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Discours de Netanyahu au Congrès: pourquoi ne veut-il aucun accord avec l'Iran?

S'il n'y a plus de crise sur le nucléaire iranien, l'administration Obama et John Kerry reprendront leurs efforts pour résoudre la crise israélo-palestinienne, et le processus de colonisation deviendra très difficile pour Israël.
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En exportant sa campagne électorale aux États-Unis, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu transforme la relation entre les États-Unis et Israël en question partisane. En prononçant son discours devant le Congrès américain, Netanyahu va ouvertement s'attaquer à la diplomatie avec l'Iran menée par l'administration Obama et ainsi fragiliser l'équilibre des relations américano-israéliennes.

Premièrement, Netanyahu s'adresse au Congrès sans avoir été invité par le président américain, mais par le républicain et président de la Chambre des représentants John Boehner. Barack Obama ne recevra pas le premier ministre israélien et déjà quelques 55 démocrates ont annoncé qu'ils n'assisteront pas au discours. Le Vice-président Joe Biden, sera également absent. Enfin, pour envenimer davantage la situation, Netanyahu a refusé l'invitation des élus démocrates. Par conséquent, un vent partisan nouveau s'empare de la question de l'accord avec l'Iran alors qu'elle a toujours fait l'objet d'un consensus solide entre républicains et démocrates.

Deuxièmement, cette démarche inédite, qualifiée de « destructrice » par Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale de Barack Obama, marque un sérieux coup à la relation entre Israël et les États-Unis. Face à cette crise de confiance entre le gouvernement Netanyahu et l'administration Obama au sujet de l'Iran, la Maison Blanche a décidé de ne plus partager les détails des pourparlers avec Israël de crainte que Netanyahu ne révèle publiquement des détails « sélectifs » de l'accord et « sortis de leurs contexte ». La crise de confiance est telle que l'ex-directeur du Mossad Meir Dagan a même exprimé que « la personne qui a causé le plus grand dégât stratégique à Israël sur la question iranienne et le premier ministre ».

Le secrétaire d'État américain John Kerry, qui mène le processus de négociation le plus sérieux et intense de ces 36 dernières années avec l'Iran, a rappelé que Netanyahu avait eu tord lorsqu'il était venu s'exprimer en faveur d'une invasion de l'Iraq en 2002 et qu'il avait également tord de douter de l'accord intérimaire signé entre les puissances mondiales et l'Iran en novembre 2013. Kerry, qui sera absent au discours, a rappelé que ralentir le programme nucléaire de Téhéran s'est opéré grâce à la diplomatie et à l'accord intérimaire signé à Genève.

Le rapprochement entre l'Iran et les États-Unis est la vraie inquiétude de Netanyahu

Un succès de la diplomatie avec l'Iran devient probable et c'est précisément cela qui représente une menace pour les conservateurs israéliens, bien plus que la « menace existentielle iranienne » décrite par Netanyahu. En effet, depuis l'accord intérimaire signé avec l'Iran en novembre 2013, Benyamin Netanyahu a franchi une ligne que ses prédécesseurs ont toujours pris soin de ne pas dépasser. Voyant que la diplomatie progresse, il a transformé la question iranienne, qui a toujours été perçue comme une question mondiale, en une question israélienne.

Trita Parsi, président du National Iranian American Council à Washington et auteur de livres sur la diplomatie avec Iran et les relations avec Israël écrit que « Netanyahu a toujours été opposé à la diplomatie avec l'Iran. Non pas par crainte qu'elle échoue, mais précisément par crainte qu'elle fonctionne ». Il ajoute que Netanyahu « ne craint pas un bombe nucléaire iranienne, mais plutôt un accord entre les États-Unis et l'Iran ».

Comme je l'ai écrit l'année dernière, Netanyahu craint par-dessus tout la fin de la crise avec l'Iran. Si celle-ci n'existe plus, les relations entre les États-Unis et l'Iran connaitront une certaine détente qui marquera le début d'un bouleversement des équilibres géopolitiques dans le Moyen-Orient. En effet, la fin de la crise du nucléaire signifie -- à terme -- la fin des sanctions. La levée des sanctions signifie que l'Iran ne sera plus isolé et le pays -- qui est le poids lourd de la région -- retrouvera sa position géopolitique naturelle aux dépens d'Israël (et de l'Arabie Saoudite).

Ensuite, la fin de la crise iranienne détruira les bases de la coalition d'un Netanyahu qui a investi un énorme capital politique sur sa rhétorique anti-Iran agressive (et exagérée si l'on en croit les renseignements israéliens). Cette rhétorique masque les questions sociales et économiques (sur lesquelles Netanyahu est critiqué par ses opposants en Israël). Le candidat Netanyahu a donc besoin de maintenir la crise avec l'Iran pour consolider son électorat et sa coalition qui s'étend jusqu'à l'extrême droite israélienne. S'offrir la tribune du Congrès américain pour propager un discours de peur diabolisant l'Iran lui permet de gagner des points dans l'élection israélienne du 17 mars.

Enfin, s'il n'y a plus de crise sur le nucléaire iranien, l'administration Obama et John Kerry reprendront leurs efforts pour résoudre la crise israélo-palestinienne, et le processus de colonisation deviendra très difficile pour Israël. Par ailleurs, l'autre point qui explique l'effort de Netanyahu de maintenir l'attention sur l'Iran est la question de l'armement nucléaire d'Israël qui sera de plus en plus difficile à éviter puisque l'idée d'une conférence pour un Moyen-Orient dénucléarisé n'est pas enterrée et pourrait refaire surface.

En résumé, d'un point de vue géostratégique, politique et légal, Netanyahu se sent menacé par un accord entre les puissances mondiales et l'Iran (aussi « bon » soit-il) plus que par des avancées dans le programme nucléaire iranien (programme diminué considérablement et rendu plus transparent grâce à l'accord de Genève).

Le premier ministre israélien, dans ce qui est jugé « arrogant » par la sénatrice démocrate Dianne Feinstein et en désaccord avec Obama et 180 anciens officiels de l'appareil de sécurité d'Israël, va tenter une ultime démarche pour saboter un accord sur le nucléaire à l'heure où les puissances mondiales et l'Iran avancent vers un accord gagnant-gagnant pour les Iraniens, les Israéliens et les puissances mondiales.

La possible signature des paramètres d'un accord final qui doit être mis en place au 24 mars est le fruit de 18 mois de diplomatie intense. Cet accord permettra de déverrouiller la situation dans la région et la lutte contre Daech. Il serait plus sage que le candidat Netanyahu prenne davantage en considération l'intérêt de tous et laisse l'espace nécessaire à Obama pour signer l'accord historique qui sera la plus grande réussite en politique étrangère de sa présidence.

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