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Stratégie maritime: évitons les eaux troubles

On ne peut pas faire abstraction de l'écosystème dans lequel se déploie la Stratégie maritime.
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La Stratégie maritime, important chantier en devenir du gouvernement québécois, connaît jusqu'à présent des débuts qui rappellent ceux de l'autre important chantier, le Plan Nord : grandes lignes dévoilées devant une assistance de gens d'affaires à des mois de la publication officielle; tournée de promotion à l'étranger; prévision de milliers d'emplois et de millions de retombées; et enfin, inquiétudes environnementales dès les premiers discours, compte tenu de leur saveur résolument économique et industrielle.

Dans le cas du Plan Nord, plusieurs préoccupations environnementales subsistent. On n'a qu'à penser au développement potentiel de la filière uranifère, ou encore aux projets d'infrastructure de transport qui sont étudiés à la pièce, sans vision d'ensemble. Ceci dit, le Plan Nord repose aussi sur des mesures phares en matière d'environnement. Il prévoit la protection de 20 % du Nord québécois d'ici 2020 - le double de la superficie protégée actuellement. Il assure également que 50 % du territoire nordique sera désigné exempt d'activités industrielles d'ici 2035. Lors de l'élaboration du Plan Nord, ces mesures étaient répétées à toutes les tribunes par le gouvernement, qui a déployé des efforts non négligeables afin qu'elles finissent par faire consensus. On peut y voir une volonté de faire du Plan Nord un projet de société équilibré, un chantier digne du XXIe siècle.

D'où notre questionnement : pourquoi les artisans de la Stratégie maritime ne tireraient-ils pas des leçons de cette expérience? Car force est de constater que l'écosystème du Saint-Laurent est très peu présent dans les discours tenus jusqu'à présent. Dans un événement récent organisé par le groupe Les Affaires, l'allocution du ministre délégué aux Transports et à l'Implantation de la stratégie maritime était nettement axée sur les occasions d'affaires pour les "partenaires de l'industrie". Lors de son passage en Belgique, le premier ministre parlait quant à lui du potentiel d'augmentation de trafic commercial, notamment entre le port de Montréal et celui d'Anvers.

Soit. Mais on ne peut pas faire abstraction de l'écosystème dans lequel se déploie la Stratégie maritime. Le Saint-Laurent est un patrimoine naturel inestimable. C'est la source d'eau potable de 3,7 millions de Québécois. Sa faune, sa flore et ses paysages majestueux soutiennent une industrie touristique qui à elle seule génère des retombées de plus d'un demi-milliard de dollars. Mais le Saint-Laurent est également un écosystème fragile, déjà fortement perturbé par l'activité humaine. Et ces pressions sont appelées à augmenter - on prévoit par exemple que les projets d'oléoduc 9B et Énergie Est réunis quadrupleraient les quantités de pétrole transitant aujourd'hui sur et en bordure du Saint-Laurent.

En épluchant un document préliminaire sur la Stratégie maritime, encore hébergé sur le site web du Parti libéral, on retrouve deux mesures environnementales qui seraient les bienvenues : création d'un organisme qui assurerait la surveillance de l'état des zones côtières, et création d'aires marines protégées. C'est un début, mais la réflexion doit être poussée beaucoup plus loin, et les investissements à la hauteur des défis.

On ne peut plus, en 2015, se contenter de promouvoir un développement économique « dans une approche de respect de l'environnement ». Le respect de l'environnement, surtout lorsqu'il s'agit d'un écosystème névralgique comme le Saint-Laurent, doit se retrouver sur un pied d'égalité avec les objectifs de développement économique. Il faut pour cela des mesures proactives et des investissements conséquents pour améliorer la santé du fleuve (non seulement des mesures de mitigation pour le transport actuel et futur). Il faut des discours politiques qui remettent l'écosystème du Saint-Laurent au centre de la démarche. Il faut une approche qui interpelle les partenaires de tous les horizons, y compris le milieu scientifique et environnemental et non uniquement les partenaires industriels. Lorsqu'on demandera aux Québécois de décrire la Stratégie maritime, il faut qu'on ait autant de chances d'entendre « un plan pour préserver l'écosystème du Saint-Laurent pour les générations futures » que d'entendre « un plan pour créer 30 000 emplois d'ici 2030 ».

Le bateau n'a pas encore quitté le port, puisque la Stratégie maritime sera dévoilée dans son ensemble d'ici le mois de juin 2015. Il est encore temps de mettre le Saint-Laurent, et toute la vie qu'il supporte, au cœur de la démarche.

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