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Quand même des militantes pratiquent le « slut-shaming »...

La négation de l'autonomie sexuelle des femmes dans un contexte d'hétérosexualité est clairement misogyne.
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Le slut-shaming, récent concept féministe à la mode, a été évoqué récemment lors du psychodrame suscité par une blague anodine de Jean-François Merciersur les femmes qui adoptent des attitudes provocantes pour se plaindre ensuite de l'attention masculine qu'elles suscitent. Il se définit comme suit:

«Le slut-shaming est un concept proposé à l'origine par les féministes canadiennes et américaines. Cette expression, traduisible en français par "intimidation (ou humiliation) des salopes" ou "couvrir de honte les salopes", regroupe un ensemble d'attitudes individuelles ou collectives, agressives envers les femmes dont le comportement sexuel serait jugé "hors-norme". Le slut-shaming consiste donc à stigmatiser, culpabiliser ou disqualifier toute femme dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels, qui cherche à se faire avorter, ou qui a été violée. Même des symboliques n'ayant a priori pas de lien avec la sexualité peuvent mener à la stigmatisation (argent, voiture, pouvoir) et au slut-shaming

On voit à quel point ce concept si novateur ratisse large et peut englober moult comportements inoffensifs susceptibles de devenir soudainement condamnables. Je parle ici d'attitudes majoritairement masculines, bien sûr. Poussée à l'extrême - et c'est très possible -, cette façon de voir pourrait amener à condamner un quidam qui oserait reprocher à une Femen de s'être fait violer après s'être baladée les seins nus et en G-string à trois heures du matin dans un quartier mal famé, non loin d'un bar louche et d'un repaire de motards criminalisés.

Tout conseil préventif adressé aux femmes à l'effet qu'il est préférable qu'elles fassent preuve de prudence en évitant les quartiers mal famés, les endroits sombres, les promenades solitaires tard le soir, les comportements facticement séducteurs ou l'abus d'alcool en public représente alors autant d'attitudes condamnables. En clair, conseiller à des citoyens de barrer leur porte pour éviter des cambriolages, c'est bien, mais suggérer à des citoyennes de veiller sur leur sécurité, c'est antiféministe, misogyne et masculiniste.

Et pourtant...

Et pourtant, si le slut-shaming consiste bien «à stigmatiser, culpabiliser ou disqualifier toute femme dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels», il faudra alors m'expliquer certaines positons et comportements militants de nos féministes chéries.

Des femmes ont récemment mis sur pied une activité de combats de femmes dans le Jell-O à Trois-Rivières. On peut questionner le raffinement d'une pareille initiative, mise de l'avant par le Pub L'Alibi, mais elle est le fait d'une décision prise librement et en toute lucidité par des femmes majeures et vaccinées. Quelle a été la réaction de la Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie? Selon sa porte-parole, Johanne Blais: «Les femmes qui participent à ce genre d'activités vont utiliser l'argument d'une société de choix. Pour moi, faire de la lutte dans le Jell-O, ça ne relève pas d'un réel choix.»

Ça relève de quoi, alors? Faut-il conclure que ces femmes sont des andouilles qui ne savent pas ce qu'elles font?

Récemment, une jeune femme de 18 ans a suscité un tremblement de Toile après avoir avoué candidement participer au tournage de films pornos et y prendre plaisir. Je suis le premier à admettre que je serais désolé si ma fille s'adonnait à pareille activité. Mais, après avoir donné mon opinion, je me verrais tout de même forcé de respecter son choix si elle le maintenait. Selon Amy Sweet (son nom d'artiste), même l'hostilité suscitée par ses choix de carrière a contribué à lui faire une publicité monstre qui sert ses intérêts.

Comment des féministes peuvent-elles condamner une femme jeune mais majeure, «dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels» sans être incohérentes? Pour questionnables qu'ils puissent sembler, ses choix ne regardent-ils pas qu'elle et personne d'autre?

Et que dire des travailleuses du sexe? Dans une optique féministe, la totalité de ces femmes sont des victimes de proxénètes sans scrupules, qui recourent à la violence et au chantage afin d'assurer leur mainmise sur des êtres hypothéqués par un passé de violence et d'abus sexuels, toxicomanes, sans estime de soi, et écrasés par un destin sans issue. Il est tout à fait vrai que des cas aussi pathétiques existent et il serait irresponsable de le nier, ces femmes ayant désespérément besoin d'aide. Mais peut-on vraiment affirmer que toutes les prostituées répondent à ce signalement tragique?

Le Conseil du statut de la femme (CSF) avait produit en 2010 un avis véhiculant ce portrait misérabiliste présenté comme la seule et unique réalité des prostituées. Émilie Laliberté, directrice générale de Stella, organisme de défense des droits des travailleuses et travailleurs du sexe, avait démontré par son discours qu'il existe des femmes qui contrastent singulièrement d'avec le portrait réducteur et infantilisant brossé par le CSF:

«En mars 2010, les 10 membres qui forment le CSF votaient pour réaliser un avis contre la prostitution. Donc, avant même d'aller sur le terrain, de rencontrer les personnes concernées, de comprendre les réalités, les besoins et les enjeux, l'avis était déjà décidé. (...) Nous nous demandons comment une femme venant du milieu journalistique, telle que Mme Miville-Dechêne, peut endosser cette méthodologie douteuse?» ... Et par le fait même condamner, encore une fois, des femmes «dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels»?

Quand même l'hétérosexualité est condamnable...

Je me souviens d'une internaute qui avait déclaré sur Facebook que le simple fait d'avoir affirmé trouver agréable de se faire belle pour son homme quand il revient du travail lui avait attiré une volée de bois vert. Eh oui, aux yeux de certaines militantes, même l'hétérosexualité peut incriminer des femmes «dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels», puisqu'ils sont le résultat d'une domination masculine, bien entendu, à l'instar de celle qui opprime les actrices porno, les prostituées ou les lutteuses dans le Jell-O, qui ne réalisent pas leur oppression.

La négation de l'autonomie sexuelle des femmes dans un contexte d'hétérosexualité est clairement misogyne. Par ce mépris du choix légitime des femmes à assumer leur orientation sexuelle, des militantes extrémistes pratiquent elles-mêmes le slut-shaming. Afin de mesurer l'étendue du phénomène, je laisserai le mot de la fin à trois féministes de renom, étudiées religieusement dans nos doctes universités conscientisées. Ces citations sont tirées de Homme et toujours fier de l'être d'Yvon Dallaire.

«La relation hétérosexuelle est l'expression la plus pure, la plus formalisée du mépris pour le corps de la femme.»

- Andrea Dworkin, The Rape Atrocity and the Boy Next Door.

«Les rapports hétérosexuels sont antiféministes.»

- T-Grade Atkinson, Amazon Odyssey.

«Quant une femme orgasme dans les bras d'un homme, elle collabore avec le système patriarcal, elle érotise sa propre oppression.»

- Sheila Jeffrys, professeure.

Ces propos sont-ils assez réducteurs à votre goût?

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