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La tentative de coup d'État en Turquie accroît la menace sur la stabilité régionale et internationale

Des milliers d'arrestations ont été opérées dans tout le pays. 161 tués, 1440 blessés sans compter 104 putschistes abattus, 2839 militaires arrêtés, et la purge ne fait que commencer: plus de 2700 magistrats ont déjà été révoqués.
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La Turquie a vécu une tentative de coup d'État dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016.

Pour mémoire, la République de Turquie, dont l'histoire est émaillée de coups d'État militaires, n'en avait pas connu depuis le 12 septembre 1980, lorsque l'armée, avec à sa tête le général Kenan Evren, avait instauré un régime militaire qui s'était maintenu jusqu'en 1983.

Si les motivations du coup du 15 juillet 2016 demeurent encore inconnues, chacun sait que depuis fin 2013, le président Recep Tayyip Erdogan accuse les fidèles d'un imam exilé aux États-Unis, Fethullah Gülen, d'avoir créé au sein de la justice, de la police, de l'armée et même de la présidence une «structure parallèle» dans le but de prendre le pouvoir.

La purge ne fait que commencer

Des milliers d'arrestations ont été opérées dans tout le pays. 161 tués, 1440 blessés sans compter 104 putschistes abattus, 2839 militaires arrêtés, et la purge ne fait que commencer: plus de 2700 magistrats ont déjà été révoqués.

«La tentative de coup d'État en Turquie accroît la menace sur la stabilité régionale et internationale»

Dans ce contexte, la tentative de coup d'État en Turquie accroît la menace sur la stabilité régionale et internationale, a indiqué le 16 juillet 2016 Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

«Moscou est très inquiet au vu des derniers événements en Turquie», a fait savoir le ministre dans un communiqué.

«Cette soudaine flambée de la situation politique, sur fond de menaces terroristes existant dans ce pays et du conflit armé dans cette région, contribue à accroître les risques pour la stabilité régionale et internationale», indique Sergueï Lavrov.

Dans la même veine, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a fait part de la «grande inquiétude» de son pays. «Nous exprimons notre grande inquiétude devant les événements qui sont en train de se produire en Turquie. La stabilité, la démocratie et la sécurité des Turcs sont une priorité», a-t-il déclaré.

La tentative de coup d'État est intervenue alors que la Turquie est en passe de recalibrer sa politique étrangère.

De fait, sous la houlette du nouveau chef de gouvernement, Ankara a lancé une offensive de charme pour réparer les dégâts diplomatiques laissés derrière lui par le premier ministre congédié Davutoglu.

«Israël, la Russie, l'Égypte... Il ne peut pas y avoir d'inimitié permanente entre ces pays qui bordent la Méditerranée (ou) la mer Noire», avait lancé le nouveau premier ministre turc Yildirim récemment nommé en mai 2016.

Or, sous l'égide de l'ex-premier ministre, Ankara s'était brouillé avec la Russie. La Turquie avait fortement restreint ses relations avec Israël et l'Égypte tout en prouvant son impuissance à se débarrasser en Syrie du régime de Bachar El-Assad.

Aujourd'hui, un rapprochement d'Ankara avec ses voisins régionaux est d'autant plus crucial que les relations d'Ankara avec l'Union européenne traversent une zone de fortes turbulences.

«Ankara s'était retrouvée «presque sans aucun ami» au Moyen-Orient, à l'exception du Qatar et du gouvernement régional du Kurdistan irakien.»

Et c'est ainsi, que Soner Cagaptay, directeur du Programme de recherche sur la Turquie au Washington Institute, confie volontiers que la politique étrangère menée sous le premier ministre Davutoglu s'était soldée pour la Turquie par un échec sans précédent dans la mesure où Ankara s'est retrouvée «presque sans aucun ami» au Moyen-Orient, à l'exception du Qatar et du gouvernement régional du Kurdistan irakien.

Depuis son arrivée aux affaires, le nouveau premier ministre a réussi le tour de force de se rapprocher tour à tour de Tel Aviv, de Moscou et les espoirs de réconciliation avec Le Caire et Damas ne sont pas si loin.

Qu'on y songe, s'agissant de l'État hébreu, six ans après l'assaut de commandos israéliens contre un bateau d'aide humanitaire pour Gaza sous blocus qui ont tué dix Turcs, Ankara s'apprête à normaliser ses relations.

S'agissant de l'Égypte, les relations se sont dégradées après la condamnation par M. Erdogan du «coup d'État» des militaires ayant chassé du pouvoir son allié des Frères musulmans Mohamed Morsi.

Mais qu'on se le dise, Ankara souhaiterait se réconcilier, sous l'œil bienveillant de Riyad, avec le président Abdel Fattah al-Sissi.

S'agissant des tensions avec Moscou, elles sont sur le point de s'apaiser après le message envoyé par Erdogan à son homologue Vladimir Poutine. Chacun sait qu'il s'agissait du premier contact depuis que deux F-16 turcs ont abattu un avion russe ayant violé l'espace aérien turc au-dessus de la frontière avec la Syrie fin 2015.

Enfin s'agissant de ses relations avec Damas, un assouplissement d'Ankara sur Bachar El-Assad a commencé dès l'été 2015 après qu'Erdogan ait annoncé que celui-ci pouvait conserver son poste pendant six mois, jusqu'à la finalisation de la transition politique réclamée par la communauté internationale. Étant entendu qu'auparavant, Ankara insistait fortement pour qu'il quitte ses fonctions au début de la période de transition.

«Qui aura l'audace de résister aux purges et aux exigences de celui qui, en une nuit à la faveur de ce coup d'État manqué, est devenu homme providentiel?»

Pour l'heure, Erdogan, qui pouvait se targuer de se retrouver presque sans aucun ami, non seulement dans la région, mais aussi dans son pays, a retrouvé en quelques heures la légitimité qui lui faisait défaut.

Dès lors, qui aura l'audace de résister aux purges et aux exigences de celui qui, en une nuit à la faveur de ce coup d'État manqué, est devenu homme providentiel?

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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