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Laïcité: une question de perspective

À nous de lâcher les réseaux sociaux et nous rassembler pour vrai, tous ensemble, pour construire le Québec de demain. Un Québec plus juste, plus vert et plus libre.
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Notre colère et notre sentiment d'injustice sont instrumentalisés par certains politiciens et certains médias aux intérêts complémentaires: électoralistes pour les uns et capitalistes pour les autres.
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Notre colère et notre sentiment d'injustice sont instrumentalisés par certains politiciens et certains médias aux intérêts complémentaires: électoralistes pour les uns et capitalistes pour les autres.

Depuis plusieurs années, au Québec comme ailleurs, des politiciens manipulent nos émotions et parfois notre ignorance avec la complicité de certains médias, détournant nos regards des réels enjeux qui bouleversent nos vies.

Notre attention est alors paradoxalement dirigée vers des personnes vulnérables de notre société: assistés sociaux, étudiants, immigrants, musulmans, etc. Ce que nous déblatérions autrefois dans notre cuisine, nous le transposons aujourd'hui sur les réseaux sociaux qui servent de caisse de résonance.

Tous ces groupes y passent: nous rabaissons les étudiants(es) lorsqu'ils réclament une éducation accessible et gratuite. Nous dénigrons les prestataires de l'aide sociale qui vivent avec seulement 669$ par mois. Nous reprochons aux néo-Québécois désirant améliorer leur sort de ne pas s'intégrer assez rapidement. Et, de plus en plus, nous nous sentons menacés par nos concitoyens québécois de confession musulmane en nous basant sur des perceptions plutôt que sur des faits.

Une question souvent employée en criminologie est «à qui profite le crime?» Nous sommes en droit de nous la poser. Pendant que nous nous engueulons sur Facebook, combien de décisions sont prises en catimini et ont une réelle incidence sur notre santé, nos finances et notre environnement?

Pensons aux conditions dans lesquelles nous laissons nos aînés en fin de vie, aux 15 à 20 cent par litre d'essence que nous payons de trop depuis plusieurs années, ou aux catastrophes écologiques auxquelles nous faisons et ferons face et qui pourraient, selon les experts, causer la destruction de nos érables dans les prochaines années, comme ce fut le cas de la majorité des frênes du pays.

Jusqu'à quand, comme société, allons-nous rester spectateurs des conditions de travail exécrables vécues par nos infirmiers/ères et préposés(e) aux bénéficiaires, entre surcharge de travail et heures supplémentaires obligatoires? Pourquoi tolérons-nous qu'un(e) caissier/ère de la SAQ gagne 4$/heure de plus que nos éducatrices en petite enfance qui, rappelons-le-nous, sont les premières personnes à qui nous confions nos générations futures?

Des ressentis et des enjeux instrumentalisés

Nous ne nous en rendons même pas compte, mais notre colère et notre sentiment d'injustice sont le prolongement naturel des défis auxquels nous faisons face tous les jours au travail, à la maison, à l'hôpital, à l'épicerie, à la banque, etc.

Ces sentiments sont instrumentalisés par certains politiciens et certains médias aux intérêts complémentaires: électoralistes pour les uns et capitalistes pour les autres.

Au niveau politique, cela s'est traduit ces dernières années, entre autres, par la hausse des frais de scolarité (PLQ), la charte des valeurs (PQ), le projet de loi 9 sur l'immigration (CAQ) ou le projet de loi 21 sur la laïcité de l'État (CAQ). Est-ce un hasard si aucun de ces projets de loi (ou mesures) n'a encore été adopté? Cela a permis, et permet encore de nourrir cette grogne populaire.

Pour des raisons similaires, les médias, par l'intermédiaire de certains chroniqueurs et commentateurs politiques, jouent avec nos émotions en surdimensionnant ces sujets aux concepts parfois très abstraits. Interviewé dans le documentaire Troller les trolls, le chroniqueur Richard Martineau reconnaît que dans ses nombreuses chroniques portant sur l'islam et/ou les musulmans, il s'en prend aux islamistes qui représentent «une infime minorité des musulmans». Outré, il met en garde: «Il y a 53% d'analphabètes fonctionnels au Québec, 53% des gens qui lisent des textes, mais qui ne comprennent pas. C'est plus que la moitié!» Moment surréaliste.

Comment expliquer que M. Martineau apporte une nuance élémentaire sur un sujet complexe qu'il traite abondamment depuis presque 15 ans et du même coup se scandaliser qu'il y ait plus de la moitié des Québécois qui éprouvent des difficultés de lecture? Soyons sérieux. N'importe qui d'entre nous, avec ou sans difficulté de lecture, pourrait à tort associer «islam», le nom de la religion, à «islamiste», l'adjectif qualifiant un membre d'un mouvement politique qui prône l'adoption de concepts de l'islam dans la gouvernance d'un État. Seules l'honnêteté intellectuelle et la rigueur journalistique nous protègent contre ces dangereuses dérives.

Malheureusement, ce type de chroniqueur se spécialise dans l'émission d'opinions sans fondement collectionnant les blâmes du Conseil de presse du Québec pour informations inexactes et manque de rigueur. Il n'est pas le seul, soyons vigilants.

Canaliser notre colère pour construire le Québec de demain

Nous assistons depuis quelques mois à des mouvements populaires à travers le monde, la France et Algérie étant les plus médiatisés, où des millions de citoyens réclament des réformes et une plus grande justice sociale. À Montréal, des mobilisations sans précédent ont eu lieu le 15 mars dernier, joignant un mouvement planétaire en faveur de l'environnement.

Ces mobilisations doivent absolument continuer à nous inspirer. Il nous revient de canaliser notre grogne et résister aux tentatives d'orientation politique et de manipulation médiatique des enjeux d'aujourd'hui et de demain.

À nous de lâcher les réseaux sociaux et nous rassembler pour vrai, tous ensemble, pour construire le Québec de demain. Un Québec plus juste, plus vert et plus libre.

Enjeux de société en chiffres (avril 2019):

669$ montant de la prestation d'aide sociale aux personnes sans contraintes à l'emploi;

3475$ montant des frais de scolarité d'une année universitaire à temps plein (incluant des frais comme les assurances ou les associations étudiantes);

16,75$ taux horaire de base des éducatrices non qualifiées en CPE (12$ au privé);

18,98$ taux horaire de base des éducatrices qualifiées en CPE (16$ au privé);

20,55$ taux horaire de base des préposés(es) aux bénéficiaires au public (15$ au privé);

24,08$ taux horaire de base des infirmiers/ères.

Sondages populaires:

60% appuient l'augmentation des frais de scolarité (2011);

49% affirment avoir une opinion négative des assistés sociaux (2016);

La section des blogues propose des textes personnels qui reflètent l'opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

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