" une génération pour passer d'Elisabeth II à William. Elle n'est pas une patate chaude que l'on se repasse comme le proverbial Mistigri, il n'y a aucune raison pour que Charles ne veuille pas assumer un jour les fonctions auxquelles il est promis dès sa naissance, ni pour que William ambitionne une telle charge à 31 ans, et, last but not least, on voit mal le Parlement, qui a, comme on l'a dit, le dernier mot en la matière, se lancer dans une telle procédure au moment où le pays doit affronter des problèmes autrement plus graves. Comme on dit dans la langue de Shakespeare, "If it's working, don't fix it". La monarchie "fonctionne" (it's working), elle n'a nul besoin d'être "réparée" (don't fix it). Mieux: aujourd'hui, elle est donc une institution solide et, malgré l'inconfort de son statut de Prince de Galles, jamais précisément défini, le Prince Charles est infiniment mieux préparé à son futur rôle que ne l'avaient été en leur temps Edouard VII (1901-1910), Georges V (1910-1936) et George VI (1936-1952), pour ne citer qu'eux.

On peut se demander en revanche si la monarchie outre-Manche sera toujours "britannique", avec le point d'interrogation se rapportant à l'indépendance de l'Écosse. Quoi qu'il advienne, cela n'empêcherait d'ailleurs pas cette nouvelle entité d'être une monarchie, avec l'union des Couronnes écossaise et anglaise sur la tête d'un Windsor (Victoria était une descendante au 7e degré de Jacques VI Stuart, roi d'Écosse depuis 1567 puis d'Angleterre en 1603), revenant ainsi à la situation qui exista entre 1603 et 1707, date de l'union entre les deux royaumes.

Nous vivons peut-être la concrétisation ultime des analyses, souvent en avance de leur temps, de Bagehot: concrètement, le système politique britannique est "républicain", avec l'importance des élections législatives, expression de la souveraineté populaire, et même - Bagehot ne l'avait point anticipé - quasi-présidentiel, au vu de la concentration sans pareille de l'exécutif entre les mains du premier ministre au cours des trois dernières décennies. Pourtant la monarchie joue toujours son rôle de référent, dépourvu, de fait, de tout pouvoir effectif (efficient), mais dont le rôle honorifique (honoured) a depuis longtemps survécu à celui de la Chambre des Lords. Bien sûr, la mystique monarchiste a évolué, et il semblerait que les sujets de Sa Majesté préférassent que les projecteurs soient pleinement braqués sur tout ou partie des Royals (la génération plus ancienne est à l'évidence épargnée par cette demande). Mais il n'en demeure pas moins que la naissance du royal baby - dût-on le regretter - suscite plus d'intérêt, et d'un public socialement plus diversifié, que le résultat des tractations pour former le coalition government en 2010.

Philippe Chassaigne est l'auteur de Histoire de l'Angleterre, Flammarion, coll. Champs, 2008 et de Londres, la ville-monde, avec M.-C. Esposito, Vendémiaire, 2013.

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