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Nucléaire iranien: l'Occident, comme l'Iran, sortira gagnant

Les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres du conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne (5+1) et le ministre des Affaires étrangères iranien Javad Zarif négocient les contours d'un accord sur le dossier du nucléaire.
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Dans ce dernier sprint d'un marathon diplomatique qui s'est étendu sur près d'une décennie, les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres du conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne (5+1) et le ministre des Affaires étrangères iranien Javad Zarif négocient dans le somptueux palais Beau Rivage de Lausanne sur les bords du Lac Léman les contours d'un accord sur le dossier du nucléaire. L'Iran et les 5+1 se rapprochent d'une percée majeure sur le dossier et commencent la rédaction du document posant les bases d'un cadre politique qui constituerait une victoire impressionnante pour la diplomatie.

Cependant, la diplomatie reste un exercice difficile qui demande de l'endurance et de la combativité pour assurer son succès. Dans cette crise où chaque puissance a tout à y gagner, mais également tant à perdre, les enjeux sont capitaux puisqu'un accord réaliste et durable mettrait un terme à près d'une décennie de sanctions contre l'Iran (dans un long processus de réciprocité). L'accord, comme le met en relief le Arms Control Association, serait donc gagnant pour l'Iran, mais il le serait également pour les 5+1 qui obtiendraient:

  • Limitation du nombre de centrifugeuses (probablement autour de 6000 en cas d'accord). L'Iran possède près 10200 centrifugeuses de type IR-1 qui opèrent en ce moment. Les scientifiques iraniens ont également produit et installé 8300 de ces même IR-1 (technologie datant des années 70) et installé plus de 1000 centrifugeuses de type IR-2m qui enrichissent quatre fois plus vite. Celles-ci n'opèrent pas en accord avec le JPOA (Joint Plan of Action, accord provisoire signé à Genève le 24 novembre 2013).
  • Le type de centrifugeuse est un élément clé de l'accord et la question de la Recherche et du Développement reste l'une des dernières questions à régler. En cas de non-accord (et de nouvelles sanctions du Sénat américain), l'Iran se dit prêt à utiliser l'ensemble de ses 19500 centrifugeuses, rebrancher les centrifugeuses IR-5 (qui sont prêtes), et même compléter l'installation de centrifugeuses IR-6 et le développement des IR-8.

  • Limitation de l'enrichissement de l'uranium qui ne dépassera pas les 5% alors que l'Iran enrichissait à hauteur de 20% avant le JPOA. En cas de non-accord, l'Iran enrichirait de nouveau à hauteur de 20% et certains membres du parlement iranien (Majles) ont même un projet de loi sur la nécessité d'enrichir à hauteur de 60% pour fournir du combustible aux sous-marins (le seuil d'enrichissement de l'uranium pour une bombe nucléaire étant de 90%).
  • Limitation des stocks d'uranium enrichi. L'Iran possède près de 8000 kilogrammes de stocks d'uranium enrichi à 5% et une option envisagée serait d'en exporter hors de ses frontières (probablement en Russie). Conformément au JPOA, l'Iran a dilué la moitié de ses stocks d'uranium enrichi à 20% en uranium enrichi à 5%. En cas de non-accord, l'Iran augmenterait à nouveau ses stocks d'uranium enrichi (à 5%, 20% et probablement davantage).
  • Limitation de la quantité de plutonium et de la capacité à s'en procurer. Le plutonium est l'autre manière d'accéder à la production d'une bombe nucléaire et en cas d'accord le réacteur de production d'eau lourde d'Arak sera modifié pour réduire cette capacité de production du plutonium. En cas de non-accord, le réacteur de production d'eau lourde sera opérationnel sans restriction et aura les capacités techniques pour produire du plutonium nécessaire à la fabrication de plusieurs armes nucléaires.

L'accord prévoit le niveau maximum d'inspections et de vérifications de l'ensemble des installations nucléaires de l'Iran, le tout avec la possibilité pour les inspecteurs de l'AIEA (Agence Internationale de l'Énergie atomique) de vérifier les installations peu de temps avant l'annonce de leur venue. En signant le Protocole additionnel, l'Iran accepterait le niveau maximal et légal de transparence et de vérifications (bien au-delà de ses obligations sous le traité de non-prolifération). À noter que le Protocole additionnel garantit un accès permanent (qui s'étendra au-delà des restrictions prévues pour une durée de 10 ans minimum en cas d'accord) et à davantage de sites nucléaires.

En cas de non-accord, l'AIEA continuerait d'avoir un accès restreint aux installations nucléaires iraniennes. Les 5+1 auraient alors une visibilité limitée et devraient avoir recours à des méthodes non conventionnelles comme l'espionnage ou des virus pour avoir des renseignements.

Un accord permettra donc aux 5+1 d'augmenter considérablement et de la manière la plus sûre qui existe le temps qu'il faudrait à l'Iran pour obtenir l'uranium hautement enrichi nécessaire à la fabrication d'une bombe nucléaire. Le temps estimé serait donc de 12 mois au lieu de quelques semaines en cas de non-accord (si l'Iran décidait de détourner vers un programme nucléaire à des fins militaires, chose que Téhéran dément).

L'échec des négociations serait donc catastrophique, car a) une telle configuration politique ne se représentera pas et b) nous serions plongés de nouveau dans le processus destructeur d'escalade des tensions avec d'un côté plus de sanctions et de l'autre plus d'avancées sur le nucléaire. John Kerry et Barack Obama l'ont expliqué, l'Iran possédait 164 centrifugeuses avant les sanctions et il en possède près de 20.000 après celles-ci. Ce scénario serait perdant-perdant et, pire encore, l'idée d'une confrontation militaire serait de nouveau à l'ordre du jour alors que chacun est d'accord pour affirmer qu'il est impossible de bombarder un savoir-faire déjà acquis par les Iraniens.

Un accord est donc une issue gagnante pour les États-Unis et les Européens qui ont toujours assuré que les sanctions visaient exclusivement le programme nucléaire iranien et visaient à réduire les avancées de celui-ci. Comme Javad Zarif indiquait à Lausanne, la différence entre un accord et pas d'accord est comme le jour et la nuit. Cependant, Il exprime des craintes quant à un document de deux à trois pages (donc non détaillé) car "n'importe qui pourra le tuer".

Bien évidemment les bénéfices d'un accord ne se résument pas au nucléaire qui est un dossier qui vient en réalité se greffer à une crise géopolitique bien plus importante et l'aggravation des multiples crises régionales rendent plus urgent que jamais la nécessité d'en finir avec cette crise qui bloc le dialogue sur la résolution des multiples conflits dans la région.

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