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L’éléphant Donald Trump dans le magasin de porcelaine

Les dommages d'une non-présence de Donald Trump en Asie pourraient être moindres que s'il se rendait sur place.
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Les Chinois aiment ce qui est prévisible, ils aiment opérer dans un environnement politique stable. Il est évident que ce n'est pas ce que le président américain leur offre.
Kevin Lamarque / Reuters
Les Chinois aiment ce qui est prévisible, ils aiment opérer dans un environnement politique stable. Il est évident que ce n'est pas ce que le président américain leur offre.

Le président américain s'apprête à effectuer une première tournée en Asie au cours des prochains jours. Mais, son style abrasif et pompeux, ses retournements imprévisibles, son ignorance des questions internationales les plus élémentaires, son manque de culture, son égo-manie et son manque de respect envers les autres (souvenons-nous comment il bouscula le premier ministre monténégrin pour être sur le devant de la photo au Sommet de l'OTAN), sa volonté maniaque de dominer ceux qu'il rencontre, nous font craindre autant les dommages diplomatiques à prévoir de cette visite que la présence du proverbial éléphant dans un magasin de porcelaines. Jetons un regard sur les boutiques où le pachyderme va entrer!

La Chine

Les Chinois aiment ce qui est prévisible, ils aiment opérer dans un environnement politique stable.

Il est évident que ce n'est pas ce que le président américain leur offre. De l'appel à la présidente de Taiwan, peu après son élection, au sommet Xi-Trump d'avril où les deux chefs ont semblé s'entendre (grâce à la Chine qui a eu la sagesse d'arriver avec des concessions commerciales susceptibles de plaire au président américain), aux soubresauts liés à la Corée du Nord où, tour à tour, M. Trump a fustigé les Chinois et leur a dit qu'il comptait sur eux pour infléchir Pyongyang, de son inscription de la Chine sur la liste noire des pays trafiquants les organes aux mamours téléphoniques avec le président chinois, aux menaces répétées de guerre commerciale, en passant par les félicitations offertes au président chinois pour son nouveau mandat à la tête du pays, l'administration américaine semble tout faire pour désorienter les dirigeants chinois. Les Chinois, qui auraient inventé la boussole il y a deux mille ans, doivent bien se demander ce qui les attend! Mais on peut compter sur la Chine, qui sait recevoir et qui a probablement saisi la personnalité de notre hurluberlu, pour lui en mettre plein la vue!

Les deux Corée

En validant la version chinoise quant à la nature des relations historiques de domination entre la Chine et la Corée, le même président américain, le printemps dernier avait réussi, par cette seule déclaration, à se mettre à dos à la fois la Corée du Nord et la Corée du Sud! Faut le faire! Cela, en plus de fournir des munitions au discours nationaliste chinois et asiatique selon lequel les États-Unis n'ont pas à s'impliquer dans les affaires du continent le plus vaste et le plus populeux et exigeant un retrait américain. Comment écrire « s'auto-pelure-de-bananiser » en 140 caractères ou moins?

En mai dernier, il se disait prêt à rencontrer Kim Jong-un, mais avant, comme depuis, a menacé son pays de destruction à de nombreuses reprises, y compris, fait sans précédent pour le chef d'une démocratie, à la tribune des Nations-Unies, organisation dédiée à la paix universelle!

Bref, dans le dossier coréen, le plus explosif dans la région, le président souffle le chaud et le froid et on ne sait jamais à quoi s'attendre.

Japon

Non seulement le président américain a-t-il annulé la signature de son pays au Partenariat Transpacifique, mais son obsession à ne regarder qu'à l'interne (America First) l'a amené, à plusieurs reprises, à déclarer que les Japonais et les Coréens devraient à l'avenir se défendre seuls, reniant ainsi plus de 60 années d'engagement américain envers ces démocraties. Outre le fait qu'il s'est depuis contredit en disant qu'il était à 100% avec le Japon face à la menace nord-coréenne, de tels revirements sont extrêmement déstabilisants pour les pays alliés et les pays « ennemis », car ils peuvent causer de grosses erreurs de calcul et provoquer des conflits qui auraient été évitables dans un environnement stable et prévisible.

Dans le pire scénario, le retrait du parapluie américain ne pourrait qu'amener le Japon et la Corée et de nombreux autres pays de la région à opérer un sauve-qui-peut diplomatique et à négocier les meilleurs termes possible avec la Chine.

Dans le pire scénario, le retrait du parapluie américain ne pourrait qu'amener le Japon et la Corée et de nombreux autres pays de la région à opérer un sauve-qui-peut diplomatique et à négocier les meilleurs termes possible avec la Chine. Du coup, les États-Unis perdraient toute influence diplomatique et économique dans la région, catapultant la Chine, sans qu'elle n'ait rien à faire, au rang de première puissance mondiale!

Le premier ministre japonais, fraîchement réélu sur un discours sans compromis face à la Corée du Nord, encouragera-t-il la nature belliqueuse de son interlocuteur américain? Cela ne reviendrait-il pas à offrir des allumettes à un pyromane?

Vietnam

Il sera curieux de voir ce qu'il dira aux Vietnamiens, hôtes du Sommet de l'APEC. Après un délicat rapprochement opéré depuis plusieurs années par George Bush et Barack Obama, que dira-t-il à ce pays lui aussi craintif face à la Chine? Aura-t-il la même insensibilité qu'envers la veuve d'un soldat américain tué au Niger, lorsqu'il faudra aborder les relations historiques entre les deux pays, marquées par l'effroyable Guerre du Vietnam? Leur dira-t-il à eux aussi que dans le fond, ils savaient dans quoi ils s'embarquaient?

Une visite écourtée?

On dit dans certains milieux américains que le président pourrait ne pas effectuer toute la tournée et rentrer plus tôt, car un long voyage le rendrait de mauvaise humeur et susceptible de faire des déclarations intempestives sur Twitter! Vraiment? Ce Sommet de l'ASEAN (Association des pays de l'Asie du Sud-Est) pourrait offrir au président l'occasion, par un discours ferme et nuancé, de rassurer les pays de la région et de mettre à mal les prétentions de souveraineté chinoise sur les eaux internationales les bordant. Mais, comme cette réunion aura lieu aux Philippines et que son hôte sera la brute primaire Rodrigo Duterte, un président qui encourage les meurtres extralégaux et en aurait lui-même commis, il serait normalement plus sage d'éviter une telle étape et de telles rencontres. Mais, ne comptons pas trop là-dessus, les deux hommes, qui partagent de nombreux traits de personnalité, risquent de bien s'entendre. Certes, l'absence du président américain, à cette dernière étape du périple, pourrait être insultante pour ceux qui l'avaient invité, d'autant plus que la date avait été fixée pour faciliter sa présence.

Mais, tout compte fait, les dommages d'une non-présence pourraient être moindres que s'il se rendait sur place.

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