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À l'ère digitale, la monnaie est-elle nécessaire?

La monnaie sert d'unité de compte, elle exprime les rapports que les choses, les biens, les services ont entre eux.
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Lorsqu'on lit que la monnaie assume les trois fonctions aristotéliciennes, il est bien rare qu'on lise que l'une est prédominante sur l'autre. Si on émet cette assertion: "la monnaie est fondamentalement l'instrument qui permet aux transactions de se faire", qui est la conviction d'à peu près tous les commentateurs, peut-on considérer que les deux autres fonctions sont secondes? Ce qui revient à proposer que la fonction de conservation de valeur n'a de sens que pour les transactions futures et les espoirs indifférenciés qu'elles entretiennent. La fonction d'étalon de valeur n'a de sens que pour sécuriser les transactions présentes et en cours. Ce serait donner une importance cardinale à la fonction "transaction"?

La fonction "transaction" est la fonction monétaire essentielle

Qui dit que la fonction transaction est première et non pas dérivée ou seconde? La fonction valorisation n'est-elle pas première? C'est elle qui légitimerait que la monnaie serve aux transactions. C'est d'elle seule que dépendrait la capacité de la monnaie à ménager le futur en conservant la valeur. Belle conservation de valeur que cette monnaie dont on sait que la valeur d'aujourd'hui est plus grande que la valeur de la monnaie de demain. Le vieil adage, prudent et matois "Un tien vaut mieux que deux tu l'auras "a précédé l'idée que sur le plan actuariel, 100 dollards aujourd'hui valent plus que 100 dollards demain et encore davantage s'il s'agit de dollars après-demain. Poser au premier plan la fonction de valorisation comporte beaucoup de risque.

La monnaie est une unité de compte, entendra-t-on en réponse, la valeur est ailleurs: c'est confondre les choses que de penser que la monnaie et la valeur des biens et des services ont quelque chose à voir ensemble. La monnaie sert d'unité de compte, elle exprime les rapports que les choses, les biens, les services ont entre eux. Ces rapports naissent pour autant que les hommes émettent des désirs et arbitrent entre la variété de ces derniers et la disponibilité des moyens de les satisfaire pour enfin les harmoniser dans un langage commun.

C'est bien ainsi qu'il faut comprendre la fameuse histoire des bœufs en tant que monnaie pour les Romains. Cela a donné le mot "pécuniaire"en français. Quand on est impécunieux, on n'a pas d'argent, donc pas de monnaie. Évidemment, les Romains ne s'échangeaient pas des bœufs pour régler leurs dettes. On ne pensait plus "bœuf"quand on fixait la valeur d'un bien, mais étalon de valeur et on réglait en sesterces ou en aureus. C'est-à-dire en monnaie métallique. Unité de compte? Il faut aussi penser au Franc, terme utilisé en France concurremment avec la Livre, l'un et l'autre sont longtemps demeurés des unités de compte parfaitement abstraites: jusqu'à la création du Franc monétaire sous Napoléon point de pièces de monnaie en Francs et l'écu qu'on créditait en compte était enregistré en tant que livres...

On pourrait continuer, mais on n'échapperait pas à cette remarque: jamais la monnaie n'a été pensée en dehors des processus d'échange et de transaction. Ses deux autres attributs sont seconds et dépendants: ils ne lui sont pas essentiels. Faut-il pour autant en conclure que la monnaie est essentielle au débouclement des transactions?

Payer sans monnaie

Il faut faire un peu d'histoire et chercher quelques exemples: dans les foires de champagne au Moyen-âge, les fameuses foires où se traitaient des affaires considérables entre marchands, producteurs et banquiers, l'or aurait dû couler à flots. Or, les foires ne roulaient pas sur l'or. Moins on l'utilisait, mieux on se portait. Il était rare. À la fin de la foire, on apurait toutes les dettes et les créances qui étaient nées des transactions qui s'étaient nouées pendant ce temps. Seul le solde était réglé en monnaie... mais pas toujours. Est-ce à dire que les marchands se rendaient à la foire avec pour seule "monnaie ", du papier et de l'encre? Bien sûr que non, ils venaient avec de l'or naturellement et d'autres monnaies. Par sécurité. Pour assurer la liquidation de leurs comptes au cas où ils viendraient à être débiteurs au sortir de la foire; pour le cas où la compensation de l'ensemble de leurs transactions aurait finalement laissé un solde à leur charge. La monnaie d'or ou d'argent n'était donc pas rendue disponible pour payer et opérer le règlement des transactions les unes après les autres. Elle n'intervenait que pour solder les comptes. On payait sans monnaie. Les transactions quotidiennes d'achat et de vente de marchandises se réglaient en "monnaie privée" c'est-à-dire en lettres de change compensées en fin de foire. La monnaie servait à régler les soldes. Avec la monnaie: on soldait, on ne payait pas.

Faut-il venir plus près et penser aux méthodes des cambistes: cotations en continu et cotations périodiques. C'est exactement la même problématique: les séances de bourse doivent-elles se dérouler paiement contre transaction, ou paiement en fin de séance? Et dans ce dernier cas, qu'est-ce qu'une fin de séance? Peut-on imaginer des séances qui s'apurent fin de journée, fin de semaine, fin de mois ou d'année? On sera tenté de dire que plus lointaine est la séance de compensation finale, moins grand est le besoin de monnaie. Ou, ce qui est une autre façon de le dire, plus faible est le rapport entre volume monétaire des transactions et volume monétaire de liquidation.

Le temps de la monnaie

Liquidation? Liquider. Solder. Tout serait-il là dans ces mots et dans celui, abstrait, de liquidité. Pour parachever la compensation des dettes et des créances, il faut des liquidités. Ce qui signifie a contrario que la monnaie n'est pas indispensable pour payer. Elle n'intervient que parce que l'apurement des transactions s'inscrit dans la durée. Elle est d'autant plus nécessaire que cette durée est brève. Dans un univers de confiance absolue, on a le temps d'attendre. C'est aussi un univers où le temps n'est pas valorisé. Inversement, dans un univers où le temps "vaut de l'argent", on n'a pas le temps et l'exigence de liquidité s'accroit. Valoriser le temps, c'est accroitre, l'exigence de liquidité.

On en vient ainsi à cette idée que la monnaie, au sens strict du terme, celui des économistes traditionnels, n'est pas intrinsèque aux transactions et que ne servant pas à payer, mais à solder, elle est un complément... Que celui-ci soit nécessaire ou non est une autre question. Il se peut qu'il ne soit utile que dans des conditions technologiques ou sociologiques données. Il se peut aussi qu'il ne soit pas utile du fait même d'autres conditions technologiques ou sociologiques.

Dans un univers où le temps ne compte pas, les créances finissent par s'équilibrer quels que soient les obstacles qui s'y opposaient auparavant: distances physiques, langages différents, formules commerciales hétérogènes, distorsions dans la codification des comptes, etc. ... Les termes du paiement s'abolissent et les écarts qu'ils créaient disparaissent. Point n'est besoin de monnaie, puisque le besoin de liquidité s'évanouit. La monnaie, au sens traditionnel est donc bien seconde sur le plan économique quoi qu'il en soit des intentions des parties prenantes à la création monétaire: le souverain et les banques. Outil de la liquidité, son utilité surgit une fois que toutes les compensations possibles ont été opérées, lorsqu'aucun autre moyen de représentation de ces soldes n'est disponible: si les conditions "mentales"et "technologiques"permettent de se passer de la monnaie des États ou des banques, alors, la liquidité elle-même pourra se passer de l'outil monétaire.

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