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Le racisme dans le sport n'est pas toujours celui qu'on croit

Au cours des dernières semaines, le monde du sport professionnel états-unien a vécu deux actes de racismes médiatisés: Donald Sterling, le président des Los Angeles Clippers, a été banni de la NBA pour propos racistes et le défenseur des Canadiens de Montréal, P.K. Subban fut insulté dans des médias sociaux par quelques partisans de la ville de Boston.
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Au cours des dernières semaines, le monde du sport professionnel états-unien a vécu deux actes de racismes médiatisés: Donald Sterling, le président des Los Angeles Clippers, a été banni de la National Basket Association (NBA) pour propos racistes et le défenseur des Canadiens de Montréal (National Hockey League - NHL), P.K Subban fut insulté dans des médias sociaux par quelques partisans de la ville de Boston. Notre propos n'est pas ici d'analyser les raisons d'un tel phénomène, mais plutôt : a) de rappeler la nécessité pour les acteurs de ces sports de prendre position sur la scène publique et b) de montrer que le racisme dans le sport professionnel est plus complexe qu'un ensemble d'actes qu'on tente parfois de décrire comme isolé.

Trois thèses existent dans le champ de la sociologie du sport pour expliquer les liens entre sphère sportive et sphère sociale, à savoir les thèses du reflet, de la reproduction et de la résistance.

Dans la première thèse, le sport est le reflet de la société ; les actes de racismes et de discrimination existants dans cette sphère ne sont donc ni plus ni moins qu'un miroir social. Il est à noter que cet argument est pratique pour certains dirigeants sportifs qui peuvent ainsi justifier certains comportements «déviants» dans leur rang. En effet, s'ils se passent des incidents racistes ou encore si certains sports sont rongés par une problématique spécifique (comme le dopage), il est facile de dire que ses actes sont aussi présents dans la société et que donc il est «logique» ou «normal» qu'ils se retrouvent au sein de la sphère sportive.

La seconde thèse est celle de la reproduction. Ici, le sport permet de légitimer et de reproduire certaines formes de racisme présent dans la société. Par exemple, le fait que les entraineurs dans le basket et le football américain sont plutôt blancs alors qu'une très grande majorité de joueurs dans cette ligue sont noirs est un réservoir idéologique pour avancer certains arguments fallacieux comme sur l'incapacité des noirs à diriger et ce même dans des domaines où ils excellent en tant qu'exécutants (ce qui nous montre l'importance et la nécessité pour les propriétaires de clubs appartenant à ces ligues de sports professionnels d'engager des entraîneurs-chefs de couleur).

Enfin, la thèse de la résistance postule que le sport est un terrain de contestation possible et nécessaire. Par exemple, les poings levés et gantés de noirs de Tommie Smith et de John Carlos lors des Jeux olympiques de Mexico de 1968 furent un moment important dans la longue bataille de la communauté afro-américaine pour la reconnaissance de leurs droits. Le jet récent des chandails des joueurs de basket des Los Angeles Clippers à l'échauffement va aussi dans ce sens. Il est donc important et nécessaire que les joueurs prennent position et dénoncent toutes les formes de racisme qu'ils subissent. C'est un premier pas dans la bonne direction et, dans ce contexte, les partisans, les dirigeants et les médias doivent encourager les athlètes à dénoncer toutes formes d'injustices subies.

Cependant, il existe une autre forme de racisme dans le sport qui est peut-être encore plus insidieuse que celle mentionnée précédemment. En effet, si on prend exemple de la NBA ou de la NFL, on remarque qu'il y a cinq fois plus d'Afro-Américains dans ces ligues qu'au sein de la population états-unienne. Qu'est-ce que cela signifie ? Simplement qu'on cantonne cette population dans la sphère du spectacle, alors qu'elle est quasiment inexistante dans les sphères décisionnelles politiques et économiques. Ainsi, le sport ne permet que, pour ses acteurs, l'accumulation du capital financier (certes très importants pour les athlètes les plus connus), mais exclut presque systématiquement (systémiquement ou structurellement devrais-je dire) ceux-ci des sphères du savoir institutionnalisé, comme l'éducation. Or, on sait l'importance, pour reprendre la terminologie du sociologue Pierre Bourdieu, de détenir ces capitaux éducationnel et culturel pour pouvoir accéder aux postes importants dans une société.

Le racisme envers les Afro-Américains n'est donc pas seulement celui médiatisé parfois, celui d'un propriétaire ou de supporters stupides; il est avant tout structurel dans les sports que nous venons de mentionner. Il empêche les afro-américains d'accéder à d'autres mondes que ceux du spectacle, même si bien entendu des exceptions existent (ce que Bourdieu appelle les «transfuges»). C'est dans cette voie de la lutte contre les discriminations sportives d'ordre structurelle et dynamique qu'il nous faut tous nous engager.

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